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Dernière ligne droite vers la naissance d’un traité décrié contre la cybercriminalité

Par Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS / AFP

Les Etats membres de l’ONU se réunissent à partir de lundi pour finaliser un traité international de lutte contre la cybercriminalité, fustigé à la fois par les défenseurs des droits humains et les grandes entreprises de la tech.

Cette future « Convention des Nations unies contre la cybercriminalité » est née d’une initiative de la Russie qui en 2017 avait transmis au secrétaire général de l’ONU une lettre contenant un projet de traité dans ce domaine.

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Deux ans plus tard, malgré l’opposition notamment des Etats-Unis et des Européens, l’Assemblée générale des Nations unies créait un comité intergouvernemental chargé de la rédaction de ce traité.

Mais après sept sessions de négociations, les critiques pleuvent sur le projet de texte qui devrait être soumis à l’approbation des Etats membres à l’issue de cette ultime réunion de deux semaines à New York.

Si la dernière version « comporte quelques améliorations », le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme « reste inquiet concernant d’importantes lacunes, de nombreuses clauses ne respectant pas les normes internationales en matière de droits humains ».

« Ces lacunes sont particulièrement problématiques dans le contexte d’une utilisation déjà large des lois contre la cybercriminalité existant dans certaines juridictions pour restreindre excessivement la liberté d’expression, cibler les voix dissidentes et interférer de façon arbitraire avec le caractère privé et anonyme des communications », écrit l’instance onusienne dans un document soumis aux délégations.

Le projet de texte vise à « combattre plus efficacement la cybercriminalité » et à renforcer la coopération internationale en la matière, citant notamment la pédopornographie ou le blanchiment d’argent.

Mais ses détracteurs dénoncent un périmètre bien plus large, trop large, reflété par son sous-titre « infractions commises au moyen de systèmes d’information et de communication ».

Le texte pourrait forcer les autorités des pays signataires à « faciliter les enquêtes liées à l’homosexualité, aux critiques contre un gouvernement, au journalisme d’investigation, à la participation à des manifestations ou aux lanceurs d’alerte à partir du moment où l’infraction est punissable de quatre ans de prison ou plus par les lois nationales du pays qui en fait la demande », a dénoncé la patronne de l’ONG Human Rights Watch, Tirana Hassan.

 

– « Surveillance mondiale » –

 

« On ne doit pas se tromper, le traité présenté à l’ONU pour adoption n’est en fait pas du tout un traité contre la cybercriminalité. Il ressemble plutôt à un traité de surveillance mondiale », a-t-elle déclaré à la presse.

Alliance inhabituelle, cette position est partagée par les grandes entreprises de la tech, comme Microsoft qui dit préférer « pas d’accord plutôt qu’un mauvais accord ».

« Il y a besoin de plus de coopération sur la cybercriminalité, pour la plupart des Etats, en particulier les pays en développement », a reconnu auprès de l’AFP Nick Ashton-Hart, qui mène à ces négociations la délégation de l’organisation Cybersecurity Tech Accord, rassemblant plus de 100 entreprises du secteur.

Mais pour lui, cela pourrait se faire via la Convention de Budapest sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe ou la Convention de l’ONU contre la criminalité transnationale organisée.

Alors sans amélioration substantielle, son organisation appellera les Etats à ne pas signer ni ratifier le traité.

« Et les Etats démocratiques peuvent s’attendre à l’opposition du secteur privé, sur la même ligne que la société civile, si on en arrivait à une ratification au niveau national », a-t-il mis en garde.

La Russie a elle défendu sa vision du texte. « Une attention excessive portée aux dispositions de la convention relatives aux droits de l’Homme nuira considérablement à la coopération internationale et bloquera en fait les travaux sur la coopération entre forces de l’ordre des Etats », a écrit la délégation russe, accusant les Occidentaux de se servir de cette question pour « politiser les discussions ».

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