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Comment cette marque toulousaine fidélise grâce au lien émotionnel

Par Laurence Faguer, experte retail et beautytech

Samedi soir, autour de la table familiale

Comment vient l’idée de créer sa startup ? Pour les Toulousaines Manon Latgé et Laura Latgé, les co-créatrices de Né à, ni dans un garage comme le veut la légende, ni pour pallier une mauvaise expérience vécue, comme c’est souvent le cas, mais à l’occasion d’un dîner familial. Rosa, la petite sœur de Manon et de Laura, fait part de sa fierté d’être née dans la même clinique que son frère et ses deux sœurs.

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Déclic !

L’endroit où l’on est né est un lieu auquel on est attaché, alors que l’on ne s’en souvient pas, et que l’on n’y retourne pas, sauf pour y accoucher à son tour “ explique Manon Latgé, cofondatrice et CEO de Né à.  “ J’ai moi-même des amies Toulousaines qui me disent “ Je veux que figure Toulouse sur l’acte de naissance de mon enfant, ma mère a accouché là, je veux que mon enfant naisse à Toulouse. Il y a un attachement émotionnel à une maternité , le nom d’une maternité fonctionne comme une marque, avec un aspect émotionnel et un aspect de réassurance. On n’accouche pas n’importe où, par hasard “.

Credit image : Né à
Laura Latgé, Co-fondatrice & COO et Manon Latgé Co-fondatrice & CEO de Né à

INTERVIEW

 

Laurence Faguer :   Et vous avez fait de cet attachement … une entreprise ! 
Manon Latgé : Nous avons voulu aider les maternités à créer leur propre marque de produits dermo-cosmétiques au lieu de s’en remettre à des marques extérieures. Nous avons exposé l’idée à la clinique Rive Gauche, à Toulouse, une clinique de référence, la 3ème plus grosse clinique privée de France en terme de nombre de naissances. Le projet leur a plu et ils ont voulu développer le produit avec nous. Rive Gauche a été à la fois notre incubateur, notre premier client et notre zone test.

   « C’était dans notre tête, et c’est maintenant sur le bord des baignoires des familles et utilisés dans les établissements de santé »

Vous-même, 29 ans, et votre sœur Laura, 27 ans, n’aviez pas d’expérience dans l’élaboration d’un produit cosmétique, dans les ingrédients, les formulations, la législation…

Manon Latgé : Nous sommes parties des besoins des professionnels. Nous avons rencontré les pédiatres, sage-femmes, puéricultrices, obstétriciens et pharmaciens travaillant à Rive Gauche, et nous leur avons demandé quels étaient leurs besoins en termes de formulation et d’utilisation. Ils nous ont aussi livré leurs propres observations, absolument fondamentales. Par exemple, éviter une formulation trop grasse, qui prend du temps à sécher, car rentrée à la maison, la maman n’a pas le temps d’attendre, occupée souvent par d’autres enfants autour d’elle. Ces professionnels nous ont également ouvert les portes de la maternité, pendant trois mois, pour nous permettre d’interroger directement les mamans sur leurs besoins.

Quel est votre business modèle ?

Manon Latgé : Nous avons deux pans d’activité, les maternités et notre propre marque. Pour les maternités, nous co-créons les produits et la marque, nous construisons leur boutique en ligne sur un site dédié et parfois un espace pour de la vente physique, à l’intérieur de l’établissement. Et nous avons créé notre propre marque, Né à, afin que toutes les mamans qui n’ont pas accouché dans une maternité partenaire puissent avoir accès à ces produits.

Notre marque est vendue en eCommerce sur Né à ainsi que dans certaines pharmacies et concept stores.

La marque est donc à la fois BtoB et BtoC. Où vous situez-vous exactement sur le marché des produits dermo-cosmétiques ? 

Manon Latgé : Né à est un service, une marque et une gamme de produits.

  • Un service car nous permettons à une clinique où une maternité de créer sa propre marque : Né à Rive Gauche,  Né à l’Hôpital Américain de Paris,…
  • Une marque car nous avons créé une marque propre,
  • Et une gamme de produits, développée avec l’intégralité des professionnels de la clinique Rive Gauche. Cette gamme est relativement courte, Made in France – elle est fabriquée dans le Sud-Ouest – bio et garantie sans aucune molécule à risque ni perturbateur endocrinien. La clinique partenaire appose sa caution sur chaque produit.

Je ne suis pas une professionnelle du secteur, mais cela semble étonnant qu’il y ait encore quelque chose à inventer sur ce marché du soin et hygiène pour les bébés. Que cherchez-vous à résoudre avec Né à, qui n’existe pas déjà ?

Manon Latgé : Nous voulons apporter de la valeur tant aux parents qu’aux professionnels et à la clinique.

A la naissance d’un enfant, les parents sont un peu perdus. Les premiers gestes appris d’un professionnel à la clinique et les conseils que donnent une sage-femme, une puéricultrice ou un obstétricien sont très précieux. Avoir leurs cautions sur un produit est important.

Du côté des professionnels, les sage-femmes et les puéricultrices notamment nous ont  dit regretter de ne pas pouvoir choisir les produits placés dans la chambre de la maman qui accouche. Certains professionnels d’ailleurs n’ont pas forcément envie de recommander ces produits. Elles nous ont dit “ en étant impliquées plus en amont, nous serions beaucoup plus à même de les recommander. Il n’est pas normal que le choix des produits ne fasse pas partie des conseils que nous prodiguons ”.

Donc ce que nous apportons c’est la meilleure caution qualité qui soit, c’est-à-dire celle des maternités, mais nous poussons cette caution encore plus loin avec les services de néonatologie, d’autant plus que les enfants prématurés sont les grands oubliés du marché.

Justement, après Rive Gauche, quel a été l’accueil des autres cliniques ?

Manon Latgé  : Formidable, car nous répondions à un vrai besoin, et nous étions les premiers à le faire. Pour les cliniques partenaires, c’est devenu un projet d’entreprise. Quant aux directions des maternités, elles font face à une évolution des besoins des patientes. Celles-ci s’attendent à ce que la clinique soit plus digitale, plus engagée en termes d’environnement et qu’il y ait plus de lien entre elles, la clinique et les professionnels.

De quelle manière vos produits solutionnent-ils cette question de lien ?

Manon Latgé : Si, de retour chez elle, le produit que la maman a sur sa table à langer est le produit Né à qu’elle utilisait à la clinique, le lien est maintenu : elle continue à prodiguer les bons soins et elle est sereine sur les produits, cautionnés par la clinique, dans un moment où les parents ont déjà tant à penser…

Et les marques installées, comment vous voient-elles ? Le marché des dermo-soin pour nourrissons est assez encombré.


Manon Latgé : Ce n’est pas parce qu’un marché est saturé qu’il ne peut évoluer ! L’évolution passe par l’innovation et l’attente des consommateurs.

C’est vrai, nous faisons bouger les lignes. En apportant cette prescription, sur un marché jusqu’alors fortement scindé entre postnatal et prénatal, nous sommes en train de tout ouvrir. Nous passons par le lien noué entre les parents et la maternité  lors du plus beau jour de la vie des parents – lorsque cela se passe bien, bien-entendu – et nous prolongeons avec nos produits ce lien parents-maternité.

De grandes marques nous ont rencontré, et certaines nous ont dit “ Vous êtes notre concurrent “ . Nous avons pris cela comme un énorme compliment. Nous ne sommes pas une marque positionnée en maternité, nous sommes nés dans une maternité. C’est après que notre propre marque est venue, car nous avions des demandes de parents.

Parlons de la fidélisation. Comment fidéliser avec une gamme de produits courte, de surcroît liée à un âge bien spécifique ?

Manon Latgé : Rassurez-vous, nous avons un excellent taux de fidélisation !  Nous avons des clientes qui en sont à leur douzième commande. Nos produits sont très utilisés sur les peaux atopiques :  lorsque ces produits ont convenus, et qu’ils ont en plus la caution de la matérnité, on n’en change pas.

L’évolution de la consommation nous aide aussi, avec une tendance à moins de produits dans la salle de bain et à un style de vie plus nomade. Le gel lavant est utilisé par toute la famille, les mamans se servent du lait de toilette comme démaquillant, et les papas, du  soin hydratant en après-rasage.

Vous avez une double formation Edhec et un Mastère Technologie et Management à l’Ecole Centrale de Paris. Qu’est-ce que cette double culture vous apporte ?

Manon Latgé : La mission de ce Master à l’Ecole Centrale est de faire de nous des personnes capables d’appréhender des problématiques scientifiques et de les retranscrire au niveau commercial.

Certes, mais on ne vous a pas forcément appris à les retranscrire dans les conditions si particulières d’une  startup  ?

Manon Latgé : Lorsque l’on est entrepreneur, on se forme par les autres. C’est ce que j’aime dans le métier d’entrepreneur : je ne suis spécialiste de rien, mais je travaille avec un laboratoire, Je travaille avec un avocat, avec un comptable, avec nos investisseurs, et j’apprends. Et notre incubateur a été la maternité. Ma soeur et moi, nous nous formons auprès des autres. Et ce que l’on sait faire en tant que entrepreneurs, c’est s’adapter, écouter et s’approprier des problématiques.

Et nous avons la chance d’être chez Station F. Station F permet aussi et surtout d’apprendre des autres start-ups et fondateurs. Néanmoins, mon meilleur atout dans cette aventure c’est mon associée. En plus d’être soeurs, ce qui nous apporte une bienveillance l’une envers l’autre à toute épreuve, nous sommes d’une complémentarité quasiment parfaite. Laura a une vraie expérience et une culture grands groupes, elle est analytique et connaît la mise en place de process comme personne. Je suis de mon côté issue de la tech et des start-ups. Enfin, notre meilleur apprentissage nous vient de nos clients, nous croyons avant tout au terrain.

Quels sont vos leviers de croissance  ?

Manon Latgé : Les maternités, le e-commerce et le retail.

Nous entrons en levée de fonds. Cela va nous permettre d’avoir plus de cliniques partenaires, de développer la marque, notamment sur les réseaux sociaux, d’intensifier l’’acquisition clients et de se développer en retail, notamment dans les pharmacies.  Les pharmaciens sont d’excellents prescripteurs.

De manière plus personnelle, quelles sont vos sources d’inspiration pour vous tenir au courant des innovations métier  ?

Manon Latgé : Ma plus grande source d’inspiration est Instagram. Je lis aussi beaucoup les newsletters des fonds, celle de Eutopia par exemple, des magazines professionnels comme Cosmétique Magazine, et Linkedin, car les marques y annoncent des choses.

Comment voyez-vous les six prochains mois ? Qu’est-ce qui va être essentiel de travailler ?

Manon Latgé : Travailler l’acquisition ciblée en maternités – et là nous ouvrons de nouvelles cliniques –  faire un bon travail d’acquisition clients online, avec de jolis partenariats qui ont du sens, et travailler la fidélisation. Notre force, ce sont nos clients. Nous avons beaucoup de chance, nos KPIs sont excellents, tous nos voyants sont au vert.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

L’experte:

Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse « go-between » France et USA, fondatrice de Customer Insight.

A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en Digital, Mobile et Retail aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve aux U.S.

Laurence est l’une des expertes retail et beautytech de FrenchWeb, vous pouvez régulièrement retrouver ses analyses, et interview sur Decode Retail.

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