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[Expert] Déboguer le logiciel économique français #1 par Olivier Ezratty

Cela fait main­te­nant un mois qu’a démarré la fronde des “pigeons” contre le Pro­jet de Loi de Finances 2013. Une rébel­lion pour le moins ori­gi­nale car elle a réussi à sérieu­se­ment ébran­ler les pro­jets du gou­ver­ne­ment… sans blo­quer quoi que ce soit dans l’économie. Le tout en se repo­sant pour l’essentiel sur le relai des médias numé­riques et sociaux.

Tout est parti du pro­jet d’alignement de la fis­ca­lité des reve­nus du capi­tal sur ceux du tra­vail. Ce PLF a généré une bronca lar­ge­ment jus­ti­fiée de la part d’entrepreneurs et d’investisseurs mais deman­dant tout de même de lire entre les lignes. En effet, comme nous le ver­rons, ce PLF est plus dan­ge­reux par sa com­plexité que par son prin­cipe de base qui n’affecterait dans la pra­tique qu’un tout petit nombre d’entrepreneurs.

Je mets ce débat autour des pigeons en pers­pec­tive dans le cadre de l’exception cultu­relle fran­çaise en matière d’économie. Cette excep­tion est deve­nue un véri­table bou­let qui bloque l’économie dans ce pays et notam­ment sa com­pé­ti­ti­vité. Elle déses­père de nom­breux agents économiques.

La grande ques­tion est : qu’est-ce qui pour­rait chan­ger la donne ? J’ai entendu dire qu’il fal­lait attendre que la crise écono­mique soit encore plus vio­lente pour que les choses changent. Il serait fort judi­cieux d’agir un peu avant !

L’origine de la PLF 2013

L’alignement capital/travail de la fis­ca­lité des reve­nus repose essen­tiel­le­ment sur la thèse d’un livre des écono­mistes Tho­mas Piketty, Camille Lan­dais et Emma­nuel Saez paru en jan­vier 2011 : “Pour une révo­lu­tion fis­cale”.

Révolution-fiscale

Cet ouvrage prô­nait une meilleure pro­gres­si­vité de la fis­ca­lité en fonc­tion des reve­nus. Il est asso­cié à un site web bien fourni d’argumentaires. Il dénon­çait un taux d’imposition mar­gi­nal qui bais­sait avec l’augmentation des reve­nus, du fait du poids de plus en plus élevé des reve­nus du capi­tal dans le revenu des foyers les mieux lotis. Ce taux qui approche les 50% au milieu de la courbe ci-dessous s’explique par les coti­sa­tions sociales patro­nales et sala­riales qui pèsent sur le tra­vail beau­coup plus que l’impôt sur le revenu. Il intègre aussi l’impact de la TVA qui pèse plus lourd chez les ménages qui consomment que chez ceux qui épargnent.

Imposition en France

La solu­tion était toute trou­vée : ali­gner la fis­ca­lité des reve­nus du capi­tal sur ceux du tra­vail. C’en était devenu l’ABCdaire de la révo­lu­tion fis­cale du can­di­dat Hol­lande. Le pro­gramme a été clai­re­ment annoncé par le can­di­dat pen­dant la pré­si­den­tielle, celui-ci annon­çant non seule­ment un ali­gne­ment de la fis­ca­lité du capi­tal sur celle du tra­vail, mais au pas­sage quelques mesures phares comme la taxa­tion à hau­teur de 75% des reve­nus supé­rieurs à 1 m€ par an et par le retour à l’ancien ISF. Bref, le pro­gramme était bien connu à l’avance ! Ce qui est arrivé ensuite n’était pas du tout une surprise !

Gros bémol : la thèse de Piketty – qui est la figure de proue des auteurs du livre – repo­sait essen­tiel­le­ment sur un argu­men­taire chif­fré sur la pro­gres­si­vité de l’imposition. Il fai­sait abs­trac­tion de trois points clés :

  • Le bench­mark inter­na­tio­nal et les effets d’un chan­ge­ment de fis­ca­lité dans un monde écono­mique ouvert.
  • Les sys­tèmes de moti­va­tion fis­caux de l’investissement créa­teur d’emploi. On sait bien qu’ils servent à com­pen­ser leur faible ren­ta­bi­lité en France. Il serait bon de s’en pas­ser mais le cercle ver­tueux est dif­fi­cile à enclencher.
  • La dimen­sion temps de la fiscalité.

Point de PME inno­vantes et d’entrepreneurs dans le bou­quin de Piketty ni d’intégration de la notion de risque dans les dif­fé­rentes formes d’investissement ! Dit autre­ment, c’était une étude “quanti” et pas “quali”. Et qui rai­son­nait comme si l’économie fran­çaise fonc­tion­nait dans un vase clôt.

A l’époque de la paru­tion de “Pour une révo­lu­tion fis­cale”, il y a bien eu des réac­tions notam­ment un article de Elie Cohen et Phi­lippe Aghion. Ils y indi­quaient qu’ “un tel sys­tème peut décou­ra­ger l’innovation et la crois­sance s’il s’attaque aux plus entre­pre­nants et encou­rage la fuite des cer­veaux”. Une réserve vite contes­tée par les auteurs dans leur site, qui relayait cet article. Mais les entre­pre­neurs n’ont pas réagi à cette véri­table bombe à retar­de­ment fis­cale ni même vrai­ment pen­dant les débats de la présidentielle.

Cela s’explique en par­tie parce que les entre­pre­neurs ont pour leur grande majo­rité tenté d’éviter de par­ti­ci­per aux cli­vages poli­tiques. On a bien vu qu’ils avaient rai­son en avance de phase car la révolte des pigeons a été rapi­de­ment dénon­cée comme une mani­pu­la­tion de l’opposition de droite, ce qu’elle n’était pas ! Cer­tains entre­pre­neurs du mou­ve­ment se récla­maient même de gauche. Mais dans l’esprit de cer­tains à gauche, être entre­pre­neur, c’est d’emblée adop­ter la posi­tion de social-traître !

Pour­tant, les emplois sont prin­ci­pa­le­ment créés par les entre­pre­neurs, qu’ils soient issus de star­tups ou de grands groupes, et dans tous les sec­teurs d’activité. Pas par la puis­sance publique ! Et le capi­tal est un des moteurs de cette créa­tion ! On ne peut pas d’un côté dénon­cer la finan­cia­ri­sa­tion de l’économie et d’autre part sur­taxer la par­tie du capi­tal qui est allouée à la créa­tion d’emploi ! Sinon, à la fin, on n’aura ni capi­ta­listes, ni entre­pre­neurs… ni emplois.

Un débat ration­nel et émotionnel

Les grèves de che­mi­nots ou de la RATP n’ont pas tou­jours que les salaires comme ori­gine mais aussi les défi­cits de dia­logue social et de recon­nais­sance. L’histoire des pigeons est à loger à la même enseigne. Il y a certes eu le PLF 2013 et ses consé­quences poten­tiel­le­ment désas­treuses. Mais celles-ci ne concernent qu’une toute petite par­ties des entre­pre­neurs (et inves­tis­seurs) qui réus­sissent. C’était en fait la réus­site écono­mique qui était sym­bo­li­que­ment tuée dans l’œuf par cette PLF 2013 et par d’autres actions du gou­ver­ne­ment. Les reculs du gou­ver­ne­ment ne com­pensent que fai­ble­ment cette symbolique.

On peut même avoir l’impression désa­gréable de remon­ter à la révo­ca­tion de l’Edit de Nantes par le Roi Soleil en 1685 dont l’impact à long terme a été plus écono­mique que reli­gieux en France !

Il faut dire que la dimen­sion émotion­nelle de l’économie est très mal com­prise par nos gou­ver­nants voire même de nos écono­mistes ! Ou plu­tôt, elle est bien com­prise quand il s’agit de se faire élire, mais pas lorsqu’il faut dyna­mi­ser l’économie. Fran­çois Hol­lande avait ainsi bien enfoncé le clou sym­bo­li­que­ment en lan­çant au débotté avec la taxa­tion à 75% des reve­nus supé­rieurs à 1m€, lors d’un débat sur TF1 avant la pré­si­den­tielle. Cette tac­tique élec­to­ra­liste a sur­tout piégé son prin­ci­pal adver­saire, tombé dans le pan­neau de la contes­ta­tion d’un impôt qui ne tou­chait qu’une mino­rité de super-riches, et donc indé­fen­dables ! Le truc a très bien mar­ché. Ce, d’autant plus que Hol­lande disait vou­loir faire cela pour l’exemple car la mesure rap­por­te­rait très peu, envi­ron 200m€. Et encore, cette esti­ma­tion ne tenait pas compte du manque à gagner que la mesure allait géné­rer : moins de cadres à haut reve­nus domi­ci­liés en France, notam­ment dans les grandes entre­prises mul­ti­na­tio­nales et aussi, pro­ba­ble­ment, plus d’exilés fiscaux.

C’était à l’image de l’ISF créé en 1981 et recréé en 1989 après la courte alter­nance chi­ra­quienne et brouillonne de 1986-1988 : une idée en appa­rence socia­le­ment juste mais écono­mi­que­ment des­truc­trice. Un dilemme ingé­rable, y com­pris pour Nico­las Sar­kozy qui n’a appli­qué qu’une tac­tique de démo­li­tion dis­crète de l’ISF. Une tac­tique qui ne lui a pas bien réussi puisqu’il a été de toute manière taxé de pré­sident des riches pen­dant tout son man­dat. Tant qu’à trai­ner un bou­let, il aurait pu être plus courageux !

Loto

Le comble dans ce pays est que la meilleure façon de ne pas être imposé dans les hauts reve­nus est de gagner aux jeux de hasard ! Le hasard est mieux valo­risé que le tra­vail et l’entrepreneuriat dans ce pays ! Les gains des jeux de hasard sont juste sou­mis à envi­ron 5% de CSG. Ils sont certes taxés en amont au niveau de la répar­ti­tion des gains de la Fran­çaise des jeux. Cer­tains argüent du fait que les gains sont déjà des reve­nus du tra­vail qui sont taxés en amont. Mais il en va ainsi de tous les flux écono­miques ! Ce que l’on dépense est de toutes manières taxé autant de fois que l’argent change de main ! Là encore, la sym­bo­lique, rare­ment évoquée, laisse songeur.

Jean-David Chamboredon (ISAI) (6)

L’histoire des pigeons a démarré avec l’article du 29 sep­tembre de Jean-David Cham­bo­re­don (ci-dessus) dans La Tri­bune. Un bon feuille­ton pour­suivi avec diverses prises de posi­tion, comme celles de Pierre Chap­paz et de Jean-Louis Gas­sée. Nous avons aussi eu celles de Patrick Robin jouant sur la recon­nais­sance des entre­pre­neurs, pour l’essentiel jeunes. Et puis la créa­tion d’une fan page Face­book avec des dizaines de mil­liers de sui­veurs. Une page qui vient d’être fermée.

Dans les réac­tions “contre”, on a eu de tout, des cou­ver­tures de Libé­ra­tion défon­çant les recu­lades du gou­ver­ne­ment au mal docu­menté et de bien mau­vaise foi édito­rial d’Audry Pul­var rapi­de­ment kar­ché­risé, jusqu’à l’analyse très fouillée de Rodrigo Sepul­veda publiée dans les blogs des Echos. Dif­fi­cile de se battre contre l’idéologie !

On regret­tera au pas­sage l’imprécision sur les chiffres bran­dis par les contre comme par les pour, sauf dans le cas de Rodrigo Sepul­veda. Ainsi, les 65% de taxa­tion cor­res­pon­dait au pire des cas et n’était qu’un taux mar­gi­nal dont l’application dépend de son revenu total et de son quo­tient fami­lial. Et les belles “sor­ties” en France avec des gains impor­tants sont très rares. Elles ne concernent que quelques dizaines de per­sonnes grand maxi­mum chaque année.

Mais des éléments en appa­rence de détail de la PLF2013 deman­daient abso­lu­ment une cor­rec­tion, et le gou­ver­ne­ment a heu­reu­se­ment reculé. Il fal­lait notam­ment prendre en compte la dimen­sion temps dans la créa­tion de valeur d’une entre­prise. Celle-ci est étalée dans le temps mais se mani­feste lors de la plus-value, lour­de­ment taxée du fait d’un barème pro­gres­sif. Ce simple rai­son­ne­ment devrait obli­ger à reve­nir à un barème fixe dans pas mal de cas, notam­ment pour ceux des entre­pre­neurs qui se payent très mal au démar­rage de leur boite pour dépor­ter leur rému­né­ra­tion sur la plus-value en cas de bonne sor­tie. Au même titre, il ne fal­lait pas péna­li­ser dans l’autre sens les entre­pre­neurs qui arrivent à créer de la valeur rapi­de­ment, en quelques années seulement.

La PLF 2013 est aussi le révé­la­teur d’un autre symp­tôme qui péna­lise le pays : la com­plexité ! La fis­ca­lité y est l’une des plus com­plexes au monde. L’Etat s’en sert pour micro-manager l’économie avec un niveau de détail inégalé. Et la com­plexité aug­mente au lieu de dimi­nuer, mal­gré toutes les bonnes inten­tions. Comme un logi­ciel mal foutu, nous avons un plat de spa­ghet­tis com­plè­te­ment bogué, sans archi­tecte logi­ciel l’ayant conçu et avec des rafis­to­lages de par­tout écrits dans dif­fé­rents lan­gages et tech­no­lo­gies incom­pa­tibles entre eux. Les niches fis­cales ne sont que des pan­se­ments sur une fis­ca­lité qui est à la base mal structurée.

Le coût du tra­vail est trop élevé ? On le rabaisse arti­fi­ciel­le­ment à la fois sur les bas salaires, sur la res­tau­ra­tion et sur les cher­cheurs (CIR). Et on fait peser la charge sur les autres sala­riés. Le pas­sage aux 35h ren­ché­rit le coût du tra­vail ? On abaisse les charges sociales en consé­quence et cela coute envi­ron 20 Md€ (mil­liards) par an de dépenses fis­cales, les fameuses “niches”. Et chaque métier y va du sien pour deman­der la même chose. On parle main­te­nant des salaires com­pris entre un et trois SMIC, là où se situe une plus grosse part de la com­pé­ti­ti­vité alors que les salaires au niveau du SMIC sont plus sou­vent liés à des métiers de ser­vice moins délo­ca­li­sables. Ceux qui demandent la baisse du coût du tra­vail ne demandent pas pour autant une baisse des pres­ta­tions qui vont avec ce coût (santé, chô­mage, vieillesse) !

Sur la PLF 2013, vous avez une belle démons­tra­tion de la com­plexité fran­çaise avec cette com­pa­rai­son entre le PLF 2013 et la taxa­tion des plus-values dans tout un tas de pays occi­den­taux. C’est édifiant ! On est bien loin de la conver­gence fis­cale avec l’Allemagne que Nico­las Sar­kozy sou­hai­tait pro­vo­quer. Enter­rée par l’alternance !

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Avec la recu­lade du gou­ver­ne­ment sur la PLF 2013, nous sommes reve­nus à la rai­son comme le sou­ligne Jean-David Cham­bo­re­don (ici aussi) mais mal­heu­reu­se­ment pas pour les busi­ness angels. Comme nos élus ne com­prennent rien au com­pli­qué cycle de l’innovation, ils ont fait l’impasse sur le finan­ce­ment des star­tups ! Et ce n’est pas nouveau.

On passe fina­le­ment notre temps à se faire très peur avec des déci­sions ineptes de nos gou­ver­ne­ments et à se ras­su­rer alors que l’on revient à la nor­male. Le pro­blème est que la fis­ca­lité est l’arbre qui cache la forêt car même sans celle-ci, il est déjà très dif­fi­cile d’entreprendre en France qui traine de nom­breux bou­lets : règle­men­taires, dans le droit du tra­vail, dans le com­por­te­ment des grands clients, dans les délais de paie­ment, dans la culture d’innovation même, et enfin, dans la struc­ture et le com­por­te­ment de ses élites gouvernantes.

L’étatisation ram­pante du finan­ce­ment de l’innovation

Dans la fis­ca­lité de l’innovation, on peut dis­tin­guer trois notions :

  • La fis­ca­lité à l’entrée qui réduit les impôts (IR ou ISF) lorsque l’on inves­tit dans les PME inno­vantes. La loi TEPA avait per­mis de qua­si­ment dou­bler le nombre de busi­ness angels en France à par­tir de 2008. Mais les évolu­tions à la baisse des taux de déduc­tion IR et ISF et leur pla­fon­ne­ment de plus en plus bas ont créé une décrue.
  • La fis­ca­lité de l’entreprise qui affecte son compte d’exploitation. C’est là que se situent le sta­tut JEI et le CIR qui la réduisent et allègent ainsi les charges de l’entreprise : en abais­sant l’impôt sur les socié­tés et les charges sociales pour le pre­mier et en rédui­sant le coût de la R&D pour le second.
  • La fis­ca­lité à la sor­tie qui concerne les plus-values géné­rées. Plus elle est élevée, moins l’entrepreneur et l’investisseur s’y retrouvent mais sur­tout, moins ils peuvent réin­ves­tir eux-mêmes dans l’écosystème. Comme Marc Simon­cini l’indique, à par­tir d’un cer­tain stade, cela donne envie de faire le busi­ness angel dans un autre pays !

Et puis, il y a les ins­tru­ments directs de l’Etat que sont les prêts, avances rem­bour­sables, sub­ven­tions et autres apports en fonds propres gérés pour la plu­part par Oséo et par la Caisse des Dépôts.

La fis­ca­lité à l’entrée avait été sérieu­se­ment avan­ta­gée avec la loi TEPA-ISF et a ensuite été pro­gres­si­ve­ment rognée dans le cadre des recherches d’économies de dépenses fis­cales pour réduire la dette. La PLF 2013 ne chan­geait pas signi­fi­ca­ti­ve­ment la fis­ca­lité à l’entrée et la fis­ca­lité des entre­prises mais por­tait un coup à la fis­ca­lité de sor­tie. Pas très malin pour encou­ra­ger l’investissement !

La PLF 2013 s’inscrit en fait dans une évolu­tion ram­pante qui ne dit pas son nom : l’étatisation si ce n’est pas la natio­na­li­sa­tion pro­gres­sive du finan­ce­ment de l’innovation. Sous cou­vert de crise finan­cière, l’Etat met la main sur un nombre de leviers de plus en plus impor­tants de ce finan­ce­ment. Cette natio­na­li­sa­tion du finan­ce­ment de l’innovation était déjà bien avan­cée avec les gou­ver­ne­ments pré­cé­dents et les dif­fé­rentes réformes fis­cales et ini­tia­tives genre “grand emprunt”. L’augmentation de la fis­ca­lité ou la réduc­tion des dépenses fis­cales dans tout ou par­tie des trois caté­go­ries pré­cé­dem­ment citées s’accompagne d’une aug­men­ta­tion de la redis­tri­bu­tion. Cela a com­mencé avec la mode des pro­jets col­la­bo­ra­tifs de R&D finan­cés abon­dam­ment dans le cadre des pôles de com­pé­ti­ti­vi­tés et du plan d’investissements d’avenir.

On nous pré­pare main­te­nant une grande “Banque Publique de l’Investissement” qui va conso­li­der les acti­vi­tés d’Oséo, de la Caisse des Dépôts et de ses branches comme le Fonds Stra­té­gique d’Investissement et le fonc­tion­ne­ment du Plan d’Investissements d’Avenir. Sur­tout, le gou­ver­ne­ment veut régio­na­li­ser le fonc­tion­ne­ment de la BPI et créer des gui­chets uniques pour les entre­pre­neurs. Cela part pro­ba­ble­ment d’une bonne inten­tion, mais comme pour le PIA, le diable sera dans l’exécution et il sort faci­le­ment de sa boite ! La régio­na­li­sa­tion des déci­sions est clas­si­que­ment source de gabe­gies et de clien­té­lismes. On ne va pas créer des lea­ders mon­diaux avec ça !

Les cercles ver­tueux de l’innovation, notam­ment dans la Sili­con Val­ley ou en Israël, ont ceci de par­ti­cu­lier qu’ils per­mettent un recy­clage intel­li­gent de l’argent gagné par les entre­pre­neurs, et sans for­cé­ment pas­ser par la case “impôts et Etat”. Je l’avais bien docu­menté après un voyage dans la Sili­con Val­ley en 2007 et le tableau d’ensemble reste valable, pour ce qui est du contraste entre la Sili­con Val­ley et la France.

La fis­ca­lité fran­çaise est au contraire faite pour faire cir­cu­ler les flux par l’Etat qui joue un énorme rôle de redis­tri­bu­teur. Autant ce rôle est rai­son­nable quand il s’agit de gérer la mutua­li­sa­tion des fonc­tions réga­liennes et de la pro­tec­tion sociale, autant ce qui touche la redis­tri­bu­tion vers les entre­prises semble sous-productif. Favo­ri­ser le recy­clage privé de l’argent dans l’innovation devrait être une prio­rité, mais sans que l’Etat micro-manage cela. Il ne peut pas le faire conve­na­ble­ment tant que ses agents n’ont pas une connais­sance suf­fi­sam­ment bonne de la vie des entreprises.

L’Etat ferait mieux d’être un bon client que de s’échiner à être un redis­tri­bu­teur. Tout le monde y gagne­rait : les citoyens béné­fi­ciaient de meilleures infra­struc­tures, les PME aidées tra­vaille­raient sur de véri­tables besoins que sur des pro­jets de R&D sans mar­ché et elles auraient plus de vrais clients les aidant à en trou­ver d’autres et ensuite à exporter.

On a un autre domaine où l’Etat pour­rait lais­ser plus libre court à l’initiative : les suc­ces­sions. Aux USA, les grandes suc­ces­sions sont défis­ca­li­sée lors de dona­tions à des fon­da­tions. Cela explique notam­ment pour­quoi de nom­breux mil­liar­daires comme Bill Gates créent des fon­da­tions. Mais ils peuvent le faire car on les laisse le faire ! En France, jusqu’à 75% d’une suc­ces­sion (après sa mort comme de son vivant) est réser­vée à sa des­cen­dance. C’est ce que l’on appelle la quo­tité dis­po­nible et elle dépend du nombre d’enfants. Si cela fait sens pour tout un cha­cun, c’est absurde pour les très grandes for­tunes. Ce que Xavier Niel dénonce à juste titre. Si on a un patri­moine de 4 mil­liards d’Euros, ses enfants n’ont pas besoin cha­cun de 1 mil­liard ! Etonnez-vous après cela du faible nombre de fon­da­tions en France !

Mon his­toire n’est pas ter­mi­née. Nous ver­rons dans la seconde par­tie de cet article que les incom­pré­hen­sions écono­miques dépassent lar­ge­ment le cadre des star­tups dans ce pays. Et la gauche de gou­ver­ne­ment n’a mal­heu­reu­se­ment pas grand chose à envier à la droite de ce point de vue-là.

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Un commentaire

  1. Merci de cet article extrêmement bien documenté sur les origines des récentes évolutions. Deux compléments : quand on souhaite aligner les prélèvements relatifs au capital sur les prélèvements relatifs au travail on oublie que les prélèvements sociaux sur le travail comportent des contre parties (assurance sociale) que l’on ne retrouvera pas côté capital dans le ré équilibrage prévu. Par ailleurs, alléger la « facture finale » de l »entrepreneur ne répond pas au problème posé par les Pigeons. Ce n’est pas d’être moins imposés sur les plus values dont ont besoin les créateurs, c’est de trouver des investisseurs. La Fr.ance ne manque pas de projets, ce sont les créateurs qui manquent d’investisseurs. De ce point de vue, les choses n’ont aucune raison de s’ameliorer, ces derniers étant les grands oubliés de la négociation.

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