Google+, emblème d’une stratégie manquée d’un réseau social
Par Arielle le Bail, Project Analyst chez Fabernovel
Défini comme “l’un des plus grands échecs» de Google par le Wall Street Journal, moqué par une grande partie des médias américains, le réseau social Google+ va définitivement fermer au début du mois d’avril pour les particuliers, après l’annonce d’une deuxième fuite de données concernant plus de 50 millions d’utilisateurs en décembre 2018. Lancé en grande pompe en 2011 pour concurrencer l’irrésistible ascension de Facebook » target= »_blank » rel= »noopener »>Facebook et assurer la mainmise de Google sur les données des utilisateurs en plus de la simple recherche, l’échec Google+ nous en dit long sur le fonctionnement des réseaux sociaux.
Tout réseau social doit répondre à un usage spécifique
“Vic était ce petit insecte dans l’oreille de Larry qui disait constamment ‘Facebook va nous tuer.», raconte un ancien dirigeant de Google au sujet de l’architecte de Google+. “Il a probablement réussi à faire peur à Larry pour qu’il passe à l’action. Et voilà : Google+ était né.» Google a donc développé ce réseau comme une copie de Facebook pour le concurrencer, et non pour répondre à une demande du marché. Un réseau qui n’avait pas de proposition de valeur plus attractive que Facebook ou différenciante pour séduire les utilisateurs. Si les utilisateurs font du « multihoming » en utilisant plusieurs plateformes pour un même service, chaque réseau social a pourtant un usage spécifique: Facebook comme identité numérique pour échanger avec un réseau relativement proche, Twitter comme un réseau d’information et de partage d’opinions, LinkedIn comme un réseau professionnel ou encore Instagram pour créer et s’inspirer.
Les effets de réseaux peuvent être trompeurs
Google pensait avoir ses utilisateurs dans la poche et attirer facilement un très grand nombre d’entre eux vers Google+ grâce à sa base de 500 millions d’utilisateurs, qu’il voulait simplement faire pivoter depuis Gmail, Youtube etc. Effets de réseaux obligent, la masse critique serait rapidement atteinte, permettant ensuite de faire passer à l’échelle la plateforme. Cependant, la firme de Mountain View a oublié les effets de réseaux qui fonctionnaient déjà sur Facebook. A l’époque, Facebook a déjà près de 800 millions d’utilisateurs et permet aux développeurs de connecter leurs sites web à la plateforme grâce à Facebook Connect. Les utilisateurs n’ont aucun intérêt à dupliquer le même usage sur une autre plateforme, et les coûts de transferts psychologiques sont dissuasifs. Si Google a réussi à faire basculer 90 millions d’utilisateurs très rapidement sur le réseau Google+, la mayonnaise n’a pas pris. Trois ans plus tard, le bilan est implacable : 90% des utilisateurs passent moins de 5 secondes sur Google+. Au delà du nombre, sur un réseau social, l’engagement prime. Rien de pire qu’une plateforme fantôme : le bouche à oreille déclenche alors une viralité négative sur le produit.
Un réseau social doit être pensé pour le mobile
La troisième erreur de Google+ : ne pas avoir conçu une plateforme pensée pour le mobile. Cette logique a été l’inverse de celle de WeChat, dont l’objectif était initialement de “créer une messagerie instantanée purement mobile», selon Pony Ma, CEO de Tencent. Du mobile-first, au mobile-only. Une excellente intuition vu l’appétence du marché chinois pour le mobile, qui se propage aujourd’hui dans les pays occidentaux. Et maintenant ? Si les réseaux sociaux sont principalement mobiles, ils convergent vers le conversation-first. C’est ce qui transparaît dans la déclaration de Mark Zuckerberg le 7 mars 2019 sur le virage de Facebook: “Aujourd’hui, nous constatons déjà que la messagerie privée, les histoires éphémères et les petits groupes sont de loin les domaines de communication en ligne qui connaissent la croissance la plus rapide.» La firme souhaite agréger les messageries de Facebook, Instagram et Whatsapp et en faire une messagerie unique et sécurisée. La création d’un écosystème complet entrant par la messagerie, inspiré par WeChat, se dévoile petit à petit.
La contributrice:
Arielle a rejoint Fabernovel en avril 2018 en tant que Project Analyst. Elle intervient sur des études d’analyses stratégiques ou encore sur la conception de nouveaux produits et services. Avant de rejoindre Fabernovel, Arielle a travaillé aux études marketing chez PUIG, un groupe de luxe multimarques, puis en tant que M&A Analyst à la Compagnie Financière du Lion sur des projets de conseil financier d’entreprises du CAC40 et d’institutionnels français. Elle a également effectué une mission de conseil chez Capgemini Consulting à Singapour, et travaillé à New York dans le fonds d’investissement cleantech américain Capricorn Investment Group. Arielle est diplômée du Master of Science in Management de l’ESSEC Business School.