Environnement et digital : une transformation imposée, plus que choisie, pour les entreprises françaises
Si 31% des PME et ETI françaises perçoivent un intérêt stratégique à conjuguer enjeux environnementaux et IA, la majorité des entreprises – 69% – n’y voient pas de bénéfice économique clair. Ce chiffre, issu du premier Observatoire FITT, révèle une réalité peu évoquée : la transformation écologique et digitale reste davantage une contrainte imposée par les normes qu’un véritable levier de compétitivité.
L’absence de valeur perçue, un frein économique
L’étude, réalisée par OpinionWay pour le FITT, met en lumière un constat souvent occulté : pour la majorité des entreprises, intégrer l’environnement à la transformation IA/digitale n’apporte pas d’impact économique direct et mesurable. Si certaines initiatives émergent (traçabilité, collecte de données), elles sont plus souvent pilotées par des obligations réglementaires (comme la CSRD) que par une logique de création de valeur.
- 31% des entreprises déclarent un intérêt stratégique, mais ce chiffre cache une autre réalité : seules 6% structurent réellement des actions environnementales avec une ambition économique.
- Côté digital/IA, 10% atteignent ce stade, un progrès modeste mais qui reste déconnecté de l’environnement.
L’environnement, aujourd’hui, est davantage perçu comme un coût qu’une opportunité.
Des transformations poussées par les normes, non par le marché
Les entreprises interrogées placent les contraintes normatives au cœur de leurs réflexions :
- La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) impose un reporting extra-financier rigoureux, orientant les entreprises vers des pratiques plus responsables.
- D’autres réglementations comme le Pacte vert européen (Green Deal) créent un cadre strict qui impose des investissements souvent considérés comme non prioritaires.
➡️ Dans ce contexte, les entreprises se conforment, mais peinent à percevoir des bénéfices économiques tangibles : la réduction des coûts ou l’amélioration de la rentabilité n’apparaissent pas suffisamment évidentes pour justifier des investissements volontaristes.
Le biais du “court-termisme” : une lecture incomplète
L’étude suggère que l’inertie des entreprises s’explique par une vision court-termiste. Or, cette interprétation occulte un point central : l’absence de retours économiques immédiats sur les investissements environnementaux, couplée à une priorité donnée à des problématiques plus pressantes (inflation, marges, compétitivité).
« Les entreprises ne sont pas court-termistes, elles sont réalistes. Elles priorisent ce qui génère de la valeur aujourd’hui », souligne un expert du secteur.
Pour les dirigeants interrogés :
- Les bénéfices liés à l’environnement et à l’IA restent encore hypothétiques ou indirects.
- La convergence des deux sujets reste coûteuse, technique, et exige des compétences encore rares.
Une compétitivité tirée par la réglementation, non par l’innovation
Contrairement à d’autres économies européennes, où l’environnement et l’IA sont vus comme des leviers d’innovation (Allemagne, pays nordiques), les PME et ETI françaises évoluent dans une logique défensive et normative. La norme précède l’action, sans que le marché n’enclenche spontanément la dynamique.
- Conséquence : Les entreprises se conforment pour éviter des sanctions plutôt que pour anticiper des gains.
- Risque : Cette approche minimale pourrait freiner l’innovation et maintenir un retard compétitif sur les marchés où l’environnement et la tech génèrent de nouveaux business models.
L’Observatoire FITT souligne un fait brutal : l’alignement Environnement x IA n’apparaît pas, pour 69% des entreprises françaises, comme un vecteur naturel de valeur économique. Le moteur principal de la transformation reste la pression normative, au détriment d’une dynamique proactive. Si cette approche sécurise la conformité, elle pourrait à terme freiner l’innovation et priver les entreprises de leviers de croissance essentiels face à la concurrence internationale.
L’Observatoire FITT Environnement & IA a été réalisé avec OpinionWay en avril-mai 2024, à partir d’interviews en ligne administrées auprès de 300 décideurs (100 dirigeants, PDG, DG, DGA ; 100 CDO, DSI, directeurs digital ou IA, et 100 directeurs RSE) d’entreprises françaises de 50 salariés et plus, PME et ETI, de façon représentative, en termes de secteur d’activité et de taille de l’entreprise, en France entière.