Le manque de culture financière des créateurs d’entreprise est un pur délice pour les investisseurs
Par Carl-Alexandre Robyn, associé et fondateur du Cabinet VALORO
La culture financière (particulièrement celle concernant l’investissement en capital) doit être initiée dans l’enseignement dès le secondaire supérieur, au moins autant que la culture d’entreprise. En effet, si les futurs porteurs de projet avaient une meilleure connaissance générale des tenants et des aboutissants du financement des entreprises émergentes, ils comprendraient mieux les contraintes de leurs futurs investisseurs.
En sachant se mettre dans les souliers de leurs potentiels apporteurs de capitaux ils amélioreront leurs aptitudes à la négociation financière (notamment celle concernant l’ouverture du capital-actions de leur start-up), ce qui mécaniquement accélérera la conclusion de partenariats financiers.
C’est difficile à quantifier de manière globale mais c’est une réalité: une fraction des deals ayant échoué a pour origine le manque de préparation et/ou de qualification financière des porteurs de projet. Il faut savoir que les capitaux-risqueurs n’ont pas forcément envie de passer beaucoup de temps à expliquer à des créateurs d’entreprise novices les technicités et les subtilités de tous les termes figurant dans leur lettre d’intention. Et la perspective de devoir attendre que les fondateurs aient consulté leurs avocats pour éventuellement renégocier tout ou partie de la term sheet en rebute plus d’un: ils préfèrent passer à un autre dossier!
Diffuser une culture financière propice est difficile parce que le nombre des formateurs en architecture capitalistique des entreprises émergentes (structuration financière de leurs transactions) est infiniment moindre que les armées de «coaches start-up», très souvent autoproclamés, se déclarant aptes à propager la culture d’entreprise!
Actuellement, le manque de culture financière des porteurs de projet et de leurs accompagnateurs est un pur délice pour les investisseurs qui ont tout loisir de dicter leurs conditions et qui n’ont aucune raison de sortir de leur zone de confort. Dès lors, si le marché du capital-risque est phagocyté par des investisseurs bureaucrates aux habitudes, méthodes et préjugés bien ancrés, il n’y a aucune chance que dans nos régions nous puissions demain financer les futurs GAFA.
Et pourtant, ceux qui dominent et mènent le jeu de l’investissement en capital, manquent eux aussi de culture financière. En effet, les business angels en réseaux ne sont pas souvent des investisseurs sophistiqués, et certains investisseurs en apparence perfectionnés (venture capitalists, family offices…) ne maîtrisent pas toujours les techniques d’investissement qu’ils prônent et/ou imposent! C’est une réalité totalement masquée par l’inculture en finance entrepreneuriale des porteurs de projet et des armées d’accompagnateurs de tout poil.
La majorité des «conseillers-entreprises», ou «coaches startups» dans les dispositifs publics, semi-publics et privés d’aide à la création et au financement d’entreprises sont jeunes, diplômés, intelligents, aimables, serviables, mais… ils n’ont jamais monté et développé eux-mêmes une start-up! Et leur manque d’expérience n’est pas forcément compensé par une perspicacité surdéveloppée, semble-t-il. Comme les aveugles qui auraient l’ouïe particulièrement fine.
Ces investment managers ne sont jamais des visionnaires, ce sont des analystes financiers, souvent universitaires, ayant occupé des fonctions administratives et financières, dans le secteur public ou privé (banques, compagnies d’assurances, département financier de grosses entreprises, etc.) qui ne jurent que par le formalisme du business plan (comme clé du processus de sélection), en somme le seul outil de légitimation de leur intermédiation (valeur ajoutée) puisqu’ils n’ont pas d’expérience concrète, personnellement vécue, de l’entrepreneuriat.
Ils s’imaginent connaître la réalité de la prise de risque entrepreneurial parce qu’ils vivent par procuration l’expérience des entrepreneurs et des investisseurs qu’ils côtoient ou encore parce qu’ils se nourrissent du retour d’expérience des entrepreneurs qu’ils conseillent.
Tous les entrepreneurs établis vous diront que la qualité du conseil n’est pas la même si elle émane d’un analyste financier ou d’un entrepreneur-créateur de start-up.
Le contributeur:
Carl-Alexandre Robyn est associé et fondateur du Cabinet VALORO, auteur du guide pratique «Start-up: manuel de Pitchologie».
Oui 100 fois oui a cet article nous avons actuellement ce problème.