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Devoxx France 2025 : les 5 idées que tout CTO devrait intégrer dans sa roadmap

La dernière journée de Devoxx France a livré une série de conférences denses, mêlant prospective technologique, géopolitique des infrastructures et remise en question des mythes fondateurs de l’intelligence artificielle. Cinq interventions majeures se distinguent, offrant aux directeurs techniques une grille de lecture utile pour penser leur roadmap 2025-2028.

1. Démystifier l’IA : une machine probabiliste, pas une entité autonome

Le Dr Luc Julia, co-créateur de Siri et directeur scientifique de Renault, a ouvert la session avec une prise de position sans ambiguïté : « L’intelligence artificielle n’existe pas. » Pour lui, l’IA reste une technologie d’optimisation statistique, incapable de compréhension au sens humain. Même les systèmes les plus performants, comme les LLMs, « n’atteignent qu’une pertinence de deux tiers ».

Julia exhorte les directions techniques à ne pas céder aux récits alarmistes ou messianiques. L’enjeu, selon lui, est de réintégrer l’humain dans la boucle, en privilégiant des systèmes transparents, explicables, et au service d’usages métiers concrets. Pour un CTO, cela implique une requalification des projets IA autour de cas d’usage vérifiables et mesurables, loin des promesses générales.

2. Renforcer la souveraineté numérique en redescendant la pile OSI

Dans une conférence remarquée, Ophélie Coelho, spécialiste des politiques numériques, a revisité les sept couches du modèle OSI à travers une lecture géopolitique : du contrôle des câbles sous-marins à celui des données, en passant par les datacentres et les OS. Elle rappelle que la territorialisation des infrastructures est un enjeu de pouvoir durable : « Celui qui contrôle les nœuds de circulation contrôle la souveraineté numérique. »

Ce message implique, pour les CTOs, de relocaliser l’attention stratégique sur les couches basses : choix d’hébergeur, dépendance cloud, maîtrise des OS, résilience réseau. À l’heure où la souveraineté se reconfigure autour de tensions internationales, la dimension physique des infrastructures ne peut plus être reléguée aux achats ou à l’IT.

3. Anticiper la transition quantique, dès aujourd’hui

Fanny Bouton, membre active de l’écosystème quantique français (Quantum Lead & Product Manager at OVHcloud, et co fondatrice de France Quantum), a livré un état des lieux sans ambiguïté : la France est dans le top 3 mondial, avec six projets figurant parmi les dix plus avancés. La révolution quantique ne relève plus de la spéculation : « Les premiers moteurs quantiques seront opérationnels d’ici trois ans. Il faut apprendre à les piloter dès maintenant. »

Son message : créer les conditions d’acculturation immédiate, à travers des simulateurs (type notebooks IBM ou Atos), et mobiliser les équipes techniques – y compris les non-spécialistes – autour de projets de R&D hybrides. Pour un CTO, cela signifie inscrire le quantique dans les priorités de veille, de formation, et de prototypage, sans attendre la “maturité marché”.

4. Maîtriser la guerre des récits : IA et langage comme armes d’influence

Dans une intervention dense, Élodie Laye Mielczareck, sémiolinguiste et analyste des discours, a exposé les quatre niveaux de distorsion entre le langage et la réalité. Le niveau 4 – le plus critique – correspond à une utilisation du langage pour nier le réel. À l’ère des IA génératives, cette mécanique est démultipliée : fake news, narratifs d’influence, bulles de croyance automatisées.

Pour les CTOs, cette analyse appelle une vigilance sur les usages linguistiques automatisés : chatbots, résumés automatiques, voicebots. La question n’est plus seulement technique mais éthique : quels récits nos systèmes produisent-ils ? Et à quelles fins ? Gouvernance algorithmique et validation humaine deviennent des enjeux critiques pour éviter les dérives.

5. Comprendre les modèles de représentation internes des LLMs

Thibaut Géraud, alias Mr Phi, a montré que les LLMs développent des représentations internes du monde. À travers des expériences menées sur le jeu d’échecs, il a démontré que certains modèles atteignent un score ELO de 1800, équivalent à un niveau professionnel, grâce à un prompt unique : « Play as a professional chess player. »

Ce constat bouscule la vision traditionnelle des LLMs comme simples prédicteurs. Ils construisent des “world models”, sorte de mémoire dynamique. Pour un CTO, cela implique de reconsidérer les capacités d’abstraction de ces modèles, mais aussi de s’interroger sur leur traçabilité, leurs biais, et leur potentielle opacité. Le développement de fonctions de visualisation interne ou d’audits de modèles devient crucial.

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