Comment Mira veut démocratiser son moteur de recherche spécial beauté
Interview de Jay Hack, co-fondateur de Mira, par Laurence Faguer, expert retail FrenchWeb
Les points clés
- Bien que les acheteurs de produits de beauté soient en majorité des digital natives, seulement 10% des ventes de produits de beauté se font en ligne.
- Mira, fondée par Jay Hack et Brandon Garcia, ingénieurs en AI et computer vision, permet de trouver les bons produits de beauté aussi simplement qu’une recherche sur Google.
- Mira est une plateforme sociale en pleine essor qui s’attaque à l’industrie mondiale de la beauté, dont le chiffre d’affaires s’élève à 500 milliards de dollars. S’appuyant sur le plus grand ensemble de données existantes sur le secteur de la beauté, Mira utilise l’intelligence artificielle et la computer vision pour améliorer radicalement le parcours du client, de la découverte à l’achat du produit.
En détail
Comment se fait-il qu’avec la tonne d’informations présente en ligne sur la beauté, il soit encore si difficile d’acheter un produit de beauté dont on soit totalement satisfait? C’est la question que se sont posés les co-fondateurs de Mira, Brandon Garcia et Jay Hack, alors qu’ils étaient colocataires à l’université de Stanford. Avec plus d’une décennie d’expérience universitaire et industrielle en machine learning (computer vision, traitement du langage naturel et modélisation du comportement des consommateurs) et en data science, ils ont entrepris de corriger cela.
C’est ainsi qu’ils ont lancé Mira, la première plateforme «end-to-end» de découvertes, d’exploration et d’achats de produits de beauté, alimentée par l’intelligence artificielle. Mira, à la fois une application et un site web, permet aux consommateurs d’accéder, en un lieu unique et personnalisable, à un gigantesque «hub» de contenus beauté (avis de clients, ingrédients, vidéos…), et de faire partie d’une communauté de passionnés qui, comme eux, sont fans de beauté. Une nouvelle façon de découvrir, d’apprendre et de prendre des décisions d’achat éclairées.
J’ai eu le plaisir d’échanger avec Jay Hack, cofondateur et CEO de Mira, sur cette jeune entreprise lancée officiellement le 15 octobre et qui a déjà attiré une foule de grands noms de l’investissement, dont Founders Fund, e.ventures, 14W, Unilever Ventures et Great Oaks Capital.
:: Qu’est-ce que Mira?
Jay Hack: Mira est votre conseillère beauté personnelle dans votre poche. Notre objectif est d’aider les clients à trouver le bon produit d’une manière amusante et fluide, sans avoir à jongler avec des millions d’onglets et de navigateurs différents. Pour ce faire, nous mettons au point une IA très sophistiquée qui trouve sur le Web des données que les consommateurs utilisent traditionnellement pour décider des produits à acheter.
Il s’agit de vidéos, d’articles, d’avis, de recommandations, de conseils, d’ingrédients et plus encore. Nous utilisons ensuite l’intelligence artificielle pour extraire des informations de ce contenu et nous les transmettons aux consommateurs d’une manière très personnelle.
:: Comment se fait la personnalisation?
L’appli pose aux utilisateurs une série de questions-réponses pour les guider vers des produits qui répondent à leurs besoins. Non seulement vous pouvez rechercher le meilleur fond de teint pour votre type de peau, et lire des millions de commentaires vous expliquant pourquoi ce fond de teint est bon pour vous, mais aussi, quand vous aurez arrété votre choix sur ce fond de teint, nous serons en mesure de vous exposer à toute vidéo montrant de quelle manière les femmes ayant votre carnation l’appliquent, de vous dire toutes les informations sur les ingrédients, le tout afin de trouver et de faire un achat en toute confiance. Et l’appli ne cesse d’apprendre! Plus vous l’utilisez, mieux nous pourrons vous faire des recommandations en fontion de votre peau et selon vos préférences.
Nous voulons être la première destination beauté proposant à la fois la découverte, la communauté et l’achat
:: Comment s’assurer que Mira n’est pas juste une autre place de marché beauté au service des marques?
Mira est, à la base, une communauté de passionnés de beauté qui achètent ensemble et trouvent les produits qui leur conviennent. En plus d’aider les utilisateurs à trouver le bon produit, ils pourrons lire et voir beaucoup de choses qui sont des faits avérés sur les produits : comment la communauté les considèrent, ce qu’en pensent les autres personnes que vous suivez personnellement en social. Nous pensons vraiment qu’il y a un travail très important fait par la communauté – the community-able– qui va guider les personnes vers les bons produits.
En conséquence, notre application n’est pas seulement un moteur de recherche, c’est aussi un groupe de femmes qui font leurs achats ensemble en s’aidant mutuellement à trouver le bon produit. C’est très utile –les femmes aiment s’entraider– et c’est aussi très amusant.
Nous sommes en mesure de mieux orienter le consommateur vers des choses qui seront instructives au cours de son parcours d’achat personnel
:: Comment trouvez-vous toutes ces données sur le web et les médias sociaux?
Nous travaillons comme Google. Au lieu que nos utilisateurs créent leurs propres contenus, nous nous sommes rendus compte très tôt qu’il y avait déjà tellement de données en ligne que nous pouvions en extraire des éclairages et les diffuser. Nous avons un moteur de recherche sur le Web qui utilise une technologie spécifique pour trouver des informations publiques que les personnes veulent partager. Nous avons construit un algorithme et avons créé un index qui sont très efficaces pour les récupérer.
Beaucoup de vidéos indiquent publiquement quels sont les produits affichés dans la vidéo, donc nous ne montrons pas seulement la vidéo, mais nous disons aussi, «Hey cette vidéo mentionne ces 5 produits, et en plus il y a une femme avec tel type de teint qui parle du produit et elle est très positive à son encontre» . Nous sommes non seulement en mesure de stocker le contenu, mais aussi de mieux orienter le consommateur vers des choses qui seront instructives au cours de son parcours d’achat personnel.
Nous utilisons les technologies du langage naturel et de la vision par ordinateur, ensemble, afin d’analyser des vidéos, des avis, des ingrédients, des images de personnes s’appliquant le produit, et afin de répéter des gestes que ces personnes font déjà, mais de manière plus lente. Quelque chose que l’on ne fait pas vraiment au moment de l’achat du produit.
Or vous n’avez pas vraiment envie de faire tout un tas de recherches sur Google pour trouver une personne qui a effectivement appliqué le produit sur sa peau, et qui a la même carnation que vous.
:: En fait, vous combinez plusieurs technologies existantes, mais vous les utilisez pour d’autres cas d’utilisation?
Nous ne révolutionnons pas vraiment les algorithmes, nous les appliquons simplement intelligemment pour résoudre un problème que tout le monde a ignoré dans le passé. La technologie permettant de comprendre le teint de la peau dans une image existe depuis un certain temps et nous n’inventons pas à partir de zéro. Mais nous l’appliquons à un domaine auquel peu de gens pensent. Et il s’agit vraiment de comprendre le consommateur.
:: Vous n’utilisez que du contenu public?
Absolument. Du contenu qui, à l’origine, était destiné à être utile à d’autres acheteurs. Un bon exemple de cela est un post sur un blog, ou un avis de client sur un site Web. La personne avait bien l’intention de rendre service à quelqu’un d’autre. Nous les recueillons, résumons et en livrons une partie aux utilisateurs.
Nous générons aussi beaucoup de contenus sur notre app parce que nous avons beaucoup d’utilisateurs. Nos utilisateurs écrivent des commentaires, téléchargent des images, et répondent à beaucoup de questions, ce qui est peut-être l’une des plus belles choses.
Donc, lorsque quelqu’un arrive et pose une question: « Je cherche un fard à paupières qui irait avec ma robe de telle couleur» elle aura la réponse à la question dans les 45 minutes –notre temps de réponse moyen– car quelqu’un d’autre viendra et répondra à sa question en faisant une recommandation. Vous verrez parfois des centaines de réponses. Il s’agit d’une combinaison de contenus provenant du monde extérieur et de l’interne, de nos utilisateurs.
Nous voulons être la place du village –digitale– qui facilite cette conversation entre les marques et les consommateurs
:: Au final, est-ce un outil à destination des consommateurs, de l’industrie de la beauté, ou des deux?
Nous pensons que l’industrie de la beauté a été inefficace, et la plupart du temps, elle l’a été en raison d’un manque d’information de qualité et d’un manque de liens.
Du côté du consommateur, il est évidemment difficile de trouver le bon produit, de savoir s’il vous conviendra, et quelles sont les alternatives possibles. Du côté de la marque, il est difficile de trouver le bon client. Comment les atteindre, comment leur parler, comment leur vendre, comment les convaincre d’acheter votre produit ? Nous avons fait le constat que le côté marques vit un peu dans l’obscurité, malgrè un accès à tant des données et d’informations qui pourraient mieux éclairer leurs recherches, leur marketing et leurs façons de parler aux consommateurs.
À long terme, nous voulons être la place du village –digitale– qui facilite la conversation entre les marques et les consommateurs, notamment en trouvant le bon produit et en favorisant la transaction. Être un moteur de commerce.
Cela dit, la création d’une entreprise est déjà assez difficile comme ça, et personne n’a jamais dit que vous devrez relever des défis inutiles. Nous avons constaté qu’il y avait beaucoup de traction rien qu’en travaillant avec les consommateurs et en nous assurant d’avoir le meilleur outil qui soit pour eux. Si vous avez des consommateurs intéressés par votre application et qu’ils l’utilisent tous les jours, il est très facile d’attirer des marques.
C’est pourquoi nous sommes très enthousiastes à l’idée de discuter avec les marques et d’établir de futurs partenariats, mais nos efforts de développement actuellement ne visent qu’à offrir la meilleure expérience possible aux consommateurs. Même ci nous avons une liste d’attente de maques qui veulent avoir accès à notre plateforme et nous sommes impatients de construire des tableaux de bord de données pour les aider à trouver comment mieux vendre leurs produits.
:: Pouvez-vous nous donner quelques chiffres?
Oui, absolument. Nous progressons de 30% par mois. Même techniquement, il est difficile de suivre ce public! L’autre chose vraiment intéressante au sujet de notre communauté, c’est que 17% des personnes participent activement en posant des questions et en y répondant. C’est presque 2,5 fois la moyenne de l’industrie. Et au-delà, nous constatons qu’en moyenne une question obtient 6 réponses, dont la moitié sont des recommandations de produits ! Il ne faut en moyenne que 45 minutes pour obtenir une réponse de la communauté à votre question. C’est vraiment une communauté active et solidaire… Les gens veulent s’impliquer
:: Vous êtes membre de la communauté FAB Fashion et Beauty Tech, la communauté mondiale fondée à San Francisco par Odile Roujol (elle-mêmee fondatrice de Fab Ventures (seed, Fashion /Beautytech) et Ex L’Oréal (CEO Lancôme)/Orange (CDO). J’ai demandé à Odile son avis sur Mira. Le voici …
Odile Roujol: «Jay a un profil de Tech founder, tel que nous le comprenons dans la Silicon Valley. Ancien élève de Stanford, computer science and computer vision.
Il a créé un réseau de passionnés de beauté qui l’aident à comprendre sa communauté et ses clients potentiels.
Et il appartient à la communauté FaB Fashion and Beauty Tech, où son témoignage auprès d’autres entrepreneurs fait grandir la nouvelle génération et peut aider à contribuer à identifier des talents»
Jay Hack était au dernier meet Up de @beautyTechSF en Octobre- Lire l’article complet d’Odile Roujol sur Medium et une description des speakers présents pour parler de modèles fascinants –dont IPSY!– dans mon article.
:: Vous avez rencontré votre co-fondateur à Stanford, et Mira est une société basée à San Francisco. Auriez-vous été en mesure de construire Mira ailleurs qu’à San Francisco?
San Francisco est le meilleur endroit au monde pour construire une plateforme technique. La raison en est que vous pouvez engager toute une équipe venant de San Francisco, composée d’ingénieurs extrêmement forts, qui ont des attentes raisonnables quant à la difficulté de créer une entreprise, ils savent être combatifs, car c’est ce qu’ils font depuis le début de leur carrière.
De plus, l’argent est là et il est donc certainement plus facile de mobiliser des capitaux à San Francisco qu’ailleurs, potentiellement mieux que New York. Nous avons une culture de l’aide, les gens trouvent un sens dans le travail qu’ils effectuent, quelque chose que je n’ai jamais trouvé ailleurs dans d’autres endroits où j’ai travaillé auparavant, le travail étant très souvent central pour les habitants de San Francisco. Cela étant dit, nous ne sommes pas seulement une entreprise de technologie, nous appartenons également à un domaine, la beauté, qui n’est pas fondamentalement technologique.
Même si il y a beaucoup de personnes passionnées par la beauté à San Francisco, les plus enthousiasmées se trouvent à Los Angeles, en Southern California, dans le South, le Midwest etc., ce qui signifie que nous devons faire un effort supplémentaire pour établir un lien direct avec les utilisateurs pour lesquels nous créons.
Quant à une recommandation à faire sur le lieu où implanter sa start up, je dirais que San Francisco sera toujours le meilleur endroit où une équipe technique produira des produits de haute qualité; et que le marketing et le user researchauront également leur place à Los Angeles, ou éventuellement dans des villes plus petites, par exemple. Louisiana, dans le South.
Pour aller plus loin
- Download for iOS • Web app: askmira.com
- Mira sur Instagram, Twitter, Linkedin
Derniers articles parus:
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- WWD: «Silicon Valley Founders Launch Comprehensive Beauty Search Engine»
- RetailDive: «Beauty search engine Mira launches with backing from Unilever Ventures»
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