Amazon déploie des caméras dans ses camions pour surveiller la route… et les chauffeurs
AFP
Des caméras de surveillance dans les camions de livraison: Amazon assure vouloir améliorer la sécurité, mais les ONG y voient une détérioration des conditions de travail des chauffeurs et une préoccupante collecte de données à grande échelle. « Nous avons récemment commencé à déployer une technologie de sécurité basée sur des caméras de dernière génération dans notre flotte de livraison », a confirmé une porte-parole d’Amazon à l’AFP jeudi.
« Cette technologie va fournir des alertes en temps réel aux chauffeurs pour les aider à garantir leur sécurité quand ils sont sur la route ». Le géant du commerce en ligne a choisi les Driveri, un modèle de caméra produit par la société Netradyne qui intègre un système d’intelligence artificielle (IA) pour récolter les données, les analyser et avertir les conducteurs en direct. « Des études ont montré que ces caméras réduisent les collisions d’un tiers grâce aux alertes dans le véhicule, et d’un tiers grâce à l’amélioration du comportement des chauffeurs », a indiqué Karolina Haraldsdottir, une responsable d’Amazon chargée de la sécurité lors des livraisons.
Elle s’est exprimée dans une vidéo interne vantant les mérites du nouveau système « pour la sécurité des chauffeurs et des communautés qu’ils desservent », publiée par des médias américains et authentifiée par Amazon. « C’est la plus grande expansion de surveillance d’entreprise dans l’histoire humaine », s’est indignée Evan Greer, directrice adjointe de l’ONG Fight for the Future, qui se bat pour les droits humains dans un monde numérique.
Conditions de travail
« Amazon veut transformer son immense flotte de livraison en armée mobile de caméras de surveillance. Ces appareils vont exacerber les conditions de travail inhumaines dans lesquelles travaillent déjà les chauffeurs ». Le deuxième plus important employeur aux Etats-Unis (800 000 personnes) est régulièrement critiqué pour le rythme intense auquel sont soumis les agents des entrepôts et les livreurs, généralement employés par des sous-traitants.
Au printemps dernier, le groupe a fait face à quelques grèves éparses, pour demander plus de protections contre le coronavirus. Les employés d’un centre logistique dans l’Alabama espèrent rejoindre un syndicat -ce serait une première- mais Amazon cherche à décourager cette tentative. La société de Seattle met en avant des investissements de plusieurs milliards de dollars pour contrer la crise sanitaire, et rappelle aussi régulièrement qu’elle garantit un salaire minimum supérieur au reste de l’industrie, à 15 dollars par heure. Mais la colère gronde, selon Athena, un collectif d’associations anti-Amazon.
« Les travailleurs s’expriment, font grève et s’organisent contre des conditions de travail misérables, malgré les tentatives d’Amazon de les réduire au silence », a déclaré Maurice BP-Weeks, un des directeurs d’Athena, après l’annonce mardi de la nomination prochaine d’un nouveau directeur général à la tête du colosse des technologies. Jeff Bezos, le milliardaire fondateur d’Amazon, va prendre du recul tout en restant président du conseil d’administration.
« Empire de surveillance »
L’annonce des caméras dans les camions passe mal aussi à cause du passif d’Amazon, qui commercialise la gamme Ring, des caméras de vidéosurveillance pour les particuliers, auxquelles la police peut avoir accès. Des ONG ont aussi passé deux ans à demander au groupe de cesser de fournir sa technologie de reconnaissance faciale, Rekognition, aux forces de l’ordre. L’entreprise a fini par céder en juin dernier, et à interdire son logiciel à la police pendant un an, dans le contexte des manifestations contre les violences policières et le racisme aux Etats-Unis.
Les caméras installées dans les camions de livraison sont équipées de quatre objectifs, filmant ainsi la route et le conducteur, mais elles n’enregistrent pas le son et ne diffusent pas en direct -« personne ne peut s’inviter et écouter pendant vos livraisons », souligne Karolina Haraldsdottir. Pas de quoi rassurer Evan Greer, qui s’inquiète du risque de piratage des caméras et de potentiels partages avec les autorités: « Il semble inévitable qu’Amazon trouve un moyen facile de partager les vidéos avec leurs quelque 2 000 partenaires de sécurité ». Elle appelle le Congrès à lancer une enquête sur « l’empire de surveillance d’Amazon ».
« Dans les circonstances appropriées, les informations peuvent être fournies aux forces de l’ordre », reconnaît le règlement interne d’Amazon sur ces caméras, publié par la chaîne CNBC. Les règles mentionnent en outre que les appareils serviront aussi à évaluer le comportement des chauffeurs, en signalant qu’ils ne se sont pas arrêtés à un stop, par exemple. Avec la Driveri, « un responsable de la sécurité aura maintenant accès à chaque minute de la journée d’un chauffeur », indique le site web de Netradyne.
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