Pourquoi Orange s’entête-t-il avec son enceinte connectée Djingo ?
Le 13 novembre dernier, après de longs mois de flottement, Orange se décidait enfin à lancer la commercialisation de son enceinte connectée Djingo. A l’occasion de la présentation de ses voeux à la presse ce jeudi, Stéphane Richard a fait un premier bilan sur les ventes de ce produit dans lequel le groupe français a placé beaucoup d’espoirs et mobilisé de nombreuses ressources, qu’elles soient financières ou humaines.
Deux mois après le lancement de Djingo, à peine plus d’un millier d’enceintes connectées auraient été vendues, selon des sources concordantes citées par l’AFP. Un démarrage loin d’être spectaculaire, mais aux yeux de Stéphane Richard, l’heure n’est pas à la panique. «Les chiffres de vente sont modestes, mais nous n’avons eu aucune action de vente, pas de campagne de communication, cela va commencer maintenant, le lancement commercial réel va se faire en 2020, nous allons y mettre les moyens», a déclaré le patron d’Orange dans des propos rapportés par l’AFP. Jusqu’à maintenant, l’enceinte Djingo était disponible dans 80 boutiques sur les 500 du réseau commercial d’Orange, sans bénéficier d’une mise en avant particulière.
Entre les lignes, cela signifie donc que le groupe français a perdu deux mois de plus sur ses concurrents que sont Google et Amazon, dont les enceintes intelligentes dominent aujourd’hui outrageusement le marché. Toutefois, Stéphane Richard a reconnu que l’enceinte connectée d’Orange est arrivée très (trop ?) tard pour être suffisamment compétitive d’entrée de jeu. «Nous sommes partis sur l’assistant vocal avec près de cinq ans de retard sur Google et Amazon, je plaide pour un peu de patience à l’égard d’un défi qui n’est pas facile, mais pour lequel nous n’avons pas rabaissé nos ambitions», a ainsi expliqué Stéphane Richard. Difficile de donner tort au PDG d’Orange dans la mesure où un internaute français sur dix utilise une enceinte connectée de type Amazon Echo ou Google Home, selon une étude du CSA et de la Hadopi. De plus, l’usage est bien moins développé qu’aux États-Unis, où près d’une personne sur quatre utilise ce type d’appareil.
Djngo retardé à cause d’une période d’apprentissage longue et complexe
Dévoilée pour la première fois en avril 2017, lors de sa conférence annuelle «Show Hello», l’enceinte connectée Djingo devait apparaître comme le fer de lance de la stratégie d’innovation d’Orange. Cependant, en partant avec plusieurs longueurs de retard sur Google et Amazon, qui n’hésitent pas à mettre des milliards de dollars sur la table pour développer et commercialiser de nouveaux produits, le groupe français s’est engagé dans un long tunnel semé d’embûches pour parvenir à mettre sur orbite ce nouvel appareil. D’ailleurs, Orange n’a pas conçu seul Djingo. Le groupe s’est associé à l’opérateur allemand Deutsche Telekom pour développer cette enceinte.
Sur le papier, l’initiative était intéressante, avec deux acteurs majeurs des télécoms en Europe qui mutualisent leurs ressources, notamment en R&D, pour développer l’intelligence artificielle de Djingo, nom qui définit aussi bien l’enceinte que l’assistant vocal, là où Amazon a opté pour une séparation des termes pour son enceinte (Echo) et son assistant (Alexa). Et alors que ce partenariat entre deux groupes de premier ordre sur le Vieux Continent faisait office de modèle européen pour proposer une offre concurrente à celle des GAFA, il a été écorné lors du «Show Hello», en décembre 2018, lors duquel Stéphane Richard promettait non seulement la disponibilité de Djingo avant le printemps 2019 – promesse non-tenue – mais révélait surtout une alliance avec… Amazon, pour embarquer la technologie d’interface vocale d’Alexa.
Malgré l’apport d’Amazon, que l’on peut voir comme un aveu de faiblesse ou un atout pour décupler les capacités de Djingo, Orange a pris du retard dans le développement de son assistant vocal, en raison des problèmes dans l’interconnexion des fonctionnalités smart home, mais aussi dans la mise en oeuvre du système de reconnaissance vocale multilingue. Des obstacles assez logiques finalement qui s’inscrivent dans une période d’apprentissage longue et complexe, selon Orange. Fabienne Dulac, directrice générale adjointe du groupe, avait d’ailleurs concédé que le projet s’était révélé «plus compliqué que ce qui avait été anticipé».
Si Stéphane Richard n’a pas dit autre chose devant la presse hier, reconnaissant quelques difficultés dans le fonctionnement de Djingo, il a cependant rappelé que Google et Amazon ont connu pareilles mésaventures «malgré des équipes de développement plus importantes» avant le lancement de leurs enceintes respectives. Problème : Amazon Echo est disponible depuis 2014 et Google Home depuis 2016. Une éternité à l’échelle de l’innovation technologique.
Les déboires de Djingo rappellent ceux d’Orange Bank
Maintenant que Djingo est sur le marché, Stéphane Richard ne semble pas envisager de faire marche arrière. Et pour cause, ce serait un désaveu terrible pour le patron d’Orange, actuellement à la moitié de son troisième mandat à la tête du groupe, car le projet Djingo constitue un outil de communication très important en interne. Le projet ayant nécessité la mobilisation de ressources très importantes au sein du groupe pour qu’il puisse voir le jour, un retrait commercial n’est donc pas une option possible pour Stéphane Richard.
Désormais, la question est de savoir si le patron d’Orange croît vraiment à un succès commercial de Djingo ou s’il se plie seulement à un exercice de communication pour garder la face. Seul l’avenir le dira, mais Stéphane Richard a tout de même préparé un peu le terrain médiatique hier en cas d’échec cuisant. «Nous ne pouvons pas reprocher aux groupes européens de renoncer face aux géants américains et dans le même temps de ne pas être capables de faire aussi bien quand ils tentent des choses», a-t-il ainsi lancé lors de ses voeux à la presse. Pour l’heure, Djingo suit une destinée similaire au projet de néobanque d’Orange. Lancée en 2017 avec plusieurs mois de retard, en raison de bugs de l’application mobile, la banque en ligne Orange Bank a conquis 500 000 clients en deux ans, alors qu’elle en attendait 400 000 dès sa première année d’exploitation.
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