
Audit cyber : comment passer d’une logique de conformité à une logique de preuve ?
Face à la multiplication des cyberattaques et à l’évolution rapide des menaces, les audits de cybersécurité ne peuvent plus se limiter à cocher des cases réglementaires. La pression réglementaire reste forte, mais elle est désormais insuffisante à elle seule pour évaluer la robustesse réelle d’un système d’information. Un changement de paradigme s’impose : passer d’une logique de conformité à une logique de preuve opérationnelle.
Une conformité souvent déclarative
Traditionnellement, l’audit cyber consiste à vérifier la présence de mesures exigées par les cadres normatifs ou réglementaires : ISO 27001, NIS2, RGPD, DORA, etc. Ces audits reposent en grande partie sur des documents, des processus déclarés, et des entretiens avec les équipes. Le système est validé sur sa capacité à démontrer qu’il suit des standards, non sur sa résistance effective aux attaques.
Or, nombre d’organisations peuvent obtenir une certification tout en demeurant techniquement vulnérables. Les failles ne sont pas toujours dans l’absence de règles, mais dans l’absence de contrôle effectif, de monitoring temps réel, ou de capacités de détection et de réponse. En clair : on peut être conforme tout en étant exposé.
Vers une approche fondée sur la preuve
Une logique de preuve consiste à évaluer la réalité du dispositif de sécurité à travers des tests, des simulations, des métriques, des journaux d’événements, et non uniquement par audit documentaire. Cela suppose :
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- Des exercices de red teaming et des tests d’intrusion réguliers ;
- L’exploitation systématique des logs pour tracer les comportements et détecter les signaux faibles ;
- Des revues techniques de configuration (pare-feu, VPN, MFA, segmentation réseau) ;
- La capacité à produire des indicateurs chiffrés sur la rapidité de détection, la latence de réaction, ou le temps de correction.
En résumé, on ne demande plus « Avez-vous mis en place un plan de réponse aux incidents ? » mais « Pouvez-vous démontrer que ce plan fonctionne réellement sur incident simulé ? »
Une exigence croissante des assureurs, investisseurs et partenaires
Ce changement n’est pas uniquement impulsé par les RSSI ou les régulateurs. Les assureurs cyber, confrontés à une explosion des sinistres, exigent désormais des preuves tangibles de résilience : détection en moins de 24h, journalisation centralisée, séparation des privilèges… Les questionnaires de souscription deviennent plus techniques et moins déclaratifs.
De même, les investisseurs et comités d’audit demandent des audits IT beaucoup plus poussés avant les levées de fonds ou les IPO. Enfin, dans les chaînes de valeur industrielles, les grands donneurs d’ordre imposent à leurs sous-traitants des niveaux de sécurité vérifiables, avec transmission de preuves.
Un impact sur l’organisation des entreprises
Passer à une logique de preuve nécessite une réorganisation de la fonction sécurité. Cela implique :
- Un pilotage par la donnée, avec des tableaux de bord de sécurité orientés performance ;
- Une montée en compétence des équipes IT vers des compétences cyber de terrain ;
- La généralisation des outils de SIEM, EDR, SOAR et leur intégration dans des processus continus de supervision ;
- La mise en place de routines d’exercices de crise et d’audits techniques externes indépendants.
C’est également une opportunité de mieux aligner la sécurité avec les objectifs métier : démontrer que le SI est capable de soutenir l’activité même en cas d’incident majeur.
Conclusion
L’audit cyber ne peut plus s’arrêter à la conformité réglementaire. Il doit s’aligner sur une exigence nouvelle : apporter des preuves concrètes de robustesse, de réactivité et de résilience. Dans un contexte de normalisation des cyberattaques, ce sont les preuves techniques et non les procédures déclaratives qui feront foi.