Retail: comment la mode virtuelle explose depuis le confinement
AFP
Un jour, prédisent les pionniers de la mode numérique, tout le monde pourra choisir des vêtements dans des couleurs ou des designs impossibles en se promenant dans d’énormes entrepôts virtuels, les enfiler instantanément, les jeter et recommencer. Tandis que les défilés physiques sont progressivement de retour dans les grandes capitales de la mode, des tenues se portent déjà exclusivement sur les réseaux ou dans les jeux vidéo, un phénomène porté par le confinement mondial qui menace de bouleverser le secteur. Il s’agit de vêtements futuristes, commandés à de très jeunes créateurs.
Les prix vont de quelques dizaines d’euros, dollars ou bitcoins, jusqu’à des milliers, si le client souhaite une exclusivité mondiale. Les transactions se font avec des NFT, des « jetons non fongibles ». Il existe aussi des vêtements pour habiller la « skin » (peau) de leur avatar préféré. Un monde peuplé d’images de synthèse, de personnes équipées de lunettes noires épaisses, qui bougent ou gesticulent selon ce qui se présente dans ce « métavers » (méta-univers) comme dans le film « Ready Player One » de Steven Spielberg (2018).
Métavers et «collection d’univers virtuels»
« Nous créons en l’absence totale du physique. La mode est avant tout une expérience. Nous n’avons pas forcément besoin de ressentir physiquement l’émotion de porter des vêtements fabuleux », estime Michaela Larosse, porte-parole de la start-up néerlandaise The Fabricant. Avec une vingtaine de graphistes et designers, The Fabricant a commencé à créer des vêtements numériques en 2018. Mais c’est avec la pandémie que son chiffre d’affaires « a explosé », précise-t-elle. The Fabricant travaille avec Puma ou Tommy Hilfiger pour concevoir leurs vêtements en 3D, ce qui permet de réduire les coûts de production.
Mais sa proposition va plus loin et passe par le « métavers », qui est « une collection d’univers virtuels », explique Michaela Larosse. Muni de son identité virtuelle et de ses lunettes, le client pourra parler avec des conseillers, également virtuels, acheter et revendre ses vêtements à un autre consommateur. On aide le client à s’exprimer sans utiliser de matières premières, ni d’émettre de CO2. «Si vous choisissez d’aller nu, alors il n’y a pas de problème. Vous pouvez choisir un vêtement léger ou un chapeau de fumée». Une proposition qui a tout pour séduire « les moins de 20 ans qui ne se souviennent pas de monde non-numérique ».
«C’est comme le début d’Internet»
Trois grandes marques de luxe interrogées par l’AFP pendant la Paris Fashion week sur les projets dans le « métavers » ont refusé de fait un commentaire. Cependant ces plans existent. À l’image de Balenciaga, qui a fait une incursion dans le populaire jeu vidéo Fortnite, proposant vêtements et baskets à plus de 250 millions de joueurs. Mais Jean Paul Gaultier qui avait été pionnier dans plusieurs aspects de la mode dit à l’AFP que cela ne l’intéresse pas. « Je suis d’une autre époque et content avec mon aventure très tactile avec le vêtement réel », déclare-t-il. « Je ne regarde pas les jeux vidéo, je n’aurais pas pu créer cela ». Mais pour l’historienne de l’art Miren Arzalluz, directrice du palais Galliera, musée de la mode de Paris, la tendance est « extraordinaire ».
« Le digital offre une occasion magnifique d’imaginer la mode et de vivre un moment différemment », déclare-t-elle à l’AFP. L’application DressX, fondée il y a un an à San Francisco, propose des centaines de robes, bijoux et oeuvres d’art numériques, pour moins de dix dollars par mois, dans la lignée des sociétés comme Spotify ou Netflix. Il y a des problèmes à résoudre, notamment de comptabilité, souligne l’une des deux fondatrices, Natalia Modenova, mais c’est l’avenir. « C’est comme le début d’Internet : certaines marques hésitaient à mettre leurs produits en vente en ligne », se souvient la co-fondatrice Daria Shapovalova. Mais « plus tôt vous vous positionnez, mieux ce sera ».
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