[Made in Switzerland] La Suisse à Slush 2019
Par Raphaël Grieco, correspondant FrenchWeb
Toute la Tech internationale s’est retrouvée à Helsinki les 21 et 22 novembre lors de cette 11ème édition de Slush, rassemblant plus de 25 000 participants dont 3 500 startups et 2 000 investisseurs dans une grande messe de l’innovation organisée depuis 2008 par des étudiants de l’Université d’Aalto (Finlande) avec l’aide de plus de 2 400 volontaires… Autrement dit, évènement incontournable, notamment pour l’écosystème des entrepreneurs et investisseurs suisses.
Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler un enseignement majeur de cette édition de Slush
2019.
Outre le focus de cette édition sur la nécessité pour les startups et scaleups de se concentrer sur le profit plutôt que sur la croissance et le scale, une attention toute particulière s’est portée sur le peu d’avancée faite en matière de diversité dans la Tech européenne.
Atomico, le fonds de venture capital fondé par Niklas Zennström (Skype), a publié son dernier rapport annuel «The State of European Tech», en partenariat avec Slush et Orrick. Certes, le rapport cette année révèle que l’écosystème tech en Europe continue de mûrir et ne montre aucun signe de ralentissement, contrastant en particulier avec la situation d’il y a cinq ans lors des débuts du rapport.
Presque tous les indicateurs clés montre la vigueur de l’écosystème, à l’exception de la diversité, comme illustré par le fait que 92% du financement en 2019 a été alloué à des équipes composées uniquement d’hommes. De plus, le rapport fait état d’une seule femme CTO parmi l’échantillon de 251 sociétés ayant levé un une Series A ou B de 10 million de dollars entre octobre 2018 et septembre 2019, démontrant d’un manière criante le manque de diversité au niveau du leadership entrepreneurial alors même que 7.5% des développeurs de ces mêmes entreprises sont des femmes. Le chemin vers la parité est encore extrêmement long.
La participation de la Suisse à Slush s’est développé depuis l’édition de 2018. Cette année 15 startups étaient accompagnées par Innosuisse, entité fédérale suisse dont le rôle est de promouvoir l’innovation scientifique et tech du pays. Les investisseurs suisses en venture capital étaient également venus à la rencontre de l’innovation internationale à Slush.
Rencontres et témoignages avec Olivier Laplace, VC chez Swiss Post et Audrey Loetscher directrice marketing chez Enuu.
Olivier Laplace, VC chez Swiss Post
Raphael Grieco : Bonjour Olivier, tu es investisseur chez Swiss Post, peux-tu nous en dire un peu plus sur ton parcours?
Olivier Laplace : Je suis software developper, ensuite j’ai travaillé en salle des marchés où j’ai créé des
produits financiers et en 2010 j’ai créé une startup à Euratechnologie à Lille, un réseau social
géolocalisé, un foursquare pour les évènements, au début du mobile. Je suis arrivé en Suisse en 2014
où j’ai fait un MBA suite auquel j’ai rejoint une entreprise technologique pour faire du M&A.
C’est la première fois que tu viens à Slush ?
C’est mon deuxième Slush !
Pourquoi aller « si loin » à Slush pour rencontrer des entrepreneurs ?
C’est devenu le lieu pour les investisseurs et les startupers assez incontournable en Europe, à
l’époque où j’étais entrepreneur il y a pas loin de dix ans c’était LeWeb. Aujourd’hui s’il y a un évènement où aller c’est probablement Slush d’un point de vue européen, et d’un point de vue
international aussi sur un positionnement « généraliste ».
Quelle est chez Swiss Post la thèse d’investissement en terme de maturité et de secteur ?
On investit relativement early stage, parfois seed mais surtout Series A et parfois Series B et oin
investit dans des sujets qui sont stratégiques pour la Poste Suisse, autour de la logistique de la
mobilité de la communication du business process outsourcing avec Swiss Post Solutions. Donc on
cherche parfois des sujets deeptech typiquement autour du machine learning dans le traitement de
documents mais aussi des sujets de nouveaux business models qui peuvent être intéressants pour
nos business units pour lesquelles il peut être intéressant de collaborer avec des startups.
On a d’abord commencé l’activité par de l’Open Innovation il y a 6 ans qui consistait à sourcer des startups et les amener dans nos business units pour lancer des projets communs avec des budgets qui étaient facilement débloqués et qui ne provenaient pas des business units pour encourager nos unités d’affaires à collaborer avec les startups. Et il y a deux ans demi on a décidé de leverager ces sujets de collaboration pour entrer au capital de certaines de ces startups en coinvestissant idéalement avec des VCs avec l’idée que parfois on investirait en amont et collaborerait plus tard ou inversement.
As-tu un exemple de collaboration ?
Oui le meilleur cas de collaboration est celui avec Matternet, basé à Menlo Park aux Etats-Unis
qui avait une technologie mais pas encore de marché qui produit des drones autonomes pour la
livraison de produits médicaux. On a développé avec eux un premier pilote, un première mondiale,
qui consistait à livrer des extraits sanguins entre deux hôpitaux à Lugano. Ce pilote est devenu un vol
commercial, le premier vol commercial autorisé avec un client hospitalier qui payait pour ces
livraisons et ça a inspiré Boeing qui est devenu le lead de leur Series A dans laquelle nous avons à
nouveau investi.
Comment tu vois la Suisse comme champion de l’innovation dans les temps à venir ?
La force actuelle de la Suisse est de penser immédiatement « international » en tant que pays
naturellement petit et multilingue. Le personnel est d’excellente qualité, on a cet esprit
entrepreneurial très présent dans la population qui devrait attirer beaucoup plus d’investisseurs
étrangers.
Que penses-tu du coût en Suisse pour se lancer en tant qu’entrepreneur ?
Les salaires sont perçus comme élevés mais je pense que si on intègre les charges sociales et la
flexibilité du travail, la Suisse est parfaitement compétitive. Et je crois aussi que si on intègre en early
stage qu’il y a un tissu de Business Angels qui sont souvent des anciens entrepreneurs et qui ont
envie d’aider très tôt d’autres entrepreneurs, on a cette capacité à trouver du financement auprès de
ces investisseurs prêts à ouvrir leur réseau.
Un autre aspect est la décentralisation, en Suisse on peut avoir une startup à peu près n’importe où, les BAs et les investisseurs en général vont être capables de prendre le train et d’aller rencontrer ces entrepreneurs.
Retrouvez tout le podcast avec Olivier Laplace (disponible sur Spotify, Apple Podcasts, Google
Podcasts, Anchor).
Audrey Loetscher directrice marketing chez Enuu
Raphael Grieco: Bonjour Audrey, pourrais-tu s’il te plait nous expliquer ce que fait Enuu et pourquoi
maintenant?
Audrey Loetscher : Bonjour Raphael. Oui volontiers. Enuu est une start-up spécialisée dans la
micro-mobilité : nous offrons un système de petits véhicules électriques en partage (light electric
vehicles, LEVs). Les enjeux liés à la mobilité « de demain » sont importants et Enuu est fier de faire
partie de l’éventail des solutions possibles. La micro-mobilité est un marché à fort potentiel de
croissance, estimé à USD 50-100 bn. en Europe d’ici à 2030. Alors que les services de trottinettes,
scooters et vélos ont de la peine à devenir rentables, Enuu offre une solution innovante aux
utilisateurs tout en garantissant une durabilité financière à ses investisseurs.
Pourquoi êtes-vous venus avec Enuu à Slush cette année ?
Nous préparons actuellement la Series A. Slush 2019 a été l’occasion de nouer des contacts avec
des VCs européens : même à l’ère digitale, rien ne remplace le face-to-face meeting ! Concernant
notre développement en 2020, nous souhaitons être présent dans les grandes villes de Suisse et
préparer le lancement européen.
Le correspondant
Raphaël Grieco a commencé en conseiller en investissement en Suisse. Installé à Genève depuis plus de 10 ans, il est aussi le fondateur de l’évènement UPComingVC, un «Venture Capital Investment Challenge» dédié aux VC, start-up et à des challengers souhaitant devenir VC.
Il organise également de nombreux meet-up à Genève, notamment ceux de Product Hunt et contribue à différents projets liés à l’innovation digitale (labélisation de la French Tech Suisse, création d’un fonds de venture capital). Raphaël est diplômé de SKEMA Business School.