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Galère administrative et prix des colis: le difficile développement de l’e-commerce en Outre-mer

Par Ornella LAMBERTI / AFP

Tricher sur les codes postaux ou ramener des kilos de marchandises dans ses bagages: face aux tarifs dissuasifs de livraison de colis et à la complexité réglementaire en Outre-mer, habitants et entrepreneurs ultramarins rivalisent d’ingéniosité pour contourner un système fiscal qui place les DOM hors des règles de l’Union européenne, une véritable « injustice ».

Zaelle, 34 ans, est huissière et ne dévoilera pas son nom de famille. Sa passion pour les articles de décoration de Maisons du Monde est contrariée car elle habite Mayotte, une destination où l’enseigne ne livre pas « pour des raisons techniques », peut-on lire sur le site.

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« En Outre-mer, la plupart des enseignes (de métropole) n’existent pas et la majorité des sites ne livrent pas », soupire Ingrid Maisonneuve-Chaine, responsable commerciale de Colis Expat, mastodonte de la réexpédition dans le monde et notamment en Outre-mer, grâce à des prix négociés « avec les postes locales ».

Face à ces réticences, les ultramarins se montrent créatifs: « A un moment, on a eu plein de colis avec des 75000 Guadeloupe » (son code postal est le 97100, 75000 étant celui de Paris, NDLR), « c’était inlivrable », explique Sonia Scharfman, directrice de l’unité d’affaires internationales chez Colissimo.

« Il y a une différence de traitement, un problème de continuité territoriale et d’accessibilité au marché », s’insurge la Guadeloupéenne Ingrid Maisonneuve-Chaine.

La méthode permettant de calculer le prix d’expédition, dite du « poids volumétrique », est « incompréhensible » pour le consommateur, selon elle. Illustration: « Un nounours à 15 euros, gros mais (qui pèse un kilo), va vous coûter 20 kilos de frais de port ».

Les sites d’e-commerce rechignent à livrer en Outre-mer, en raison notamment du coût des colis, qui peut être rédhibitoire pour le client. Car la facture monte rapidement: frais d’acheminement, octroi de mer (taxe applicable à la plupart des produits importés en Outre-mer, destinée à protéger les produits locaux), TVA locale et frais de gestion appliqués par les transporteurs pour les opérations de dédouanement et de taxation, à payer à réception.

– « Grand n’importe quoi » –

Cette situation pousse les ultramarins à se faire livrer leurs achats chez un proche en métropole qui les réexpédie en colis simple, comme Zaelle qui « cumule les commandes jusqu’à constituer un carton ».

En effet, les envois de colis entre particuliers de l’Hexagone vers l’Outre-mer ne sont taxés qu’à partir de 205 euros, une franchise qui sera même relevée à 400 euros au 1er avril, sous la pression de parlementaires ultramarins.

Pour les envois commerciaux, cette franchise s’applique en revanche dès 22 euros.

Face à ces problématiques, l’entreprise Voyey, cofondée par Malik Disa, a choisi de maîtriser la chaîne de A à Z pour proposer au client une solution clé-en-main: achat, expédition et livraison du produit à domicile en Guadeloupe.

Malgré ces difficultés, certaines plateformes et entreprises persistent à livrer en Outre-mer, comme Cdiscount via un partenariat avec Colis Expat, ou encore Showroomprivé.

Mais les ventes Outre-mer de Showroomprivé ont beaucoup reculé fin 2021- début 2022, au moment où une évolution législative a encore alourdi le prix du colis en confiant aux transporteurs la charge d’assumer eux-mêmes les opérations de dédouanement et de taxation.

Certaines enseignes ont fait des choix radicaux, à leurs propres dépens, au nom de la continuité territoriale: parce que « les DROM-TOM font partie intégrante de la France », le Slip Français a ainsi choisi de livrer « à perte », prenant en charge une partie des frais de transport, explique l’entreprise à l’AFP.

Les consommateurs interrogés par l’AFP regorgent d’histoires de colis arrêtés aux douanes, « du grand n’importe quoi », selon Dominique Arnold Baille, 63 ans, cheffe d’entreprise qui a vécu 25 ans à Mayotte et qui a dû, par exemple, payer 45 euros supplémentaires pour des salières commandées sur Internet.

Les e-commerçants français « font plus facilement du business avec les 27 (de l’Union européenne) qu’avec les DOM », déplore Gonzague Sens, directeur Antilles-Guyane de DHL Express.

Il tempère toutefois: la vente en ligne « se développe quand même », tirée par la demande des consommateurs. « Les gens, en achetant sur Internet lors du Covid, ont pris conscience qu’ils pouvaient tout de même faire de bonnes affaires par rapport au marché local », estime-t-il.

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