
IA : Amazon tente un court-circuit face à Nvidia, une piste à investiguer en Europe ?
Amazon s’attaque à un monopole. Avec son Trainium 2, le géant du cloud tente de réduire sa dépendance à Nvidia, dont les GPU dominent le marché du calcul haute performance et de l’IA. L’ambition dépasse la seule question des semi-conducteurs : il s’agit d’un test grandeur nature de l’intégration verticale comme levier stratégique dans l’industrie technologique. Une approche réplicable ou une exception propre à AWS ?
TL;DR AMAZON OUVRE T ELLE UNE VOIE A SUIVRE FACE A NVIDIA?
Amazon tente de contourner sa dépendance à Nvidia avec Trainium 2, misant sur une intégration verticale extrême plutôt que sur la seule performance des puces.
Son supercalculateur Project Rainier optimise chaque composant pour maximiser l’efficacité du système.
L’Europe, en quête de souveraineté technologique, pourrait-elle s’inspirer de ce modèle ?
Des acteurs comme SiPearl, Atos et OVHcloud ont des atouts, mais l’absence d’une alternative à CUDA freine l’émergence d’un véritable écosystème concurrent.
Pendant ce temps, Nvidia conserve une avance stratégique difficile à rattraper.
Nvidia, un verrouillage technologique difficile à briser
Depuis 2006, Nvidia a imposé CUDA comme standard logiciel du calcul parallèle. Chaque avancée en IA a renforcé ce verrouillage : OpenAI, Anthropic, Google DeepMind et Meta entraînent leurs modèles sur ses GPU, faute d’alternative viable. CUDA ne se limite pas à une interface logicielle : il conditionne l’ensemble des outils et bibliothèques utilisés par la recherche en IA.
Amazon veut briser cette dépendance avec une approche radicale. Plutôt que de miser sur la seule performance brute, AWS joue la carte de l’intégration de bout en bout. Trainium 2 n’a pas vocation à surpasser directement les GPU Nvidia en puissance unitaire, mais à être optimisé dans une infrastructure conçue autour de lui. Project Rainier, le supercalculateur d’Amazon, repose sur une architecture pensée pour maximiser l’efficacité du système dans son ensemble. Chaque composant, du câblage aux algorithmes de refroidissement, est calibré pour exploiter la moindre optimisation possible.
Le lien fondamental entre processeur et code
Un processeur ne fonctionne pas seul : il exécute des instructions définies par le code qui lui est soumis. Chaque architecture de processeur repose sur un jeu d’instructions spécifique (ISA – Instruction Set Architecture), qui définit comment le matériel interprète les commandes logicielles. Dans le cas de l’IA, les accélérateurs comme les GPU Nvidia ou Trainium d’Amazon sont optimisés pour exécuter des calculs massivement parallèles en lien avec les algorithmes d’apprentissage automatique. La dépendance des entreprises à Nvidia ne vient donc pas uniquement de la puissance de ses puces, mais aussi de la compatibilité de son écosystème logiciel (CUDA) avec les modèles d’IA existants. Changer de processeur implique une réécriture ou une adaptation du code, un coût technique majeur qui freine l’adoption d’alternatives.
Une stratégie qui ne peut concerner que les géants du cloud
L’intégration verticale nécessite des investissements massifs. Amazon a racheté Annapurna Labs en 2015 pour concevoir ses propres puces, et son partenariat avec Anthropic montre la manière dont AWS cherche à imposer Trainium. Anthropic, qui utilisait auparavant des Google TPUs et des GPU Nvidia, a accepté de former son prochain modèle Claude sur Trainium 2. Mais cette transition ne s’est pas faite naturellement : Amazon a investi 8 milliards de dollars dans la startup.
D’autres acteurs peuvent-ils suivre cette approche ? Seuls Google et Microsoft disposent des ressources nécessaires. Google a déjà amorcé cette stratégie avec ses TPUs, qui équipent ses centres de données et servent à entraîner les modèles de DeepMind. Microsoft, de son côté, dépend encore fortement de Nvidia mais finance en parallèle des alternatives avec AMD et sa propre puce Maia. En revanche, pour des entreprises de taille intermédiaire, une telle intégration reste hors de portée.
L’Europe et la France peuvent-elles répliquer ce modèle ?
L’Europe tente de rattraper son retard avec des initiatives comme le projet EU Chips Act, qui vise à développer une filière souveraine de semi-conducteurs. Siemens, STMicroelectronics, et ASML sont des acteurs clés de cette industrie, mais aucun ne possède l’intégration verticale d’Amazon. Atos, via sa branche Bull, tente d’imposer ses supercalculateurs mais sans une alternative à CUDA, la compétition reste limitée.
En France, SiPearl développe le processeur Rhea pour le calcul haute performance, destiné au supercalculateur européen. Cette approche, soutenue par l’Union Européenne, pourrait être un premier pas vers une alternative continentale à Nvidia. Cependant, l’absence d’un écosystème logiciel comparable à CUDA rend difficile l’adoption massive de ces solutions. OVHcloud pourrait jouer un rôle clé en intégrant ces technologies dans son infrastructure cloud, mais l’écosystème doit encore se structurer.
Vers une souveraineté technologique des États ?
Les ambitions d’Amazon s’inscrivent dans une tendance plus large : la volonté de plusieurs nations de réduire leur dépendance aux semi-conducteurs étrangers. L’Europe et les États-Unis cherchent à relocaliser la production de puces et à favoriser des solutions alternatives à Nvidia. L’exemple d’Amazon pourrait servir de modèle aux initiatives publiques visant à créer un écosystème souverain.
Toutefois, l’avance de Nvidia reste très importante. Même si Amazon parvient à imposer Trainium dans certains usages, la majorité des modèles IA vont continuer à s’appuyer sur CUDA dans les mois voire années qui viennent.
La bataille ne se joue donc pas seulement sur la performance des puces, mais sur la capacité à remodeler un marché dominé par un quasi-monopole. Amazon ouvre une brèche. Reste à voir si d’autres sauront s’y engouffrer.
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