41 milliards de dollars d’investissements dans la Tech européenne en 2020
Avec le bond des usages dans le numérique provoqué par la crise du coronavirus, de nombreuses entreprises technologiques sont parvenues à tirer leur épingle du jeu. C’est notamment le cas aux États-Unis avec Amazon et Zoom, mais c’est également vrai en Europe et en France avec des entreprises comme Doctolib et Mirakl. Alors que cette année 2020 ô combien particulière touche à sa fin, la Tech européenne s’apprête ainsi à battre un nouveau de record de financement. En effet, les entreprises technologiques du Vieux Continent sont en passe d’atteindre les 41 milliards de dollars levés en 2020, contre 38,6 milliards de dollars en 2019.
C’est ce qui ressort du rapport «State of European Tech» dévoilé par le fonds londonien Atomico, en partenariat avec Slush, Orrick et Silicon Valley Bank, qui fait le bilan de l’année écoulée pour la Tech européenne. «Cette année a été conçue pour être le test ultime de notre endurance en tant qu’individus et de la résilience de l’écosystème dans lequel nous travaillons. Face à cela, l’Europe a résisté de façon stupéfiante. Malgré la crise, l’Europe est sur le point d’enregistrer sa deuxième année record en capital investi. Bien que la pandémie ne soit pas terminée et que certaines inefficacités freinent encore notre écosystème, nous avons les bases en place pour faire de 2021 une excellente année pour le numérique en Europe», analyse Miika Huttunen, PDG de Slush. Une réflexion complétée par Chris Grew, partenaire londonien d’Orrick, cabinet d’affaires américain Orrick : «L’écosystème Tech a remarquablement bien résisté en cette année de crises multiples et stimulera sans aucun doute la reprise européenne à mesure que les marchés s’adapteront aux grandes accélérations de 2020.»
5,2 milliards de dollars d’investissements et la levée record de Mirakl en France
Dans cette période spéciale, la France a fait mieux que résister puisqu’il s’agit du seul des trois plus grands marchés d’Europe à avoir vu ses investissements progresser dans l’écosystème technologique. Selon le rapport annuel d’Atomico, 5,2 milliards de dollars ont été investis dans des entreprises technologiques françaises en 2020, contre 4,8 milliards de dollars en 2019. Toujours positionnée sur la dernière marche du podium des investissements technologiques européens, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne, la France a pu compter notamment sur des tours de table d’envergure, à l’image de Mirakl (300 millions de dollars en septembre 2020, la plus importante levée de fonds de la French Tech), Contentsquare (190 millions de dollars en mai 2020), Sendinblue (140 millions d’euros en octobre 2020), ManoMano (125 millions d’euros en janvier 2020), Back Market (110 millions d’euros en mai 2020), Qonto (104 millions d’euros en janvier 2020), Dataiku (100 millions de dollars en août 2020), Swile (70 millions d’euros en juin 2020) ou encore Alan (50 millions d’euros en avril 2020).
Avec cette performance, la France revient sur les talons de l’Allemagne (5,4 milliards de dollars), mais reste encore à distance très respectable du Royaume-Uni, qui a collecté 12,5 milliards de dollars d’investissements pour ses start-up. Londres reste ainsi l’épicentre de la Tech européenne avec 9,6 milliards de dollars d’investissements captés en 2020. De son côté, Paris profite de la dégringolade de Berlin pour s’ériger en deuxième hub européen cette année, avec 3,4 milliards de dollars collectés. Depuis 2016, la capitale française a attiré 11,7 milliards de dollars d’investissements dans l’écosystème technologique. Paris comme le reste de la France sont de plus en plus attractifs en raison d’un bassin de talents très réputés dans la R&D, et notamment dans l’intelligence artificielle, ce qui ne manque pas d’ailleurs d’aiguiser la curiosité des géants américains, Google et Facebook en tête.
L’Europe encore timide sur le financement late-stage
Si la Tech européenne affiche une belle résilience face au contexte sanitaire et économique, qui rend les perpectives de développement des start-up particulièrement incertaines, elle reste cependant très loin des niveaux atteints en Amérique du Nord (141,2 milliards de dollars) et en Asie (73,9 milliards de dollars). Une différence qui s’explique notamment par la taille des deals. Car si l’Europe est particulièrement performante dans les tours de table de moins de 5 millions de dollars, au point d’être le leader mondial sur ce segment (40% contre 35% pour l’Amérique du Nord), elle est en revanche largement distancée lorsque les levées de fonds dépassent les 50 millions de dollars. Sur les opérations XXL de plus de 250 millions de dollars, la Tech européenne apparaît ainsi bien faible sur la scène mondiale. 57% de ces méga-deals sont en effet bouclés en Amérique du Nord, 34% en Asie et seulement 7% en Europe.
Toutefois, le Vieux Continent commence à rattraper son retard dans le financement late-stage en multipliant les dispositifs pour inciter les investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension, les fonds de fonds, les assureurs ou encore les banques, à mettre la main à la pâte. C’est le cas notamment en France où Emmanuel Macron a annoncé une enveloppe de 6 milliards d’euros sur trois ans pour soutenir les start-up françaises en hypercroissance.
Objectif : multiplier les tours de table supérieurs à 50 millions d’euros pour compter 25 licornes françaises d’ici 2025. Une initiative tricolore qui s’inscrit dans un plan plus large à l’échelle européenne visant à stimuler le marché boursier et doper l’attractivité de la France pour attirer davantage de capitaux étrangers. Cette stratégie commence à porter ses fruits puisque les investisseurs traditionnels investissent désormais trois fois plus d’argent dans la Tech européenne qu’il y a cinq ans.
Spotify et Adyen, premiers «titans» technologiques
Un temps ralenti par la pandémie de Covid-19 à partir de mars, le financement des entreprises technologiques européennes est reparti sur de bonnes bases au troisième trimestre. Durant ce dernier, le mois de septembre 2020 a été historique puisque 5 milliards de dollars ont été investis dans la Tech européenne à cette période. C’est le plus grand montant jamais levé en Europe en un mois. Cette relance de la machine à cash de l’écosystème numérique européen a notamment été rendue possible par les plans de soutien des différents gouvernements européens qui ont permis d’injecter 11 milliards de dollars à travers le continent. En France, ce sont 3,7 milliards de dollars d’aides qui ont été débloquées pour sauver les start-up, contre à peine 2,2 milliards en Allemagne et 600 millions au Royaume-Uni.
Pour autant, si de nombreuses start-up font face à de lourdes difficultés depuis plusieurs mois, d’autres entreprises technologiques européennes ne connaissent pas la crise. En 2020, 18 start-up du Vieux Continent ont d’ailleurs rejoint le cercle des licornes, ces start-up valorisées plus d’un milliard de dollars. Parmi elles, on retrouve notamment les start-up françaises Dataiku et Mirakl. Au total, l’Europe compte désormais 208 entreprises technologiques valorisées au moins 1 milliards de dollars, dont 115 financées par le capital-risque.
Par ailleurs, la FinTech suédoise et le spécialiste du RPA UiPath sont devenus des décacornes, ces licornes valorisées plus de 10 milliards de dollars. Dans le même temps, Spotify et Adyen, en atteignant une valorisation supérieure à 50 milliards de dollars, ont permis de donner à l’Europe ses deux premiers «titans» technologiques. La Tech européenne est encore très loin des GAFA américains et des BATX chinois, mais il s’agit d’un cap supplémentaire franchi pour donner naissance à de plus en plus d’entreprises technologiques européennes puissantes et influentes à l’échelle mondiale.
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