Altice poursuit un site d’info pour avoir utilisé des données piratées
AFP
La presse peut-elle écrire des articles basés sur des documents volés par des pirates informatiques? La question est au coeur d’une procédure en justice intentée par Altice, le groupe du milliardaire Patrick Drahi, contre le journal en ligne Reflets.
Saisi par Altice en urgence (référé), le tribunal de commerce de Nanterre rendra sa décision le 6 octobre, a-t-il indiqué mardi au terme de l’audience.
Altice demande le retrait de quatre articles publiés par Reflets en septembre et basés sur des documents internes piratés puis mis en ligne en août par le groupe de hackers Hive.
Ces articles, qui ne divulguent pas de détails sur les sociétés d’Altice, évoquent le train de vie de Patrick Drahi, notamment ses déplacements en jet privé. Par ailleurs, l’un d’eux souligne que ce piratage « est un coup dur en termes d’image pour Altice », propriétaire de l’opérateur télécom SFR ou des médias BFMTV et RMC.
Pour l’avocat d’Altice, Me Christophe Ingrain, « Reflets ne s’est pas contenté de relater un événement d’actualité » mais est « le seul site à reproduire (…) des données volées, à servir d’écho aux pirates ».
Selon lui, seul un quart des 141 gigaoctets de données volées a été publié par les pirates sur le darkweb (partie d’internet non référencée par les navigateurs classiques).
Il assure que les pirates veulent ainsi faire pression sur Altice pour le forcer à verser une rançon « de 5,5 millions de dollars », faute de quoi le reste des données sera publié.
« C’est la logique des pirates: plus il y a d’articles, plus la pression est forte sur Altice », a plaidé Me Ingrain, en soulignant que Reflets entendait publier d’autres volets de son enquête.
Pour sa part, l’avocate de Reflets et de sa société éditrice Rebuild, Me Lorraine Gay, a dénoncé « une procédure bâillon », estimant que la demande de retrait « portait atteinte à la liberté d’informer ».
Ces articles participent, selon elle, d’un « débat d’intérêt général sur la façon dont vivent les très riches », au regard notamment « des appels à la sobriété » lancés par Emmanuel Macron ou des polémiques sur l’usage des jets privés.
Cette affaire « relève de la loi sur la presse », a affirmé Me Gay, soulignant que la décision du tribunal de commerce pouvait créer un précédent pour d’autres médias.
Outre cette procédure civile, Altice a déposé une plainte contre X au parquet de Paris.
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