Transition énergétique: pourquoi l’Europe risque une double dépendance vis-à-vis de la Chine
AFP
Devant l’engouement mondial autour des batteries électriques, la patronne du premier groupe minier français Eramet a mis en garde lundi contre un risque de « double dépendance » de l’Europe vis-à-vis de la Chine en matière de transition énergétique, pour l’extraction des métaux rares utilisés dans ces batteries, et pour leur transformation. « L’Europe doit faire attention de ne pas se se retrouver avec une double dépendance chinoise: à la fois sur l’extraction et sur la raffinerie » des métaux comme le manganèse, le cobalt, le nickel ou le lithium, utilisés dans la fabrication des batteries électriques, a déclaré Christel Bories sur BFM Business.
« La batterie d’un véhicule électrique, c’est 40% de la valeur du véhicule, et une grande partie de son poids, ce sont des métaux: nickel, manganèse, cobalt, lithium, les fameuses batteries lithium-ion » a rappelé Mme Bories, architecte depuis quatre ans d’un recentrage du groupe sur son « capital minier exceptionnel » jugé stratégique pour la transition énergétique, au détriment de ses activités métallurgiques. Alors que Volkswagen vient d’annoncer la création de six usines de batteries d’ici 2030, et que l’américain Tesla a déjà commencé la construction de sa propre « gigafactory » en Allemagne, General Motors et le sud-coréen LG viennent aussi d’annoncer le 16 avril vouloir investir 2,3 milliards de dollars dans une usine de cellules de batteries électriques d’ici 2023.
Peu d’acteurs européens
« On parle de gigafactory (de batteries, NDR), mais d’où vont venir les matières premières? » a réagi la patronne d’Eramet, en rappelant qu’il n’y avait « quasiment plus d’acteurs miniers en Europe ». En France, l’Etat « considère Eramet comme un actif stratégique » car « nous avons la chance d’avoir tous ces métaux dans nos mines », a-t-elle fait valoir. Elle a souhaité qu’entreprises et start-up du secteur soient mieux aidées par l’Europe. Et appelé Bruxelles à « faire de la géopolitique, c’est-à-dire ce qu’on appelle de la diplomatie économique pour se lier à des pays qui ont ces richesses-là ». « La Chine fait cela extrêmement bien de façon efficace depuis de nombreuses années et donc a mis la main sur beaucoup de ressources » a noté Mme Bories.
Mais la production doit aussi être « responsable »: « si vous faites des véhicules électriques qui vont réduire votre empreinte carbone, mais que pour les produire, les métaux que vous utilisez sont produits dans de mauvaises conditions environnementales, en y mettant beaucoup de carbone, et en ne respectant pas les droits humains, vous ne gagnez rien», a-t-elle averti. Pour le lithium en particulier, Eramet juge que ses technologies d’extraction sont beaucoup plus « propres » pour l’environnement que les techniques traditionnelles de valorisation basées sur l’évaporation, qui pompent et assèchent des vallées entières en Argentine, en Bolivie ou au Chili.
Lithium: une douzaine de brevets déposés
Le groupe a déposé une douzaine de brevets sur le sujet, notamment celui d’un granulé extrudé qui « attire » le lithium et permet son extraction directe, mais pour l’instant son gisement en Argentine a été « mis sous cocon » durant la pandémie. La croissance de 8% du chiffre d’affaires du groupe métallurgique et minier, annoncée lundi, a été tirée au premier trimestre par celle de ses mines et par la hausse des prix des métaux sur les marchés mondiaux.
Au total, la production de minerais et métaux d’Eramet a vu ses ventes progresser de 18% à 683 millions d’euros de janvier à mars. Celle de minerai de manganèse a augmenté de 17% à 1,5 million de tonnes au Gabon, le chiffre d’affaires relié à l’extraction du minerai de nickel en Nouvelle Calédonie et Indonésie a fait un bond de 58%. La troisième activité minière, liée à l’exploitation de sables minéralisés au Sénégal pour en extraire des oxydes de titane, a vu son activité baisser de 20% au premier trimestre par rapport à celui de 2020.
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