Altice lance le bras de fer avec ses créanciers, plombé par sa dette gigantesque.
Par Yassine KHIRI / AFP
Une opération à marche forcée? Altice France, le groupe du milliardaire Patrick Drahi qui détient notamment l’opérateur télécoms SFR, s’est lancé dans un bras de fer avec ses créanciers pour diminuer sa gigantesque dette, suscitant la défiance des investisseurs.
A l’occasion de la publication de ses résultats mercredi, l’entreprise a indiqué vouloir viser un niveau « approprié » d’endettement « bien en dessous » de 4 fois son excédent brut d’exploitation (Ebitda), contre 6 fois actuellement. Sa dette nette dépassait les 24 milliards d’euros fin 2023.
Pour y parvenir, le groupe a demandé aux porteurs d’obligations d’Altice France d’accepter de renoncer à une partie de leurs créances ou d’envisager « des transactions escomptées, qui pourraient inclure des offres d’échange, des appels d’offres ou des rachats » à prix réduits.
Si le recours à la vente d’actifs pourrait « accélérer ce désendettement », « nous ne voulons poursuivre dans cette voie que si nous atteignons notre nouvel objectif avec un effet de levier inférieur à 4 fois » (une dette inférieure à 4 fois l’Ebitda, ndlr), ont prévenu les dirigeants d’Altice lors d’une conférence téléphonique avec des analystes.
Autrement dit, ils menacent de ne pas utiliser le produit de leurs cessions pour désendetter l’entreprise.
Altice a annoncé vendredi dernier la vente de la branche média (BFMTV, RMC) au groupe CMA CGM pour 1,55 milliard d’euros.
« C’est ce qu’on appelle un +haircut+ (coupe de cheveux, en français) », explique à de l’AFP Lionel Melka, associé-gérant chez Swann Capital.
« Dans le langage obligataire, ça veut dire (que les créanciers) s’assoient sur une partie de leur dette. Maintenant les obligataires vont avoir un arbitrage à faire: est-ce qu’ils jouent très dur avec le risque de tout perdre? Ou est-ce qu’ils acceptent de pouvoir avoir accès au cash qui va rentrer mais en acceptant une décote? », complète-t-il.
– Fuite d’abonnés chez SFR –
Patrick Drahi a une marge de manoeuvre pour se lancer dans un tel bras de fer car les « porteurs d’obligations n’ont pas accès directement au cash » issu des ventes d’actifs. « Il n’y a pas écrit dans la documentation que, dès qu’il y a de l’argent qui rentre, cela va directement » aux créanciers, explique M. Melka.
De quoi provoquer la défiance des investisseurs et faire plonger les obligations d’Altice France sur le marché de la dette. Certaines d’entre elles ont baissé jusqu’à 60% en deux jours.
Et, ce, dans un contexte où les résultats commerciaux de la maison-mère de SFR suscitent également l’inquiétude, avec un chiffre d’affaires en recul de 1,3% sur l’exercice 2023, à 11,2 milliards d’euros, sur fond de perte d’abonnés.
« Il y a environ 300.000 abonnés mobiles et 150.000 abonnés fixes qui ont quitté SFR l’année dernière. Par conséquent, les marges ne sont pas au niveau des plans qui avaient été faits au moment où toute cette dette a été contractée », souligne auprès de l’AFP Sylvain Chevalier, associé en charge du secteur télécoms au cabinet Bearing Point.
« Si Altice France devait se refinancer » aujourd’hui sur les marchés, « on serait sur des niveaux à deux chiffres. Ce n’est pas viable pour l’entreprise », fait valoir Aurélien Buffault, gérant obligataire chez Delubac AM.
Concernant ses projets de vente d’actifs, Altice France a répété « travailler sur plusieurs opérations » en plus de celles récemment annoncées. « Nous nous donnons un an », a-t-il indiqué.
Auprès des investisseurs, le groupe a précisé qu’il « évaluait » ses participations dans l’opérateur virtuel de téléphonie mobile La Poste Telecom (qui fait l’objet de négociations exclusives de rachat par Bouygues Telecom), ainsi que dans le réseau de fibre optique en France XpFibre, estimé à plusieurs milliards d’euros.
En parallèle de ses difficultés financières, Altice est aussi ébranlé depuis plusieurs mois par un scandale de corruption, qui implique notamment Armando Pereira, dirigeant de la filiale portugaise et cofondateur du groupe.
Mis en examen au Portugal, il est soupçonné d’avoir mis en place un réseau de fournisseurs douteux dans le but de détourner d’importantes sommes d’argent via la politique d’achats du groupe, ce qu’il conteste.
Une enquête a également été ouverte en France en septembre par le parquet national financier.
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