Cookies et traceurs: les éditeurs respectent-ils les nouvelles règles de la Cnil?
AFP
La Cnil a publié mardi son rapport annuel 2020. Sa présidente Marie-Laure Denis estime, dans une interview à l’AFP, que les éditeurs de site globalement « jouent le jeu » des nouvelles règles en vigueur pour les cookies et traceurs publicitaires.
Êtes-vous satisfaite de l’application par les éditeurs de sites des nouvelles lignes directrices de la Cnil sur les cookies et traceurs publicitaires, publiées en octobre dernier?
Mon impression générale est que les interfaces de recueil de consentement (NDLR aux cookies et autres traceurs) ont évolué et que beaucoup de sites jouent le jeu. Avant, il fallait souvent prendre un peu de temps pour essayer de paramétrer ou refuser les cookies, arriver au troisième ou quatrième écran… j’ai quand même le sentiment que c’est beaucoup plus facile aujourd’hui.
Cela dit, tous les sites ne permettent pas encore de refuser les cookies aussi facilement que de les accepter. La Cnil a entamé un certain nombre de procédures de contrôles, en priorisant les sites pour lesquels nous avons reçu le plus de plaintes, ainsi que les sites à forte audience. Ces contrôles pourront le cas échéant être suivis d’une mise en demeure, publique ou non, ou de sanctions pécuniaires, publiques ou non.
Que répondez vous aux internautes qui ont parfois l’impression de se perdre dans toutes les questions auxquelles ils doivent répondre, s’ils ne font pas « accepter tout »?
Nous veillons à ce que l’acceptation soit aussi simple que le refus. Il n’y a pas nécessairement de bouton « tout refuser » -qui est la formule que nous recommandons-, il peut aussi y avoir d’autres façons de refuser, par exemple un « continuer sans accepter » en haut à droite de l’écran, etc. Encore faut-il s’être familiarisé avec cette nouvelle physionomie des interfaces, pour appréhender soi-même ces nouveaux instruments de contrôle des données. Nous n’avons jamais dit que notre travail serait terminé le 31 mars (ndlr, date à laquelle les manquements éventuels sont devenus sanctionnables par la Cnil), mais je pense qu’il y a un mouvement de fond qui est engagé.
De nombreux éditeurs de presse continuent d’utiliser un « cookie wall », c’est à dire de subordonner l’accès de leur site à l’acceptation de traceurs publicitaires. Ces systèmes sont-ils légaux ?
Le Conseil d’Etat a estimé que la Cnil ne pouvait pas interdire par principe cette pratique, comme elle l’avait souhaitée. Dans l’attente d’une clarification pérenne sur cette question par le législateur européen (NDLR: dans la révision en cours du règlement européen e-privacy), la Cnil appliquera les textes qui sont en vigueur pour déterminer, au cas par cas, si le consentement des personnes est libre et si le « cookie wall » est licite ou non.
Nous seront très attentifs à l’existence d’alternatives réelles et satisfaisantes, notamment fournies par le même éditeur. Nous tiendrons compte aussi du caractère gratuit ou non du site: la publicité assure-t-elle en pratique son financement ou s’agit-il d’un site commercial? Un site peut annoncer qu’il a besoin des traceurs publicitaires pour se financer.
Êtes-vous satisfaite de la manière dont l’autorité de protection irlandaise, la DPC, instruit les plaintes des internautes français transmises par la Cnil contre les géants du Web (Facebook et Google notamment)?
On peut faire un double constat: des plaintes individuelles ont pu être résolues rapidement à l’amiable entre des plaignants et ces opérateurs par l’intermédiaire de la DPC. En revanche, il reste indispensable de faire aboutir rapidement certaines décisions sur des plaintes collectives relatives à des grands acteurs de l’internet, que la Cnil a transmise à la DPC il y a près de trois ans.
Une des difficultés, c’est que la DPC met parfois en avant des obstacles qui seraient liés à sa propre législation nationale. C’est un sujet sur lequel la Commission européenne doit se pencher. Il faut s’assurer que s’il y a des obstacles de cette nature dans la législation irlandaise, ils puissent être levés au plus vite, pour que la coopération européenne en matière de traitement de plaintes concernant les grands acteurs soit la plus rapide et la plus efficace possible.