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Vers une personnalisation sociale des feeds : l’avenir des algorithmes est-il collectif ?

Instagram a lancé Blend, une fonctionnalité permettant de créer un flux Reels partagé entre amis ou membres d’un groupe. Chaque jour, les contenus sont renouvelés en fonction des goûts de chacun, avec la possibilité de réagir collectivement et de discuter dans les DMs. Derrière ce déploiement, une bascule s’opère : les plateformes testent désormais des logiques de recommandation qui ne sont plus uniquement centrées sur l’individu, mais sur les dynamiques sociales.

Un retour à la recommandation sociale

Longtemps, la performance des plateformes a reposé sur la qualité des algorithmes individuels. YouTube, TikTok ou Instagram ont investi massivement dans des systèmes capables de prédire ce qu’un utilisateur isolé aimerait voir. Cette ère algorithmique a consacré l’ultra-personnalisation, au point d’isoler les utilisateurs dans des bulles de contenu optimisé, mais déconnecté du lien social originel.

Le modèle Blend s’inscrit dans une rupture partielle avec cette logique. Instagram ne demande plus seulement à son moteur de recommandation de plaire à un utilisateur, mais de générer une cohérence de groupe. Il ne s’agit plus uniquement d’efficacité individuelle, mais de créer une expérience collective, où le contenu devient le point de départ d’une interaction.

De l’algorithme solo à l’algorithme social

Le principe n’est pas nouveau. Spotify l’a introduit avec succès avec son propre Blend, en fusionnant les préférences musicales de deux utilisateurs dans une playlist unique, actualisée quotidiennement. L’intérêt n’est pas tant la précision que la découverte mutuelle : chaque interaction devient une fenêtre sur les goûts de l’autre. Cette logique de “recommandation partagée” transforme l’algorithme en interface sociale.

En reprenant ce modèle, Instagram cherche à redonner une valeur relationnelle à ses Reels. Le succès de TikTok a déplacé l’axe de valeur vers la recommandation pure ; Meta réagit en injectant du lien. Blend, à ce titre, opère comme un métabolisme social du contenu : on ne consomme plus seul, on explore à plusieurs.

Le feed collectif comme nouveau format stratégique

La dynamique est doublement pertinente. D’un point de vue d’usage, elle répond à une demande implicite : partager des contenus vus sur les plateformes est devenu une habitude quotidienne, souvent via des captures d’écran ou des liens copiés. Blend internalise cette pratique, en facilitant la co-consommation dans l’environnement natif.

D’un point de vue produit, cela permet de réactiver les DMs comme centre d’attention. Ce canal privé, longtemps resté périphérique, devient ici un point d’entrée vers le contenu, et un espace de conversation contextualisé. En reliant Reels et messages, Instagram crée un couloir d’interaction qui peut renforcer la rétention et ouvrir de nouvelles possibilités de monétisation.

De nouveaux défis algorithmiques

Construire un feed personnalisé pour un individu est un défi résolu. Le faire pour un groupe, en respectant les préférences de chacun tout en assurant une cohérence éditoriale, l’est beaucoup moins. Il ne s’agit plus de maximiser le watch time individuel, mais de proposer des contenus capables de susciter des réactions croisées, des conversations, voire un effet de surprise partagé.

Cela implique une hybridation des systèmes de recommandation : il faut combiner signaux individuels, affinités sociales, historiques d’interactions et capacités d’anticipation collective. Les modèles doivent apprendre à produire des compromis, à équilibrer la représentativité des goûts, et à détecter les contenus à fort potentiel conversationnel. Autrement dit, passer d’un algorithme prédictif à un algorithme connectif.

Une évolution plus large de l’économie de l’attention

Ce mouvement vers la personnalisation sociale s’inscrit dans une tendance plus large. Les plateformes doivent répondre à deux défis simultanés : l’érosion de la confiance dans les algorithmes et la saturation cognitive des utilisateurs. Redonner du sens à la découverte, en la rendant sociale, permet de redynamiser l’expérience sans aggraver la pression attentionnelle.

À terme, cette logique pourrait s’étendre à d’autres formats : des feeds collectifs pour les actualités, des recommandations de films en groupes, ou même des espaces de lecture collaborative. L’avenir de l’algorithme ne serait plus uniquement de prédire ce que je veux voir, mais ce que nous pourrions apprécier ensemble.

Re socialiser l’algorithme

Blend n’est pas qu’une nouvelle fonctionnalité d’Instagram. C’est une tentative de re-socialiser l’algorithme, de faire du feed un espace partagé plutôt qu’un miroir fermé. Si cette dynamique s’impose, elle pourrait redéfinir le design des plateformes de contenu, en faisant de la recommandation non plus une affaire de calcul personnel, mais de relation.

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