
Mark Zuckerberg face à la justice américaine. L’image marque un tournant : le fondateur de Facebook, désormais à la tête de Meta, confronté à l’une des plus importantes procédures antitrust de la dernière décennie. En jeu, l’avenir de son groupe, mais aussi celui du modèle d’expansion par acquisition qui a structuré la croissance des grandes entreprises technologiques.
Un procès frontal contre la stratégie d’acquisition
Devant le tribunal fédéral du district de Columbia, la Federal Trade Commission (FTC) accuse Meta d’avoir consolidé un monopole illégal dans les réseaux sociaux. L’argument est clair : les rachats d’Instagram et WhatsApp ont servi à neutraliser des concurrents potentiels, avant même qu’ils n’atteignent leur maturité. La FTC cherche à démontrer qu’il ne s’agissait pas d’intégrations de complémentarité, mais d’un verrouillage stratégique du marché.
Sur le banc des témoins, Zuckerberg a dû commenter plusieurs échanges internes soulignant l’ascension rapide d’Instagram et les difficultés de Facebook à suivre le rythme, en particulier sur mobile. L’acquisition apparaît, dans certains documents, comme une réponse défensive.
Tentatives de règlement et rupture assumée
Selon plusieurs sources, Meta aurait tenté de régler le litige hors tribunal, en proposant jusqu’à 1 milliard de dollars pour mettre fin à la procédure. La FTC aurait refusé, exigeant 30 milliards. Le message est clair : l’agence ne veut pas d’un simple chèque, mais d’un signal fort.
Ce refus traduit une volonté assumée de rompre avec la logique d’accommodement passée. En refusant de transiger, la FTC cherche à créer un précédent capable de redéfinir les règles du jeu pour l’ensemble de l’industrie.
Un procès qui dépasse le cas Meta
Si la FTC obtient gain de cause, elle pourrait exiger la revente d’Instagram et WhatsApp, une décision inédite depuis des décennies. Ce scénario aurait des conséquences lourdes pour la Silicon Valley. Le rachat de start-up prometteuses constitue depuis 20 ans un levier central de croissance et d’innovation défensive pour les grandes plateformes. Une telle jurisprudence fragiliserait cette mécanique.
Ce procès pourrait ainsi remettre en cause le principe selon lequel une entreprise dominante peut étendre son emprise en acquérant des entités émergentes. Il poserait aussi la question de la réouverture des fusions validées a posteriori, jusque-là considérée comme politiquement et juridiquement risquée.
La définition du marché en débat
L’une des batailles clés du procès concerne la définition du marché. La FTC défend une vision étroite centrée sur les plateformes de réseaux sociaux personnels, là où Meta avance une lecture plus large, englobant TikTok, YouTube, LinkedIn ou encore les services de messagerie et de vidéo. L’issue dépendra en partie de la capacité du juge à trancher entre ces approches concurrentes, et à déterminer si Meta détient un pouvoir de marché indûment consolidé.
Une doctrine antitrust en mutation
Le procès Meta s’inscrit dans une dynamique plus large de durcissement de la régulation des grandes plateformes numériques. Après Google et Amazon, la FTC et le Département de la Justice multiplient les actions contre les géants du numérique, dans une logique désormais bipartisane.
Ce changement de paradigme marque la fin d’une ère : celle où l’ampleur des plateformes justifiait leur liberté stratégique. Désormais, leur croissance est soumise à un examen structurel, qui dépasse les seuls effets prix ou innovation.
Trois scénarios, une même rupture
Trois issues principales se profilent :
-
- Si Meta l’emporte, la FTC sort affaiblie et les Big Tech confortées.
- Si une sanction financière est prononcée sans démantèlement, le signal reste dissuasif, mais sans effet structurel.
- Si la revente des actifs est ordonnée, cela marquera un tournant historique dans la gouvernance du numérique.
Dans tous les cas, le procès pose une question essentielle : la croissance par acquisition est-elle encore légitime lorsqu’elle concerne des plateformes structurantes pour l’économie numérique mondiale ? Le verdict attendu dans les prochains mois pourrait redessiner la carte du pouvoir des big tech