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À Belfort, des piliers de l’industrie parient sur l’hydrogène

AFP

Réduction de voilure au sein de General Electric (GE), nouvelle ère pour Alstom: à Belfort, la restructuration des piliers de l’industrie locale conduit le Territoire à se réinventer autour d’une source d’énergie d’avenir, l’hydrogène. Mais en attendant, où s’arrêtera la chute de GE dans ce département à forte tradition industrielle? Le conglomérat américain y employait 4 800 salariés après le rachat de la branche énergie d’Alstom en 2015. Il n’en compte plus que 3 000, selon les syndicats.

Ses restructurations successives ont systématiquement tourné en défaveur de Belfort. Au point que les acteurs locaux en appellent désormais à l’État pour rechercher une « solution française » de reprise d’une activité stratégique du groupe: les gigantesques turbines destinées aux centrales nucléaires. La crise sanitaire a réduit à néant les projets de diversification du site vers l’aéronautique, et tous les regards se tournent à présent vers l’hydrogène, comme l’a encore relevé cette semaine le ministre de l’Économie Bruno Le Maire dans un entretien au quotidien L’Est Républicain.

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L’avenir de GE est d’autant plus crucial qu’il reste le donneur d’ordre principal de l’industrie du département: le groupe fait travailler 90 sous-traitants locaux, dont 13 réalisent plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires annuel avec lui, souligne Jean-Marie Girier, préfet du Territoire de Belfort, interrogé par l’AFP. L’autre pilier de l’économie locale, le site d’Alstom qui emploie près de 500 salariés, attend également de connaître son destin au sein du nouveau géant mondial du matériel ferroviaire qu’il forme avec le Canadien Bombardier.

L’hydrogène comme planche de salut 

« Pour le moment, c’est le flou et nous devrons gérer une grosse baisse de charge de travail à partir de l’été », explique Alain Lugenbuhler, délégué CFDT. Même si le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari a assuré sur place en mars que Belfort fabriquerait la nouvelle génération de TGV à partir de 2023, les PME liées au groupe souffrent. « L’écosystème de fournisseurs locaux s’est totalement délité sous l’effet de la centralisation des achats et de la recherche des prix bas », juge André Fages, délégué CFE-CGC du site. Pour rebondir, l’hydrogène fait figure de planche de salut.

Il apporte un dénominateur commun aux deux filières locales de la mobilité et de l’énergie et peut s’appuyer sur une « excellence académique de vingt ans », autour d’une « centaine de chercheurs à l’origine de la moitié des publications sur le sujet en France », analyse Jean-Marie Girier. Cet atout commence à déboucher sur des investissements industriels d’envergure, comme l’unité de réservoirs d’hydrogène qu’ouvrira l’équipementier automobile Faurecia en 2023 à Allenjoie (Doubs), aux portes du Territoire de Belfort. Le département figure aussi dans le dernier tour de sélection de la société française McPhy pour l’implantation d’une usine d’électrolyseurs qui pourrait créer 750 emplois d’ici à 2030, selon Bruno Le Maire.

L’hydrogène représente aussi l’une des priorités de l’originale association Apsiis, constituée il y a quelques semaines par des syndicalistes, des entrepreneurs, des universitaires et des consultants pour susciter la création d’entreprises et le développement de projets dans l’ingénierie de l’énergie à Belfort. « Cette spécialité du territoire est en train de partir avec General Electric, alors il faut se prendre en main pour la garder », souligne le président d’Apsiis Philippe Petitcolin, par ailleurs porte-parole de l’intersyndicale de GE Belfort. L’ingénierie peut être aussi le socle d’une diversification plus large, d’ores et déjà engagée, selon le vice-président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) départementale Emmanuel Viellard.

« Gérer les urgences » 

Les 9 000 emplois que compte l’industrie du Territoire, soit près d’un emploi sur cinq, composent « un riche tissu déjà largement tourné vers l’automobile et d’autres secteurs », souligne M. Viellard. Lui-même est le dirigeant du groupe Lisi d’équipements automobiles, aéronautiques et médicaux qui emploie 10 000 salariés, dont 600 dans le département, où il siège. À La Chapelle-sous-Rougemont où il compte 180 salariés, le groupe M-Plus historiquement dépendant de GE a trouvé de nouveaux débouchés dans la cryogénie, l’aéronautique de défense et le sport automobile. Il utilise par exemple ses compétences en usinage, soudage et chaudronnerie pour transformer des Peugeot 208 de ville en voitures de rallye.

« L’activité hors énergie représente désormais 20% de notre chiffre d’affaires », expose son président François Cortinovis. Pour sa diversification, le Territoire de Belfort peut aussi s’appuyer sur des crédits importants au regard de sa taille modeste, dont le fonds « Maugis » qui réserve 50 millions d’euros spécifiquement à ce département et au bassin industriel voisin de Sochaux-Montbéliard. Le montant provient des pénalités versées par GE pour n’avoir pas respecté ses engagements de création d’emplois après la reprise d’Alstom Énergie.

Douze premiers dossiers ont été subventionnés ou sont en instruction, dont Faurecia, M-Plus et McPhy. « Les moyens financiers ne manquent pas », reconnaît Louis Deroin, président départemental de la CPME. Mais « des trous dans la raquette » subsistent pour le soutien aux profils les plus courants de PME, estime-t-il. La crise sanitaire pèse lourd dans l’équation avec un taux de chômage passé l’an dernier de 8,9 % à 10,4 %. « Nos PME veulent faire leur virage vers la numérisation et de nouveaux marchés, mais pour l’instant, elles gèrent les urgences », relève M. Deroin.

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