Singapour ouvre son secteur bancaire aux acteurs du numérique
AFP
Singapour s’apprête à ouvrir son secteur bancaire aux acteurs du numérique et plusieurs poids lourds de la Tech asiatique se sont portés candidats à une licence, dont le groupe Ant Financial du milliardaire chinois Jack Ma et la « super-application » singapourienne Grab, appâtés par des perspectives alléchantes. Les banques traditionnelles vont voir arriver sur leur pré carré une nouvelle génération de groupes présents uniquement en ligne et capables d’offrir des solutions d’épargne et des prêts compétitifs.
Ces nouveaux acteurs bancaires numériques devraient bousculer la cité-Etat, l’une des principales places financières d’Asie qui sert aussi de siège régional à de nombreuses entreprises pour toute l’Asie du Sud-Est. Alors que la plupart des adultes à Singapour ont déjà accès aux services financiers, les sociétés qui décrocheront des licences devraient proposer leurs offres aux clients du reste de la région, encore peu bancarisés.
Singapour, la «tête de pont pour l’Asie du Sud-Est»
Avec l’octroi de licences bancaires numériques, Singapour effectue une réforme similaire à celle vue aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, au Japon, ou à Hong Kong. « C’est une reconfiguration totale du terrain, on parle de changements radicaux», estime Lawrence Loh, professeur de l’école de commerce de l’Université nationale de Singapour (NUS). D’autant plus que « Singapour est la tête de pont pour l’Asie du Sud-Est», note-t-il, interrogé par l’AFP. Un groupe éclectique de 21 candidats sont en lice pour cinq licences bancaires numériques, a indiqué au début du mois l’autorité monétaire de Singapour (MAS) qui fait aussi office de régulateur.
La plateforme de paiements électroniques Ant Financial, du créateur d’Alibaba Jack Ma, est sur les rangs alors qu’elle s’efforce de se développer au delà de la Chine. Ainsi qu’un consortium comprenant le principal opérateur télécom de la région Singtel et Grab, une plateforme VTC devenue une super-application proposant des services variés allant de la livraison de repas, des courses, aux services de paiement. Parmi les autres candidats, on trouve le fabricant de smartphones chinois Xiaomi ou l’éditeur de jeux vidéo singapourien Razer.
Défi aux acteurs installés
Le régulateur ne veut donner pour l’instant que cinq licences, et les gagnants seront dévoilés en juin en vue d’un début des opérations en 2021. Deux des licences autoriseront un ensemble complet de services bancaires tandis que trois licences « de gros » seront limitées aux services pour les entreprises. Cette ouverture ne devrait pas déclencher de bouleversement immédiat à Singapour où les banques traditionnelles comme DBS et UOB ont déjà développé des services numériques, selon les experts.
Mais l’impact pourrait être massif si ces acteurs bancaires réussissent à s’implanter dans une région de plus de 600 millions d’habitants, dont plusieurs économies en développement rapide et où de nombreux clients accèdent à l’Internet pour la première fois via leur smartphone. Près d’un tiers des habitants d’Asie du Sud-Est n’ont pas encore de compte en banque, selon un rapport de Google, Temasek et Bain & Company sur le numérique dans la région.
Le rôle de la 5G
Quelque 98 millions d’autres disposent d’un compte mais ont un accès encore insuffisant aux services financiers, tandis que des millions de PME recherchent des financements, note ce rapport. L’étude estime encore que le marché des prêts en ligne pourrait être multiplié par cinq, pour atteindre 110 milliards de dollars d’ici 2025.
L’avènement de la 5G, avec des communications plus rapides dans les cinq prochaines années, pourrait encore accélérer la transformation numérique du secteur bancaire, souligne Rajiv Biswas, chef économiste pour l’Asia Pacifique de la société d’études IHS Markit. « C’est un défi fondamental pour l’ancien modèle d’affaires des banques de détail, notamment sur le marché des plus jeunes générations», relève-t-il.
Singapour est avec Hong Kong l’une des principales places financières d’Asie et son secteur financier représente plus de 10% du produit intérieur brut. Les autorités de Singapour, qui veulent placer la cité-Etat à la pointe de l’innovation, ont encouragé le développement des FinTech avec un cadre réglementaire adapté.
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