
Anatomie d’une attaque APT28 : comment les hackers russes infiltrent les SI français
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Depuis 2021, les services de cybersécurité français observent une intensification des campagnes d’espionnage attribuées au groupe APT28, également connu sous les noms Fancy Bear, Sofacy ou Pawn Storm. Actif depuis près de deux décennies et associé à la direction du renseignement militaire russe (GRU), ce groupe cible méthodiquement les institutions françaises à des fins de collecte stratégique.
Une chaîne d’attaque structurée
Les opérateurs d’APT28 déploient des chaînes de compromission reposant sur un enchaînement éprouvé de techniques, combinant ingénierie sociale, exploitation de vulnérabilités, et infrastructures d’exfiltration difficiles à tracer. Les premières phases s’appuient généralement sur des campagnes d’hameçonnage (phishing), souvent personnalisées, visant à tromper les destinataires en leur faisant ouvrir des pièces jointes ou cliquer sur des liens malveillants.
Parallèlement, APT28 mène des attaques par force brute sur les messageries web afin d’en compromettre l’accès, notamment lorsque des mots de passe faibles ou réutilisés sont détectés. Les vulnérabilités non corrigées — y compris les failles jour-zéro — sont également exploitées. Un exemple marquant est l’utilisation de la faille CVE-2023-23397 dans Microsoft Outlook, permettant une exécution de code sans interaction de l’utilisateur.
Des infrastructures à bas coût pour éviter la détection
L’un des marqueurs techniques d’APT28 est le recours à des infrastructures légitimes et peu onéreuses. Le groupe utilise des serveurs loués, des VPN anonymisants, des services d’hébergement gratuits (InfinityFree), ou encore des plateformes de génération d’API (Mocky.io) pour la livraison de commandes à des implants malveillants. Cette approche rend les attaques particulièrement discrètes : les flux sortants sont souvent confondus avec des usages professionnels classiques, compliquant leur détection.
De plus, APT28 privilégie la compromission de composants périphériques souvent négligés : routeurs, VPN, passerelles, pare-feux ou serveurs de messagerie. Moins surveillés, ces équipements offrent un point d’entrée stable sans éveiller de suspicion immédiate.
Des outils de plus en plus furtifs
Depuis 2023, les attaques observées en France et en Ukraine mettent en évidence l’usage de charges malveillantes comme HeadLace ou OceanMap, conçues pour extraire rapidement des informations sans nécessairement maintenir une présence persistante. OceanMap, par exemple, exfiltre les identifiants stockés dans les navigateurs via le protocole IMAP, et peut être déployé en moins d’une heure grâce à des vecteurs comme SteelHook ou MasePie.
Dans certains cas, les attaquants ne cherchent pas à maintenir un accès à long terme, mais à capter directement des données sensibles : carnets d’adresses, messages, fichiers joints, identifiants de connexion. L’objectif est clair : la collecte ponctuelle mais ciblée de renseignements exploitables rapidement.
Une adaptation constante des techniques
APT28 adapte en permanence ses tactiques. Les campagnes récentes incluent la création de fausses pages de connexion pour des services grand public (Yahoo, UKR.net) ou professionnels (Outlook Web Access, ZimbraMail), dans le but de récupérer les identifiants d’utilisateurs ciblés. Ces pages frauduleuses sont hébergées sur des sous-domaines générés dynamiquement, souvent protégés par des services de DNS évolutifs, ce qui rend leur traçabilité encore plus difficile.
Vers une nécessaire élévation du niveau de vigilance
L’analyse du mode opératoire d’APT28 révèle une sophistication opérationnelle qui ne repose pas uniquement sur des outils complexes, mais sur une exploitation méthodique des failles humaines, techniques et organisationnelles. Face à un acteur étatique doté de moyens durables et d’une capacité d’adaptation élevée, la sécurité périmétrique ne suffit plus. La vigilance, l’hygiène numérique, la détection comportementale et la coordination interinstitutionnelle sont devenues les piliers indispensables de la résilience française en matière de cybersécurité.