OVHcloud ne veut pas vivre le fiasco du cloud souverain
avec l'AFP
Article mis à jour le 10 octobre après l’intervention du secrétaire d’État chargé du Numérique Cédric O à l’OVHcloud Summit.
L’OVHcloud Summit, qui se tient jeudi 10 octobre à Paris Expo Porte de Versailles, célébrera les 20 ans d’OVH, aka « On Vous Héberge? » ou « Oles Van Herman », le surnom d’Octave Klaba, le fondateur de l’entreprise qu’il conviendra désormais d’appeler OVHcloud, signe d’une internationalisation de l’entreprise née dans un sous-sol d’Iliad dans le 11e arrondissement de Paris.
Une édition qui sera l’occasion de revenir « sur cette épopée (…) qui nous a permis de nous hisser parmi les leaders mondiaux du cloud », annoncent Octave Klaba et son CEO Michel Paulin, qui a rejoint OVH il y a un an pour accélérer l’internationalisation de l’entreprise fondée 1999 et aujourd’hui membre du Next40. Nous vous proposons de revenir sur cinq points clés de cette épopée.
Du soutien d’Iliad à la prise de participation des fonds KKR et Towerbrook
Vingt ans après sa création, OVHcloud compte 30 data centers dans 12 villes dans le monde (en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Pologne, aux Etats-Unis, au Canada, à Singapour et en Australie). Cinq autres sont en construction, notamment en Inde et en Corée du Sud. Forte de 2 200 employés à travers le monde, l’entreprise basée à Roubaix, d’où est originaire une partie de la famille d’Octave Klaba, revendique aujourd’hui 1,5 million de clients et 3,8 millions de sites hébergés dans le monde. Après un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros sur l’exercice fiscal 2017-2018, elle revendique un chiffre d’affaires de 600 millions d’euros sur la période 2018-2019.
Pour en arriver là, OVHcloud est passé par plusieurs phases de développement (chacun avec leurs parts de hauts et de bas):
- En 2000, la startup, alors l’une des premières entreprises européennes d’hébergement, voit son activité décoller. Avec le soutien de Xavier Niel et Iliad, Octave Klaba développe une offre à destination des TPE, PME et startups. La force de l’offre: des délais de livraison courts et une dépendance réduite aux fournisseurs à une époque où l’hébergement web était une activité laborieuse pour les entreprises. OVH développe également un système innovant de refroidissement qui fonctionne avec l’eau pompée dans les nappes phréatiques, transitée ensuite dans son data center (en location) pour baisser la température des cartes mères.
- De 2004 et 2009, OVH s’étend en Europe avec des filiales en Pologne, en Espagne, aux Pays-Bas, en Irlande, en Finlande, en Lituanie et en République tchèque. Octave Klaba décide également de déménager le siège social de l’entreprise de Paris à Roubaix et y construit son premier data center. Le premier réseau fibre optique est également déployé et OVH devient officiellement un télécom.
- A partir de 2010, l’entreprise nordiste cherche à diversifier son activité: c’est le début de l’ère du cloud pour OVH avec une première offre de cloud privé. En 2011, OVH développe une offre de cloud public basé sur OpenStack. L’hébergeur web, désormais le premier en Europe, dépasse ensuite l’Europe en 2012 avec l’ouverture de bureaux et de data center aux Etats-Unis et au Canada. Il construit un an plus tard à Gravelines le plus grand data center en Europe, doté de 400 000 serveurs.
- En 2016, l’expansion internationale se confirme: OVH réunit 250 millions d’euros auprès des fonds américains KKR & Co (spécialiste des entreprises familiales comme OVH et des entrepreneurs européens) et TowerBrook Capital Partners (adapté aux entreprises dirigées par leur fondateur) contre une participation minoritaire, et signe un an plus tard une ligne de crédit de 400 millions d’euros auprès de JP Morgan Chase, le CIC Nord Ouest et la Banque commerciale du marché nord Europe. En 2017, l’entreprise acquiert vCloudAir, le cloud public de VMware.
- En septembre 2017, OVH annonce son intention de recruter jusqu’à 13 000 personnes dans le monde d’ici 2025 pour atteindre 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. L’entreprise nordiste indiquait aussi vouloir atteindre les 4 200 collaborateurs à la fin de 2019, dans le cadre d’un plan de recrutement fraichement lancé et centré sur la France. Des ambitions revues à la baisse cette année: Octava Klaba a fait état dans un post de blog en juin dernier d' »erreurs de recrutement » et déconseillait le « blitzscaling ».
Une nouvelle équipe de direction pour se poser en tant qu’alternative cloud crédible à AWS, Microsoft Azure et Google Cloud
A l’été 2018, pour accélérer l’internationalisation d’OVHcloud, Octave Klaba se choisit un CEO champion des télécoms, Michel Paulin, ancien directeur général de SFR. Il a notamment pour mission d’assurer la mise en oeuvre du plan stratégique « Smart Cloud », qui vise à consolider le positionnement d’OVHcloud en tant qu’alternative cloud crédible à AWS, Microsoft Azure et Google Cloud. Octave Klaba conserve la fonction de président du conseil d’administration. Le nouvel homme fort de l’hébergeur européen a réalisé l’essentiel de sa carrière dans les télécoms, l’IT et le web. Il a notamment supervisé l’entrée en Bourse de Neuf Cegetel lorsqu’il en était CEO (avant de diriger Méditel et SFR).
La nomination de Michel Paulin traduit la volonté d’OVHcloud de s’entourer de personnes clés et de profils techniques pour assurer son hypercroissance. C’est ainsi que Sylvain Rouri, ancien senior vice-president of global sales chez Survey Sampling International et sales director chez France Télécom, devient chief sales officer chez OVH fin 2017. Il a pour mission d’implémenter les stratégies globales de vente de l’entreprise en dirigeant les ventes directes et indirectes.
Alain Fiocco, ex-CTO de Cisco et ancien d’Alcatel, rejoint OVHcloud début 2018 en tant que CTO. Il est chargé de gérer les unités produits, R&D, ainsi que le déploiement des produits et solutions OVHcloud. L’entreprise s’était précédemment entourée en mars 2017 de Dominique Michiels en tant que chief service delivery officer. Ancien de Worldline, il supervise les services d’OVH. En juillet 2017, OVH avait aussi recruté Francois Sterin, ancien de Google et France Télécom, comme chief industrial officer. Il pilote l’infrastructure technique de l’entreprise. En août de la même année, c’est Frédéric Etheve, qui a fait ses armes chez France Télécom, McKinsey & Company et Google, qui rejoint les rangs de l’hébergeur. En 2018, Miroslaw Klaba, frère d’Octave et jusque-là CTO de la société, prend les fonctions de chief information officer.
L’entreprise a en outre trouvé un nouveau chief financial officer (en janvier 2019) en la personne de Yann Leca, fort de près de 30 ans de fonctions financières dans différents entreprises de tailles variées, une nouvelle chief human resources officer (en décembre 2018) avec Line Cadel, jusque-là HR business partner manager, et un nouveau chief legal officer (en mai 2018) avec Adam Smith, ancien de chez Safran, DCNS et Airbus.
Comment OVHcloud a su se hisser au niveau de ses rivaux américains
OVHcloud mise encore aujourd’hui sur ce qui a fait sa force ces 20 dernières années: le focus sur le développement d’un modèle intégré, une forte capacité à innover, et un choix de s’axer sur la règlementation (rivaliser avec Amazon et Google n’est pas forcément chose aisée).
En termes d’innovation, l’entreprise dispose par exemple d’une usine de serveurs de 14 000 mètres carrés à Croix, dédiée à la fabrication, la logistique et la R&D. Le taux annuel de production de serveurs, précédemment de 120 000, est aujourd’hui à 400 000 serveurs.
« Il y a 15 ans, OVH a fait un choix technologique et industriel qui est de refroidir les puces de ses serveurs par de l’eau. Il n’y a pas de climatisation, pas de ventilation, ça coûte moins cher à produire et consomme moins d’énergie. Nous avons déposé un brevet pour ces ‘Waterblocks’ dont sont équipés nos 30 centres de données répartis sur 12 sites », a expliqué Michel Paulin.
Aujourd’hui, et dans l’optique de faire d’OVHcloud un élément indispensable des stratégies cloud des entreprises, la société a par ailleurs prévu de présenter lors de son sommet son nouveau produit OVHCloud Marketplace. Celui-ci aura pour ambition de « rassembler et offrir l’ensemble des offres d’un écosystème d’entreprises partageant la même vision d’entraide, de partage et de coconstruction », annonce OVH. La place de marché proposera une « sélection d’offres et de solutions basées sur les infrastructures OVHcloud et soutenues par un réseau de partenaires-vendeurs sélectionnés ».
OVH pourra en outre détailler sa nouvelle game d’infrastructures lancée fin septembre, six mois après la refonte complète de son offre de serveurs dédiés. Cette nouvelle gamme, qui propose quatre configurations, entend répondre « aux besoins d’évolutivité et de performance des entreprises de tailles intermédiaires, des administrations ou des universités, pour notamment bâtir des architectures de serveurs en cluster ou gérer d’importantes bases de données »
L’évènement permettra enfin à OVH de détailler ses nouveaux produits et offres, dont: les solutions d’OVH pour le secteur de la santé ; OVHcloud Prescience, outil d’apprentissage automatique qui vise à accélérer les projets de machine learning des entreprises (lancé en avril dernier) ; Enterprise Cloud Databases, nouvelle offre de bases de données « as a Service » lancée cette année ; et les dernières innovations des gammes bare metal et les prochains projets de ces gammes.
Le « temps des écosystèmes et des communautés »
Une session de l’OVHcloud Summit sera dédiée aux partenaires d’OVHcloud. Le mois dernier, l’entreprise a étendu à l’international son partner program destiné à favoriser la formation des partenaires, leur assistance à la vente et le support technique autour des solutions d’OVH.
« Les temps ont changé. On n’est plus dans un rapport capitalistique, de rachats. On est dans le temps des écosystèmes et des communautés. Des partenariats et des plateformes », souligne Octave Klaba dans son post de blog du mois de juin.
« D’où l’initiative lancée il y a un an et que j’avais appelée ‘virtual GAFAM’. (…) Si les européens font écosystème et bossent ensemble, on peut être aussi fort que les Gafam, tout en respectant nos valeurs européennes de privacy. Ce mode de fonctionnement partage mieux la valeur créée et évite les phénomènes de dominance abusive », ajoute-t-il.
Cette année, à OVHcloud Summit, l’écosystème sera de plus en plus présent. https://t.co/ajX4CEaBid
— Octave Klaba (@olesovhcom) October 8, 2019
Cette ambition reflète les nouveaux enjeux qui attendent OVH: enrichir son écosystème pour accentuer sa position sur les big caps. L’entreprise s’est développée avec succès sur les TPE/PME. Il s’agit aujourd’hui d’aller chercher les Accenture, Capgemini, Deloitte et autres Sopra Steria, tout en développant son offre historique dédiée aux startups et nouvelles entreprises technologiques.
OVHCloud ne veut pas vivre le fiasco du cloud souverain tel que l’ont vécu Orange et SFR avec CloudWatt et Numergy
Début octobre, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a annoncé la volonté du gouvernement de développer une offre cloud alternative pour contourner le Cloud act américain. Cette loi permet aux agences de sécurité du pays de réquisitionner auprès des opérateurs de cloud américains des données de leur clients, même si ces données sont stockées à l’étranger. Il a donc demandé à Dassault Systèmes (3DS Outscale, filiale à part entière depuis 2017) et OVH de travailler sur la mise en place d’un « cloud de confiance » capable d’accueillir les données des entreprises françaises et européennes. Ce nouveau cloud souverain pourrait être créé en collaboration avec l’Allemagne dans un premier temps, puis éventuellement à un niveau européen, a fait savoir M. Le Maire.
Octave Klaba et Michel Paulin ont répondu à l’affirmative à l’appel du gouvernement. Ils ne souhaitent toutefois pas répéter les erreurs du passé commises par leurs concurrents. En 2011, le gouvernement avait lancé le projet « Andromède » (150 millions d’euros d’investissement), première tentative de cloud souverain qui s’est soldée par un échec. Le plan a mené aux projets Cloudwatt (porté par Orange et Thales, il sera désactivé le 1er février 2020) et Numergy (absorbé par SFR en janvier 2016).
« Je n’utilise pas l’expression ‘cloud souverain’, mais ‘cloud de confiance’. En 2012, on l’avait contraint à un marché de niche, avec deux acteurs (CloudWatt et Numergy, NDLR) dans un Meccano industriel très compliqué qui fonctionnait avec beaucoup d’argent public. Aujourd’hui, on ne demande pas d’argent public. On ne va pas inventer une nouvelle technologie, mais s’appuyer sur les standards du marché et travailler avec les acteurs en place. On promeut un écosystème ouvert qui n’emprisonne pas les clients », a également souligné Michel Paulin.
Octave Klaba a aussi fait savoir que la vision d’OVH n’est pas de créer un cloud souverain, mais bien un « trusted cloud » dédié à la gestion des données de ses clients.
Pour développer cette nouvelle infrastructure, OVH entend ainsi rester les mains libres et ne pas dépendre des subsides de l’Etat, que ce soit sous forme de subventions ou de demandes de prestations.
Les premières propositions d’OVH et Dassault Systèmes doivent être livrées en décembre 2019.
Pour une fois, tout ca est cohérent. L’Etat fait de choses pour lui, sans argent public, en mettant à contribution les entreprises. Les americains ont 1 zone GOV. La France va l’avoir aussi. Le seul vrai souci est d’éviter de faire 1 usine à gaz, trop complexe pour l’utiliser.
— Octave Klaba (@olesovhcom) October 5, 2019
« Nous sommes dans une compétition technologique mondiale d’une férocité assez inégalée dans les dernières années, avec deux ensembles majeurs: les Etats-Unis et la Chine. Un impératif pour l’Europe et la France est d’être au niveau de cette compétition technologue mondiale », a déclaré le secrétaire d’État chargé du Numérique Cédric O lors de l’OVHcloud Summit. « Certains de nos alliés peuvent prendre parfois des lois un peu extra-territoriales », a-t-il ajouté.
M. O a décrit une stratégie cloud de l’Etat qui se joue sur trois cercles: la capacité de l’Etat à développer ses propres applications et infrastructures cloud ; le cloud privé ; et la capacité à utiliser des fournisseurs de cloud public.
« Il fut un temps où l’Etat s’est dit que le cloud souverain, il pouvait le faire par lui-même et pour lui-même », a-t-il également souligné. « Pourquoi OVH est important pour nous? (…) Parce que la première force d’OVH est de s’être développé tout seul, sans nous. Si OVH est fort, c’est parce qu’OVH est compétitif. Dans un monde comme le nôtre de mondialisation, de compétition, les seules solutions viables sont les solutions compétitives. Il fallait avoir une certaine audace à l’époque pour se dire qu’un acteur français, à Roubaix, pouvait être capable de concurrencer de très grands acteurs internationaux ».
L’ancien conseiller d’Emmanuel Macron chargé des participations publiques et de l’économie numérique a par ailleurs noté que pour créer une offre de cloud de confiance européen, « OVH tout seul n’y arrivera pas »: « on est dans un monde où l’imbrication entre IaaS, PaaS, SaaS, fait que la plupart des clients, de plus en plus, ne veulent pas s’embêter avec une infrastructure d’un côté, une plateforme de l’autre ».
« La solution ne viendra jamais de l’Etat. Notre job, c’est de créer les conditions », a-t-il également affirmé.
OVH: les donnés clés
Fondateurs: Octave Klaba
Création: 1999
Siège social: Paris
Effectifs: 2 200
Secteur: cloud
Marché: hébergement internet, cloud, serveurs dédiés
Chiffre d’affaires: 600 millions d’euros en 2018-2019, 500 millions d’euros en 2017-2018
Financement: près de 650 millions d’euros levés auprès de CIC Nord Ouest, JP Morgan Chase, Banque Commerciale du Marché Nord Europe, Kohlberg Kravis Roberts, TowerBrook Capital Partners
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