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L’IA enrichira une minorité. Et ruinera tout le reste.

L’intelligence artificielle ne sauvera pas l’économie. Elle l’accélère. Et ce dans tous les sens. Les gains de productivité sont réels, massifs, mesurables. Mais ils s’ajoutent à un modèle budgétaire et social qui, lui, est déjà hors-sol.

Trop de décideurs confondent progrès technique et progrès économique. Or l’IA n’est pas une solution. C’est un amplificateur. Elle enrichira ceux qui y sont préparés. Et précipitera les autres — États, classes moyennes, systèmes sociaux — dans une déstabilisation brutale.

Une économie qui se passe de l’humain

La boucle vertueuse travail → revenu → consommation est en train de se rompre. Les entreprises les plus avancées n’embauchent plus. Elles automatisent. Elles ne cherchent pas à “créer des emplois IA”. Elles veulent réduire les coûts, industrialiser les processus cognitifs, verrouiller leur chaîne de valeur.

La productivité augmente, mais sans redistribution. Pire : elle élimine la nécessité de redistribuer. On produit plus… avec moins de gens.

Or le capitalisme sans travail, c’est une contradiction. Si les salariés deviennent une variable d’ajustement remplacée par des modèles, qui finance la demande ? Qui paie les cotisations ? Qui alimente les systèmes de retraite, de santé, d’assurance ?

Des états insolvables face à des entreprises hyper-rentables

Pendant que les entreprises rationalisent, les États s’endettent. En France comme aux États-Unis, les déficits explosent. Les dépenses sociales montent. Les recettes fiscales stagnent.
La base imposable — les salaires — se contracte, alors que les besoins publics augmentent : vieillissement, précarité, désindustrialisation, transition écologique, instabilité géopolitique.

Les modèles IA sont détenus par des acteurs privés mondialisés. Leurs bénéfices sont extraterritoriaux, opaques, difficilement taxables. Pendant ce temps, les États nationaux assument seuls les coûts sociaux d’une transition technologique qu’ils ne contrôlent pas.

Ce n’est pas une crise. C’est une transition de régime.

Il faut arrêter de croire qu’on vit une “révolution technologique” au sens classique. Ce n’est pas une nouvelle phase industrielle. C’est une véritable rupture historique.

Dans les précédentes transitions (énergie, numérique, automatisation), les gains de productivité étaient diffusés par l’emploi, les infrastructures, la consommation de masse. L’IA fait sauter ce schéma : les outils sont légers, distribuables, peu dépendants du tissu local. Leur efficacité repose sur la centralisation des données, des compute et des modèles.

C’est une économie sans friction. Sans bras. Sans frontière. Mais aussi, sans équilibre.

Le vrai sujet : le contrat social est en train de s’effondrer

Le contrat implicite du XXe siècle reposait sur une promesse : si vous travaillez, vous aurez accès à un certain niveau de sécurité économique. Or ce contrat est en train d’être dissous par les dynamiques technologiques — IA en tête — sans que personne ne le remplace.

L’école et l’enseignement supérieur sont en retard. Les politiques fiscales sont obsolètes. Les débats publics sont à contretemps. Et les classes moyennes décrochent — non pas faute de talent, mais faute de visibilité sur leur place dans cette économie nouvelle.

La question n’est plus : que peut faire l’IA ? Mais : que fera-t-on du monde qu’elle produit ?

Il est temps d’arrêter de fantasmer l’IA comme un miracle économique. Elle n’apporte pas l’équilibre. Elle exige de le reconstruire. Si l’on continue à penser croissance en haut et austérité en bas, productivité privée et dette publique, automatisation sans redistribution, alors on aura la réponse à la question posée : oui, l’IA enrichira une minorité. Et ruinera tout le reste.

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