Télétravail: les habitants en zone blanche tentent de s’organiser
AFP
Les millions de Français en télétravail vont devoir s’armer de patience car ces conditions de travail hors norme vont perdurer au-delà de la fin du confinement, le 11 mai. Compliqué pour les habitants privés d’une couverture Internet de qualité, qui doivent s’adapter tant bien que mal. « Attention, je passe un appel, ne consultez pas Internet! ».
François Pelletier jongle en permanence entre le web et la téléphonie mobile depuis qu’il est confiné chez lui, à Montmorin (Puy-de-Dôme). Un comble pour ce patron d’une entreprise de services informatiques. « Le téléphone mobile passe très mal. Donc nous sommes obligés de passer nos appels via le wifi, mais comme nous sommes en bas débit, il ne faut pas consulter internet en même temps, sinon la communication est hachée », explique-t-il. Pourtant Montmorin n’est qu’à une trentaine de kilomètres de Clermont-Ferrand.
Située sur les contreforts du Livradois-Forez, cette commune rurale compte 700 habitants, une quarantaine de hameaux et deux difficultés majeures: une connexion Internet bas débit et une couverture mobile défaillante, en raison de la topographie. Pas une zone blanche donc, mais une « zone grise », tout aussi contraignante en période de confinement, souligne M. Pelletier, père de deux enfants, contraint à gérer ses appels professionnels en fonction des usages Internet de toute la famille.
Dans un hameau voisin, Sandrine Redersdorff, enseignante-chercheuse à Clermont-Ferrand, tente, comme elle peut, de maintenir le lien avec ses étudiants: « on se contacte par mail, car internet fonctionne au ralenti. C’est très pénible », témoigne-t-elle. Au moins une fois par semaine, elle retrouve ses collègues en visioconférence pour faire le point, mais elle perd « des bouts de réunion », rage-t-elle. La situation est également délicate pour les agents chargés de maintenir le lien avec les personnes âgées ou isolées, quand le portable ne passe pas, relève le maire Gérard Guillaume. « La fibre est attendue pour fin 2021, mais cela ne résoudra pas notre problème pendant la crise du coronavirus », déplore-t-il.
« Chacun son tour »
« On veut vivre de façon moderne mais on n’a pas les moyens de le faire ». A Félines, commune de 320 habitants dans la Haute-Loire voisine, le maire Philippe Meyzonet explique que le confinement a été « très compliqué au début » en raison des problèmes de connexion. « Certains auraient pu télétravailler mais n’ont pas pu le faire parce que le téléphone et Internet passent très mal ici », dit-il, citant notamment le cas de la secrétaire de mairie qui « a très peu de réseau chez elle ».
A Saint-Georges d’Annebecq, 150 habitants dans l’Orne, près d’Alençon, le confinement est tout aussi problématique. Pire, « il y a sans cesse des coupures de téléphone fixe ». « On a un réseau qui est vieillissant, pour ne pas dire très vieux, avec des poteaux électriques qui tombent régulièrement », témoigne le maire Aurélien Baudoux. « Quant à l’école à la maison, les familles n’arrivent pas à télécharger les documents, notamment les vidéos à lire par les étudiants. C’est différenciant dans le mauvais sens du terme ». Valentin Sauvage, élève de terminale, en fait l’expérience tous les jours : « Si ma soeur fait ses leçons sur Internet, moi, je ne peux pas me connecter. Ca ne marche pas; je n’ai pas assez de débit pour faire le travail que je souhaite », explique-t-il.
Même constat en Savoie, dans la commune touristique de Saint-François-Longchamp, 500 habitants hors saison: « nous avons l’ADSL, mais c’est vrai qu’en cette période de confinement, avec les enfants qui se connectent plus, il y a de la surcharge. Tout est plus long, même pour relever un simple mail, d’autant que nous sommes en bout de ligne », détaille le maire Patrick Provost. « Tout le monde ne peut pas se connecter en même temps et, dans les familles, c’est souvent ‘chacun son tour’».