Adblocks: et si les internautes dessinaient l’avenir de la publicité en ligne?
Il ne fait nul doute que le phénomène des adblocks bouleverse le monde de la publicité en ligne. Alors que les Français sont désormais 36% (vs. 30% en janvier 2016, source Baromètre Adblocks réalisé par Ipsos Connect pour l’IAB France – Octobre 2016) à utiliser un bloqueur de publicités sur leur ordinateur et qu’on évalue à près de 36 milliards le manque à gagner dans le monde pour les éditeurs de site en 2016 (estimations faites par Page Fair et Adobe), comment le secteur doit-il se réinventer? Cette évolution notable tant pour les éditeurs que les sites e-commerce pourrait bien redéfinir les stratégies marketing et avec elles, les techniques de monétisation sur Internet.
En empêchant une partie significative du trafic publicitaire d’un site de s’afficher, les adblockers, en réponse à l’exaspération des internautes dérangés par une trop forte pression publicitaire, ont semé un vent de panique chez les éditeurs, bouleversant ainsi le modèle économique reposant sur la vente d’espace au service de la gratuité de leur contenu. Les internautes sont de plus en plus nombreux à utiliser ces bloqueurs de pub pour une navigation plus sereine sur Internet. Plus sereine mais loin d’être sans conséquence.
Le mobile, le nouvel eldorado de l’annonceur
Le mobile s’avère être aujourd’hui un territoire très convoité par les annonceurs, quasiment vierge de toute utilisation d’adblockers. Le smartphone, avec des mesures d’efficacité publicitaire parfois équivalentes à l’ordinateur, constitue l’un des meilleurs canaux pour permettre aux annonceurs de mener des campagnes à fort impact. Mais cette situation pourrait évoluer plus vite qu’on ne le pense puisque l’on voit déjà s’accélérer l’activation d’outils similaires à ceux présents sur le desktop, à l’instar de Free qui propose une option capable de bloquer la publicité sur les mobiles.
Si elle veut continuer d’exister et de se développer, la publicité sur mobile devra tirer les leçons du passé et se réinventer pour ne pas être perçue comme «parasitante». En effet, aujourd’hui, si les adblocks connaissent un tel engouement, c’est en partie parce qu’elle s’est faite trop présente. En cause, bannières, interstitiels et pop-ups jugés trop intrusifs et trop répétitifs mais aussi et surtout une navigation perturbée à cause des contenus publicitaires souvent lourds à charger.
L’avenir de la pub en ligne, une expérience digitale renouvelée et diversifiée
Pour continuer de fonctionner sur la base d’un modèle économique gratuit, les éditeurs ont trop longtemps favorisé le prix de vente de leurs emplacements plutôt qu’une sélection pertinente et ciblée des annonceurs. Et si finalement la publicité revoyait ses principes fondateurs pour se réinventer? Le succès du Native Advertising illustre ce «renouveau» de la publicité. En délivrant des formats contextualisés, ce nouveau genre publicitaire parvient à s’adapter pour mieux s’assimiler visuellement dans l’univers du site éditeur. L’institut Nielsen (Etude Nielsen « Global Trust in Advertising » (2015)) remarquait que le Native Advertising attirait deux fois plus l’œil de l’internaute que la traditionnelle bannière.
Par ailleurs, quand on sait que 28% des utilisateurs se disent prêts à désactiver leur adblock si la politique publicitaire est «raisonnable» et que 37% des Français souhaiteraient que les publicités soient mieux contextualisées (source: Baromètre Adblocks réalisé par Ipsos Connect pour l’IAB France – Octobre 2016), on peut penser qu’un compromis n’est pas loin d’être trouvé entre d’un côté les attentes économiques des éditeurs et annonceurs, de l’autre, le confort de navigation des internautes.
Relever le pari de l’acceptation de la publicité
Annonceurs et éditeurs doivent désormais travailler ensemble sur l’optimisation des affichages publicitaires et du confort de lecture au risque de voir apparaître un Internet à deux vitesses. Prenons l’exemple du e-commerce. Il existe une forme de risque pour les e-marchands puisque les politiques de bas prix qui les caractérisent sont souvent rendues possibles grâce aux revenus issus de la vente d’espaces publicitaires. Sur leur secteur, la progression observée de l’utilisation des adblocks n’est pas aussi spectaculaire mais reste néanmoins notable: la part des transactions en ligne réalisées sur des navigateurs avec un adblock activé passant de 22% en 2015 à 23% en 2016 soit une hausse de 5,2% d’après le Webloyalty Panel. Cette différence peut notamment s’expliquer par une désactivation temporaire des adblocks par certains acheteurs en ligne; ce phénomène est observé chez 59% des internautes interrogés (source: Baromètre Adblocks réalisé par Ipsos Connect pour l’IAB France – Octobre 2016).
Ainsi, si l’idée d’un Internet sans pub peut séduire à première vue, dans la pratique cela représente une réelle menace pour tout l’écosystème du web! Faire disparaître massivement la publicité en ligne reviendrait à répercuter sur les prix un manque à gagner considérable. Il appartient donc aux éditeurs et aux annonceurs de retrouver la confiance des internautes par une stratégie publicitaire plus adaptée, responsable et cohérente au risque de remettre en cause toute une économie.
Rodolphe Oulmi est le directeur général adjoint de Webloyalty France.
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