Quick commerce: pourquoi la livraison rapide à domicile peine à être rentable
AFP
Une botte de carottes ou du papier toilette livrés en moins de quinze minutes… La livraison rapide de courses à domicile ou « quick commerce » s’impose sur le marché français, malgré la difficulté à rendre le service rentable. Gorillas, Flink, Cajoo, Getir, Dija… les start-up se multiplient, surtout depuis les confinements, et ont attiré depuis le début de l’année quelque six milliards d’euros de levées de fonds, d’après la banque d’affaires Bryan, Garnier and Co. « On est submergé de demandes de locaux pour des ‘dark stores’», les petits entrepôts utilisés par les start-up pour préparer les commandes, indique à l’AFP Emmanuel Cloërec, directeur de la branche Commerce d’EOL, société de conseil en immobilier d’entreprise.
Dans ce secteur comme pour la livraison de repas par exemple, les entreprises comptent sur le principe du « winner takes all »: comme les consommateurs n’installent en général qu’une ou deux applications pour la même utilisation, celle qui réussira à s’imposer sur le plus de téléphones raflera toute la mise. Elles multiplient donc les offres de réductions pour conquérir les clients, à grand renfort de publicités aux couleurs vives dans les transports en commun. Mais même si le nombre de commandes augmente, les entreprises peinent à trouver la rentabilité. La société turque Getir par exemple, valorisée à plus d’un milliard de dollars, assure qu’elle réussit à dégager des bénéfices en Turquie et dans certaines régions du Royaume-Uni, mais pas encore en France.
Un petit marché qui attire les grands groupes
La livraison rapide de courses à domicile est en effet utilisée essentiellement dans de grandes agglomérations pour des courses de dépannage. Le panier moyen se situe autour de 23 euros d’après Fox Intelligence, éditeur de logiciel spécialisé dans l’analyse des données d’e-commerce, contre 74,5 euros pour les commandes en ligne auprès des grandes surfaces traditionnelles. La grande distribution a tout de même bien compris qu’il y avait une tendance à saisir: ces derniers mois, les Français Carrefour et Casino ont ainsi annoncé des partenariats avec Cajoo et Gorillas, tout comme le britannique Tesco, lui aussi avec Gorillas, et l’allemand Rewe avec Flink.
Pour l’heure en France, seul Auchan s’est lancé seul dans un service de livraison express sous la forme d’une expérimentation à Bordeaux. Pour les entreprises de livraison, ces partenariats permettent de s’approvisionner en produits et de profiter parfois d’un espace dans les réserves des magasins existants pour préparer les commandes. « On n’a pas à construire des entrepôts, ce qui nous fait économiser pas mal », indique Henri Capoul, PDG de Cajoo, associé avec Carrefour. Pour les grandes surfaces, c’est une manière de tremper un orteil dans le marché du « quick commerce », sans trop se mouiller. Mais à terme, « il est clair que les distributeurs alimentaires ne peuvent pas se contenter d’un rôle de grossiste », soutient Clément Genelot, spécialiste de la distribution pour Bryan, Garnier & Co.
Cette solution risque en effet d’obliger les applications à relever les prix pour conserver une commission et donc à perdre des clients. Les parts de marché à conquérir ne sont pas phénoménales: selon Clément Genelot, la livraison rapide à domicile pourrait représenter au maximum « 2 à 4% » des ventes de produits alimentaires en France d’ici quelques années. Mais l’enjeu reste important car elle séduit surtout le marché urbain, qui représente une part importante de la marge de la grande distribution. Le « quick commerce » entre ainsi en concurrence directe avec les magasins de proximité et pourrait pousser certains à fermer.
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