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Ask A VC : qu’est ce qu’une bonne présentation investisseur ?

par Rodrigo Sepulveda Schulz, Investor. Advisor. Board member.

Le document standard utilisé pour communiquer une opportunité d’investissement dans votre projet (si celui-ci est très précoce) ou votre entreprise (une fois celle-ci constituée) est une présentation. Vous pouvez la partager au format Google Slides, Apple Keynote ou Microsoft PowerPoint, mais le plus souvent au format Adobe PDF.

Je vous conseillerais d’éviter d’envoyer un lien DocSend sans option de téléchargement : c’est normal que vous souhaitiez voir combien de temps un investisseur en capital-risque passe sur chaque diapositive, mais les investisseurs ont tendance à stocker tous les documents dans un système centralisé de gestion, et ils peuvent souhaiter une copie de votre document pour le partager en interne, pour le comparer avec une version précédente d’un tour précédent, et en effet peut-être ne pas vouloir partager ces statistiques avec vous.

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L’objectif d’un deck est d’obtenir une réunion en face à face (de visu ou en vidéo) avec un investisseur. Il ne devrait pas être votre biographie complète; vous aurez amplement le temps de détailler à l’investisseur plus tard toutes les complexités de votre projet. Cependant, vous devez transmettre suffisamment d’informations pour lui donner l’envie de vous rencontrer et d’explorer l’opportunité plus avant. Habituellement, cette décision est basée sur un ensemble limité de critères :

  • vous correspondez à la thèse d’investissement de l’investisseur (par exemple, vous dirigez une startup qui offre une solution de décarbonisation et vous parlez à un fonds ClimateTech)
  • vous répondez à leurs critères d’investissement (par exemple, vous leveé 1 million, ce qui convient à un fonds en amorçage ou opérez dans la bonne contrainte géographique, lorsque par exemple en Finlande, le principal LP est le Fonds Souverain Finlandais qui exige des investissements locaux)
  • la proposition de valeur est convaincante et correspond à la « sauce magique » (magic sauce) supposée de l’investisseur.

Alors, comment structurer votre présentation ?

A nouveau, comme parfois dans le capital-risque, il n’y a pas de réponse définitive, et c’est plus de l’art que de la science. Bien sûr, certains entrepreneurs maintenant célèbres ont levé des montants énormes en utilisant des présentations très laides, ou avec un simple livre blanc, mais ils sont l’exception. Mon approche ici a pour seul but d’augmenter vos chances d’obtenir une réunion (ou une deuxième réunion si vous avez déjà fait une présentation orale dans un concours de pitch) avec l’investisseur. Comme corollaire, cette présentation vous aidera également à structurer votre réflexion et votre entreprise.

Différents investisseurs utilisent différentes approches, et chacun aura une opinion différente à ce sujet. J’ai vu plus de 14.000 présentations au cours des dernières années et j’ai développé cet outil pour analyser rapidement une opportunité d’investissement dans ma tête. Dit autrement, lors d’un pitch, je coche silencieusement une case à côté de chaque élément dans ma tête, puis pose des questions sur les sections manquantes.

De fait, lorsque vous faites un présentation, vous proposez d’échanger une partie de votre capital contre de l’argent. C’est une opportunité de transaction. Ce que vous ne devriez pas faire, c’est d’essayer de justifier que vous avez un marché, ou expliquer à quel point votre produit est génial, avec toutes ses fonctionnalités. Nous n’avons pas besoin de votre manuel d’utilisateur! La plupart des entrepreneurs passent 90 % de leur temps à faire les deux dans leurs pitchs, ce qui est contre-productif.

Ce que vous devriez essayer de faire, c’est amener l’investisseur à penser qu’une partie de son argent devrait aller dans votre entreprise parce qu’elle générera une plus-value, dans des conditions de risque contrôlées. Par conséquent, vous devez, à mon humble avis, aborder ces 4 sections :

  • Marketing
  • Finance
  • Opérations
  • Transaction

Chaque section est aussi importante que l’autre, donc attendez-vous à passer 25 % de votre temps disponible sur chacune. Si vous obtenez 5 minutes de temps de parole, alors prévoyez 1 minute pour chaque partie, avec un peu de marge supplémentaire sur chaque section. Si vous obtenez 20 minutes lors d’une réunion ultérieure, alors ce sera 5 minutes sur chaque section.

Je structure généralement chaque section en 3 diapositives, ce qui signifie que vous pouvez raconter votre histoire en 12 diapositives (ajoutez 1 dispositive si nécessaire ici et là, mais vous devriez garder votre présentation globale à environ 15 diapositives).

J’utilise des numéros dans ma tête pour chaque diapositive, de sorte que je puisse m’y référer très facilement par ce numéro. Comme le dirait Philip Kotler pour une publicité, il doit toujours y avoir une promesse et une justification ; et les investisseurs parcourent très rapidement les decks. Par conséquent, assurez-vous d’écrire ce que vous voulez dire dans le titre de la diapositive ; si je ne devais lire que les titres, je devrais comprendre tous les messages et non pas les deviner. Utilisez le reste de la diapositive pour des informations de soutien (la justification). Par exemple, dans la diapositive de l’équipe, n’écrivez pas « Équipe » dans le titre. C’est une perte d’espace, et cela ne transmet rien. Dites « Nous nous lançons avec une équipe hors-pair de 3 doctorants en IA des meilleures Grandes Ecoles françaises avec une expérience préalable chez Google et dans les laboratoires de recherche en IA de Meta ».

Marketing

  • Proposition de valeur : quel est le marché (TAM/SAM = Total Addressable Market / Serviceable Addressable Market = marchés adressables/au service totaux), croissance du marché, segments de clients cibles, et problématique (le fameux pain) que vous essayez de résoudre ? Ceci devrait être une phrase simple : <entreprise> vise à résoudre cette <problématique> pour ces <futurs clients> sur un marché de <taille>, qui croît de <%> par an. Vous pouvez ajouter la “Sauce Magique” ici ou attendre la diapositive suivante. Exemple : “Google fournit des opportunités publicitaires traçables et ciblées pour les marques et les entreprises sur un marché de plus de 360 milliards de dollars, en croissance de 15 % par an (avec un algorithme d’indexation propriétaire)”.
  • Solution : c’est là que vous parlez de votre réponse à la problématique décrite précédemment. Une capture d’écran (pour montrer que le produit existe) ou un petit lien vidéo est acceptable. Vous pouvez même inclure des informations sur la feuille de route future : voici ce que nous avons à venir avec la V2, puis la V3.
  • Concurrence : avant que vous ne proposiez votre solution, comment le marché gérait-il le problème ? Pourquoi votre solution est-elle meilleure que la leur ? (les VCs tendent à aimer une solution 10 fois meilleure). Votre approche est-elle défendable dans le temps (disons 5–10 ans), c’est-à-dire, avez-vous un avantage concurrentiel durable ? Méfiez-vous de tous les quadrants de type Gartner où les startups se retrouvent toujours en haut à droite : cela n’apporte aucune information; et ne faites pas non plus des tableaux avec une liste de fonctionnalités, car le meilleur sur le table dépend toujours du choix de fonctionnalités. Rappelez-vous que vous êtes également en compétition dans le temps, et que la trésorerie est reine. Ajoutez les montants que les concurrents ont levé auprès de VCs de premier plan dans d’autres géographies, et les tailles comparatives de votre entreprise (par exemple, si vous lancez une nouvelle solution CRM, comment vous comparez-vous au géant Salesforce ou au plus petit Pipedrive ? g2.com vous aidera avec l’analyse).

Finance

  • Modèle d’affaire. Rappelez-vous, il ne s’agit pas du tarif de votre solution. Vous devez inclure les coûts directs et, par conséquent, calculer vos marges unitaires. Voir cet article. Ce qui est important ici, c’est de comprendre que chaque vente supplémentaire ajoutera une marge contributive supplémentaire, qui multipliée par la quantité, à un certain point vous permettra de couvrir les coûts fixes et vous permettre de devenir rentable.
  • Prévisions financières. J’aime voir 5 ans de revenus et de résultat net (mieux encore si vous montrez les prévisions de trésorerier). Pourquoi ? Parce que cela montre que vous avez fait vos devoirs, montre votre ambition en termes de revenus (et par conséquent de part de marché ciblée), et montre les hypothèses du modèle, de sorte que l’investisseur et l’entrepreneur aient maintenant une base de discussion. J’ai écrit une série en 6 parties sur comment modéliser un compte d’exploitation très facilement.
  • Analyse des risques : les meilleurs entrepreneurs comprennent leurs principaux risques, gardent un œil dessus, et réfléchissent à des moyens de les atténuer. Vous pouvez utiliser le cadre PESTEL, mais idéalement, réduisez cela à vos principaux risques : faire évoluer l’entreprise techniquement (rappelez-vous la baleine de Twitter ?), les problèmes juridiques (pensez à Uber), la concurrence (pensez aux trottinettes Lime), etc. Ce que vous ne savez probablement pas, c’est qu’un VC écrit un mémo d’investissement en interne et qu’il doit remplir la section des risques. Aidez-le avec votre analyse !

Opérations

  • Équipe : super de voir tous les logos des écoles, des employeurs précédents, et de belles photos. Parfois, vous obtenez même des organigrammes complets ! Mais ce que j’aime voir ici, c’est pourquoi cette équipe est qualifiée pour exécuter sur ce marché, sur cette proposition de valeur. Si vous faites du RegTech par exemple, vous voulez quelqu’un dans l’équipe qui comprend la réglementation. Ou si vous faites de la découverte de médicaments, vous voulez quelqu’un dans l’équipe avec un parcours en pharmacie ou en biologie. C’est là qu’une équipe consultative est utile ; pas juste une liste de noms prestigieux des copains de golf de votre père, mais des compétences qui ne sont pas dans l’équipe opérationnelle, et des personnes disponibles avec du temps libre pour aider sur le projet. J’aime aussi voir une indication sur qui manque dans l’équipe, et cela montre que l’entrepreneur comprend bien ses besoins.
  • Stratégie de mise sur le marché : amener les gens à vous donner de l’argent pour votre produit ou service est ce qui va développer votre entreprise. Cela s’appelle le revenu. Toutes les autres lignes du compte d’exploitation sont des dépenses, facile à faire quand vous avez de l’argent. Donc, ici, il devrait s’agir d’une discussion sur la façon dont vous pensez que vous allez trouver, atteindre et convaincre les gens, les entreprises et les gouvernements de vous donner de l’argent. Certaines des meilleures présentations montrent les tests qui ont été faits avec différents canaux, les coûts d’acquisition de clients, les taux d’attrition, etc. C’est aussi l’occasion de montrer comment vous réfléchissez à cela. C’est d’une importance capitale.
  • Technologie et processus. La plupart des investisseurs avec lesquels vous parlez vont être des investisseurs en technologie. Pourtant, la plupart des présentations ne discutent jamais de la technologie. Ici, vous pouvez présenter votre stack technologique. Expliquez si vous construisez une équipe interne (mieux) ou si vous sous-traitez. Comment vous pensez à l’évolutivité si l’activité décolle (pensez cloud), ou à la cybersécurité (confidentialité des données, sauvegardes, résistance aux attaques de type DoS). Vous pouvez également parler des processus (chaîne d’approvisionnement par exemple) impliqués dans la réalisation de votre proposition de valeur.

Transaction

  • Ce qui a été fait jusqu’à présent ? De nombreux investisseurs ont des contraintes géographiques. Vous devez dire où vous êtes incorporé. Pour moi, c’est une liste de tout ce que l’entreprise a réalisé jusqu’à ce jour, qui devrait être documenté dans une data room (à partager plus tard pendant la due diligence) : les documents légaux (statuts), contrats avec les employés, avec les clients, lettres d’intention, protection de la propriété intellectuelle, versions du produit, etc. C’est facile, c’est comme une photo de tout ce dont j’achète une part, une photo du passé.
  • Offre de transaction : indiquez clairement combien vous cherchez à lever (voir cet article sur combien lever), et quelle est votre valorisation attendue (voir cet article ; elle sera probablement contestée par l’investisseur principal qui fixe les conditions, mais cela facilite la discussion), et l’instrument proposé (note convertible, SAFE, part du capital, dette…). Indiquez le calendrier prévu (voir cet article). Décrivez l’utilisation prévue des fonds (elle devrait venir comme un pourcentage des dépenses dans votre compte d’exploitation. Gardez à l’esprit que vous levez tous les 18–24 mois, donc vous n’avez besoin d’argent que jusque-là). Expliquez très clairement les objectifs que vous essayez d’atteindre, ou les hypothèses que vous essayerez de prouver pendant ce temps avec cet nouvel argent.
  • Pourquoi maintenant ? C’est le call to action. Je ne donnerai pas d’exemples ici, mais cela pourrait être un résumé de tout ce qui précède. Que vous soyez à court d’argent n’est pas une bonne raison. Que vous ayez du mal à financer votre fonds de roulement par exemple (trop de commandes que vous ne pouvez pas satisfaire) est bien meilleur, ou que vous vous en sortiez bien dans l’exécution de votre plan d’affaires, mais avec plus d’argent, vous pourriez exécuter plus rapidement sur un scénario de forte croissance est également une bonne raison.

Et voilà. Cela peut sembler beaucoup d’informations à transmettre en 5 minutes, mais en réalité, c’est très faisable. Si vous parvenez à le faire, vous transmettez une proposition d’investissement très convaincante, et sans aucun doute, vous devriez obtenir une autre réunion si vous correspondez aux critères d’investissement de l’investisseur. Cela nécessite cependant BEAUCOUP de préparation, ce qui signifie que vous aurez fait vos devoirs. Cela vous oblige à remettre en question toutes vos hypothèses et à construire une présentation solide et bien fondée.

Comme je l’ai dit plus tôt, il existe de nombreux cadres différents. Le modèle de présentation Sequoia est célèbre et est également disponible sur leur site web. Si je compare mon approche en utilisant les numéros de mes diapositives :

  • Objectif de l’entreprise > 1
  • Problème > 1 (Je ne les sépare pas, mais j’ai l’option d’une diapositive supplémentaire ici et là)
  • Solution > 2
  • Pourquoi maintenant > 12
  • Potentiel du marché > 1
  • Concurrence/alternatives > 3
  • Modèle d’affaires > 4
  • Équipe > 7
  • Finances > 5
  • Vision > 1

Dit autrement, Sequoia insiste un peu plus sur ma diapositive 1, divisée en 3, et ensuite nous nous correspondons presque. Ils n’ont pas 6) Risques, 8) Stratégie de mise sur le marché (GTM), 9) technologie/processus, 10) Ce qui a été fait jusqu’à présent. Et bien qu’ils ne le mentionnent pas, ils ont probablement besoin d’une diapositive 11) concernant la transaction quelque part.

Fabrice Grinda chez FJ Labs utilise un autre cadre. Gardez à l’esprit qu’il a investi dans plus de 1000 entreprises, principalement des places de marché, à tous les stades avec une préférence pour les stades précoces. Il utilise 4 critères principaux, et son modèle de Mémo d’Investissement est cependant très détaillé :

  • Aimons-nous l’équipe ? > 7, 10
  • Aimons-nous l’entreprise ? > 1, 2, 3, 4, 5, 8
  • Les termes de la transaction sont-ils acceptables ? > 11
  • L’entreprise est-elle en ligne avec notre thèse ou la direction du monde ? (cela n’a rien à voir avec votre présentation).

Cela montre la diversité des approches lors de la préparation d’une présentation pour les investisseurs. Chaque investisseur ou société de capital-risque peut privilégier des aspects différents du business model ou de la proposition de valeur. Cela souligne l’importance d’adapter votre présentation en fonction de l’investisseur cible tout en conservant une structure claire et persuasive qui met en avant les forces de votre entreprise. Vous pouvez jouer avec les annexes pour cela.

Crédits: chaîne ‘Raw Startup’ sur Youtube

Heini Zachariassen, le fondateur de Vivino, propose une approche intéressante pour la structure de la présentation ultime, comme il le partage dans sa vidéo. Voici sa structure:

  • Motivation > 1 ;  je n’ai pas vraiment ce point sur ma structure, mais je pose souvent la question à l’oral
  • Problème > 1
  • Solution/produit > 2
  • Traction > 8,10.
  • Marché > 1
  • Modèle d’affaires/revenu > 4.
  • Équipe > 7.
  • Stratégie de levée de fonds et objectifs > 11.

Vous devriez avoir à présent suffisamment de données pour construire une présentation convaincante. Le niveau de détail et l’importance de chaque section change évidemment avec le tour (amorçage ou croissance), mais les fondamentaux sont là.

Je fais du conseil pour des entreprises et des startups, et les aide à aborder des questions comme celle-ci et bien d’autres. N’hésitez pas à me contacter sur www.rodrigosepulveda.com.

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