Accès des mineurs aux sites pornos: les enjeux du projet de loi
Par Jules BONNARD / AFP
Empêcher les mineurs d’accéder aux sites pornographiques est une des mesures phare du projet de loi de sécurisation de l’espace numérique (SREN), qui arrive mercredi en séance publique à l’Assemblée.
– Pourquoi le gouvernement entend-il restreindre l’accès des sites pornographiques aux mineurs?
Chaque mois, 2,3 millions de mineurs fréquentent des sites pornographiques, selon l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Dès 12 ans, plus de la moitié des garçons utilisant internet se rend en moyenne chaque mois sur ces sites, selon l’Arcom.
Pour le Haut Conseil à l’égalité (HCE), instance qui conseille le gouvernement, en l’absence d’éducation affective et sexuelle à l’école, la pornographie est « une école des violences sexuelles »: 42% des garçons exposés au porno pensent que les filles apprécient les agressions physiques dans leurs relations sexuelles.
Le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications Jean-Noël Barrot souhaite redonner « confiance dans le numérique » et protéger les internautes les plus jeunes, les plus vulnérables ou les moins technophiles
– Que dit la loi actuellement?
La loi interdit l’exposition des mineurs à la pornographie mais n’est pas toujours respectée, notamment sur internet.
Si les magazines X sont présentés hors d’atteinte des mineurs dans les kiosques à journaux, l’avènement d’internet et des plateformes gratuites a rendu la pornographie accessible facilement par tous.
Ces sites se contentent au mieux d’un message d’avertissement, désactivable par un simple clic sur le bouton « J’ai plus de 18 ans ».
Une loi de 2020 impose aux sites pornos de vérifier l’âge de leurs utilisateurs.
L’Arcom est chargée de faire respecter cette disposition, en demandant au juge le blocage des sites récalcitrants par les opérateurs télécoms.
L’instance a entamé des poursuites contre cinq sites pornos (PornHub, Tukif, Xvideos, Xnxx et xHamster) fin 2021.
– Que prévoit le projet de loi sur le numérique concernant l’exposition des mineurs à la pornographie?
Le texte porté par le ministre du Numérique Jean-Noël Barrot confie à l’Arcom le pouvoir de bloquer les sites sans procédure judiciaire.
Il charge l’institution de rédiger un « référentiel technique » que les sites X devront respecter. À défaut, ils risqueront une amende maximale de 500.000 euros (ou 6% de leur chiffre d’affaires mondial) et le blocage chez les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) directement à la demande de l’Arcom.
Cette solution technique devrait être protectrice des données personnelles tout en vérifiant l’âge des internautes.
La Cnil, gardienne de la vie privée des Français, souhaite voir émerger une solution garantissant l’anonymat grâce à un tiers de confiance.
91% des Français sont favorables au blocage, par l’autorité de régulation, des sites qui n’interdisent pas l’accès aux mineurs ou à des sanctions financières, selon un sondage Ifop pour MonPetitVPN auprès d’un échantillon représentatif de 3.000 personnes publié lundi.
– Qu’en pensent les associations de protection de l’enfance?
Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, l’Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique (Open) et le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade), qui regroupe soixante organisations, mettent en garde sur les dangers de ce texte, qui « risque de produire les effets inverses de ceux escomptés ».
Les deux organisations reprochent au gouvernement de suivre les méthodes anglaise et australienne qui se sont soldées par un échec.
Elles craignent que les sites X ne multiplient les recours contre le référentiel technique. Puis que, disposant d’équipes techniques avancées, ils trouvent des failles rendant ce référentiel obsolète.
Les sites X pourront se dédouaner sur l’administration en cas d’inefficacité, explique Thomas Rohmer, directeur d’Open, qui qualifie le projet de loi de « pain bénit pour les sites pornos » qui réclamaient justement un « référentiel ».
Pour les associations, c’est aux sites de se mettre en conformité avec la loi, pas à la loi de leur spécifier comment le faire.
Les procédures intentées par l’Arcom pourraient être fragilisées puisque le projet de loi supprime le régime en vigueur imaginé en 2020, sur lequel elles se fondent. Or les associations espèrent les voir bientôt aboutir, après les recours qui les ont ralenties depuis deux ans.
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