Uber a annoncé cette semaine le déploiement à Miami d’Uber Works, son programme d’intérim lancé récemment à Chicago. Un lancement qui traduit la volonté de l’entreprise d’étendre son modèle économique basé sur la micro-entreprise alors que les pouvoirs publics mettent le géant du VTC sous pression pour accorder le statut de salarié à ses chauffeurs.
Uber lance Uber Works alors que la Californie vote la requalification des contractuels en salariés
Début octobre, Uber annonçait son projet de diversification sur le marché de l’emploi temporaire avec Uber Works. Lancé à Chicago, l’entreprise de Dara Khosrowshahi proposait, via une application semblable à sa solution de VTC, de mettre en relation des personnes disponibles et des entreprises ayant des missions à proposer, avec un accent mis sur les emplois dédiés à la catégorie de travailleurs surnommés les « cols-bleus » (cuisiniers, magasiniers, techniciens de surface…). Pour certains observateurs, cette diversification traduisait surtout un certain « désespoir », l’entreprise n’ayant jamais réussi à être rentable depuis sa création en 2009. Elle traversait également une période particulièrement compliquée: son entrée en Bourse était un échec et ses actions chutaient lourdement. Alors que sa valorisation était estimée à 76 milliards de dollars avant son introduction, sa capitalisation boursière tournait alors autour de 49 milliards de dollars (elle visait une valorisation d’environ 120 milliards de dollars pour son arrivée à Wall Street). A la fin de l’année, Uber aura effectué l’une des pires entrées en Bourse de l’année.
Coïncidemment, Uber faisait face en parallèle à une décision historique du côté de l’Etat de Californie, sa terre d’origine, susceptible de bouleverser tout son modèle économique. Par la voix de son assemblée, le Golden State avait adopté quelques semaines plus tôt un texte, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020 et obligera les plateformes telles qu’Uber ou Lyft à transformer le statut de leurs chauffeurs VTC, jusqu’ici des contractuels, en salariés, dès lors qu’ils travaillent principalement ou régulièrement pour elles. Une décision historique qui pourrait remodeler en profondeur l’économie du partage et valoir d’exemple dans le monde entier. Mais il s’agit surtout d’une requalification qui permettra aux personnes qui travaillent pour les plateformes de la gig economy en Californie de bénéficier de la protection sociale dont ils étaient privés jusque-là (chômage, maladie, retraite, temps de travail, salaires minimum…). En 2020, nul doute qu’Uber investira quelques millions de dollars supplémentaires en lobbying pour tenter de retourner la situation, au tribunal ou dans les urnes lors d’une éventuelle « ballot initiative », référendum via lequel une décision peut être approuvée ou rejetée directement par les citoyens de l’Etat.
D’après des entreprises comme Lyft ou Uber, un grand nombre de leurs conducteurs souhaitent travailler aux horaires de leur choix sans les contraintes d’un emploi à plein temps. Mais outre les interrogations sur leur viabilité économique, les plateformes de la gig economy sont critiquées pour avoir affaibli le droit du travail. En Europe, des tribunaux ont estimé qu’il y avait bien un rapport de subordination entre ces plateformes et leurs chauffeurs, ouvrant la voie à une requalification des contrats en salariat. Chez Uber, on fait par ailleurs face à d’autres difficultés, telles qu’un nombre hors norme d’agressions sexuelles de la part de chauffeurs aux Etats-Unis, la perte de son permis d’exercer à Londres, ou la vente de son activité Uber Eats en Inde à son rival Zomato en raison d’un marché trop compétitif.
Uber veut réassigner les personnes qui travaillent déjà pour sa plateforme à d’autres tâches
Face à toutes ces questions, Uber semble vouloir rassurer ses investisseurs en misant sur une accélération de sa diversification, et notamment dans l’intérim via son programme Uber Works. Celui-ci a été étendu cette semaine à Miami, et d’autres villes devraient suivre en 2020. Des offres d’emploi pour Uber Works à Miami (notamment pour un operations manager ou un customer success manager) ont récemment été clôturées sur LinkedIn. Initialement axé sur les travailleurs inscrits dans des agences de recrutement « traditionnelles », telles que TrueBlue à Chicago, Uber Works pourrait dans les prochains mois commencer à cibler ses propres chauffeurs VTC, leur proposant des missions qui ne nécessitent ni voiture, ni permis de conduire. L’entreprise s’offrirait alors un accès à un marché du travail conséquent.
Dara Khosrowshahi a plusieurs fois affirmé qu’Uber sera rentable d’ici à la fin de 2021. La semaine dernière, à San Francisco, il a indiqué que « chaque partie du portefeuille d’activités jouera son rôle » dans cet objectif. Le CEO d’Uber semble clairement estimer qu’Uber Works permettra à l’entreprise d’accroître son chiffre d’affaires et jouera un rôle majeur dans l’éventuelle rentabilité à venir d’Uber. Il s’agit, en somme, pour Uber de « réassigner » les personnes qui travaillent déjà pour sa plateforme à d’autres tâches, avec un statut légèrement différent, mais toujours dans son giron, tout en se repositionnant pour contourner les lois susceptibles de détruire son modèle économique.
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