
Meta a-t-il partagé ses technologies d’IA avec la Chine ?
La publication de Careless People, livre révélations de Sarah Wynn Williams, continue de faire apparaitre les petits secrets que Meta n’a pas souhaité voir filtrer.
Lors d’une audition devant le Sénat américain, l’ancienne Directrice des Affaires publiques de Meta, a révélé que l’entreprise aurait partagé des technologies sensibles, telles que la reconnaissance faciale et des outils de censure automatisée, avec les autorités chinoises. Ces révélations ravivent les inquiétudes sur la souveraineté technologique et les compromissions potentielles des Big Tech dans des régimes autoritaires.
Un projet stratégique sous contrôle direct de Mark Zuckerberg
L’audition menée par le sénateur Richard Blumenthal a mis au jour un projet atypique au sein de Meta, « centré comme aucun autre » autour de son PDG. L’ancien Cadre Sarah Wynn Williams affirme :
« C’était un projet dirigé de manière extrêmement centralisée par Mark Zuckerberg. Il a appris le mandarin. Il a voyagé en Chine plus que dans n’importe quel autre pays. Il avait des sessions hebdomadaires en mandarin avec ses équipes. »
Selon ce témoignage, Mark Zuckerberg aurait été informé de tous les risques liés à la coopération avec les autorités chinoises. « C’est inimaginable qu’il n’ait pas été au courant. Le risque était la partie la plus difficile du projet. Rien ne se faisait sans son approbation », a précisé le témoin.
Des technologies testées par le Parti communiste chinois
L’entreprise aurait développé des outils de censure automatisée spécifiquement pour le marché chinois, à la demande des autorités. L’un de ces outils, un « virality counter », permettait d’identifier automatiquement tout contenu atteignant 10 000 vues pour le soumettre à un « chief editor » chargé d’en valider ou bloquer la diffusion.
« Les officiels du Parti communiste testaient l’outil de censure. Ils donnaient leur retour : ‘il faut capturer les images, il faut filtrer celles que nous ne voulons pas voir’. »
Plus grave encore, ces outils auraient été activés non seulement en Chine continentale, mais également à Hong Kong et Taïwan — deux territoires en dehors de la juridiction directe de Pékin.
Hong Kong, Taïwan, Xinjiang : des cibles numériques
Les capacités du « chief editor » allaient bien au-delà de la simple modération. Le responsable désigné par le système pouvait, selon le témoin, « désactiver le service dans des régions entières comme le Xinjiang ou à des dates clés comme l’anniversaire de Tiananmen Square ».
À la question directe du sénateur sur la portée géographique de ces mesures, la réponse fut sans ambiguïté :
« Ils prévoyaient de couvrir Hong Kong et Taïwan. C’est ma compréhension, Sénateur. »
Une dissimulation face au Congrès en 2018
L’affaire met également en lumière de possibles mensonges devant le Congrès. Lors d’une audition en 2018, le sénateur Patrick Leahy avait interrogé Mark Zuckerberg sur l’existence d’outils de censure développés pour entrer sur le marché chinois. Ce dernier avait répondu :
« Facebook étant bloqué en Chine depuis 2009, nous ne sommes pas en position de savoir comment le gouvernement appliquerait ses lois et règlements sur le contenu. »
Or, selon les documents et témoignages récents, la plateforme était en dialogue avec le gouvernement chinois depuis 2014, et avait déjà développé les outils évoqués. « Ce n’était pas exact. Des centaines de décisions avaient été prises d’ici 2018 », a déclaré l’ancien cadre de Meta.
Transfert de technologies stratégiques : reconnaissance faciale et IA
Interrogé sur la possibilité que Meta ait partagé avec les autorités chinoises des technologies avancées, comme des systèmes de reconnaissance faciale ou des modèles d’intelligence artificielle, le témoin a laissé entendre que ce transfert avait bien eu lieu.
« Le plus grand tour de force de Mark Zuckerberg a été d’envelopper le drapeau américain autour de lui en se proclamant patriote, tout en construisant un business de 18 milliards de dollars en Chine. »
Le sénateur Richard Blumenthal conclut :
« Il a brandi le drapeau, tout en divulguant des technologies sensibles qui permettent aux autorités chinoises non seulement de surveiller leurs citoyens, mais aussi de prendre l’avantage sur nous. »
Un précédent lourd pour les ambitions de Meta dans l’IA
Cette affaire survient alors que Meta se positionne comme un acteur majeur de l’IA open source avec ses modèles LLaMA. Mais ces révélations soulèvent des questions fondamentales : jusqu’où une entreprise américaine peut-elle aller pour conquérir un marché ? Et à quel prix en matière de sécurité nationale, d’éthique et de responsabilité ?