
FOMA vs FOMO : comment la surinformation altère notre capacité d’analyse
Hard Reset : pour en finir avec les mythes de la tech
La peur de rater une opportunité (FOMO – Fear of Missing Out) a longtemps guidé les décisions des dirigeants. Aujourd’hui, une nouvelle peur s’est installée, plus diffuse, plus pernicieuse : celle de manquer quoi que ce soit. C’est le règne du FOMA – Fear of Missing Anything.
Dans un environnement saturé d’informations, d’alertes, de signaux contradictoires, le risque n’est plus de rater une innovation. Le risque, désormais, est de perdre la capacité de choisir.
L’intelligence stratégique asphyxiée par l’excès de signaux
Les dirigeants et décideurs ne manquent ni de données, ni d’analyses, ni de tableaux de bord. Ce qui leur fait défaut, c’est l’espace mental nécessaire à la structuration d’une reflexion de fond. À force de vouloir tout surveiller – chaque avancée technologique, chaque pivot concurrent, chaque débat réglementaire – ils deviennent incapables de hiérarchiser l’essentiel.
La surcharge informationnelle crée une forme de trouble du comportement temporaire . L’attention est happée par l’urgent, le visible, le micro-conflit. Les signaux stratégiques profonds sont noyés dans un flux permanent de nouveautés superficielles.
De la réaction permanente à la perte d’initiative
Ce contexte favorise une posture défensive. On ne décide plus : on absorbe, on commente, on réagit. Les organisations itèrent sans fin, mais n’innovent plus. Elles adaptent leurs processus, sans remettre en question leurs modèles. Elles adoptent des outils, sans clarifier leur cap.
Cette dynamique est particulièrement visible dans les entreprises technologiques, où chaque semaine apporte une nouvelle plateforme, un nouveau modèle, un nouvel acteur disruptif. Plutôt que de penser les conséquences à dix ans, on ajuste les roadmaps à trois mois.
Le confort du bruit, l’évitement du choix
Le FOMA n’est pas seulement un symptôme. C’est un mécanisme d’évitement stratégique. Plus une organisation est saturée de signaux, plus elle peut justifier l’indécision. On ne tranche pas, parce que “tout peut changer demain”. On ne priorise pas, parce que “on ne sait jamais ce qui va sortir la semaine prochaine”.
Ce raisonnement entretient une forme de dépendance à l’alerte, où la veille remplace l’arbitrage, et où le commentaire prend le pas sur la construction. Résultat : la stratégie devient une suite de réponses à l’environnement, au lieu d’être une projection volontaire dans le futur.
Reprendre le contrôle par la discipline stratégique
Sortir de cette spirale suppose un effort conscient. Il ne s’agit pas de filtrer plus, mais de filtrer mieux. Il ne s’agit pas d’ajouter des outils de plus, mais de retrouver une hygiène mentale de la décision.
Cela commence par quelques principes simples :
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- Clarifier ce qui est central à long terme, et reléguer le reste à la périphérie.
- Créer des espaces de pensée lente, déconnectés des urgences.
- Accepter que toute stratégie suppose des renoncements assumés.
- Cultiver l’inconfort du flou sans chercher à le combler systématiquement par de l’information.
L’attention est un actif stratégique
Le principal capital d’une organisation n’est pas son accès à la donnée. C’est sa capacité à décider dans l’incertitude. Cela suppose de défendre l’attention contre la dispersion, le cap contre l’opportunisme, la vision contre le réflexe.
La peur de tout manquer est un piège. Ce que l’on risque surtout, c’est de manquer ce qui compte vraiment.
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