Avant-gardiste dans l’usage des avions militaires sans pilote, Israël voit aujourd’hui sa supériorité technologique défiée par l’Iran et ses alliés du Hezbollah libanais, qui développent eux aussi des drones à usage militaire. La dernière semaine a été révélatrice de ce complexe billard céleste. Israël a bombardé le 24 août un village syrien, affirmant vouloir « contrer » une attaque au drone « kamikaze » iranien. Le lendemain, deux drones, israéliens selon le Liban, sont tombés dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah; puis, le 28 août, l’armée libanaise a tiré sur des drones israéliens survolant le Liban.
En Irak, enfin, une force paramilitaire comptant de nombreux groupes armés pro-iraniens a accusé en août Israël d’une attaque au drone contre une de ses bases. Israël n’a pas revendiqué la paternité des drones tombés à Beyrouth, mais a soutenu que le Hezbollah tentait de confectionner des missiles de précision dans ces quartiers, des allégations qui pourraient avoir été établies justement grâce à des drones de surveillance. L’Etat hébreu balaie depuis fort longtemps l’espace aérien de son voisin pour siphonner des informations. Dès 1982, lors de son intervention en pleine guerre du Liban, Israël disposait d’une technologie relevant de la science-fiction pour nombre de combattants au sol: un drone d’espionnage.
Drone « nation »
Dans les années 1970, après la guerre de Yom Kippour, Israël a commencé à plancher sur des drones de surveillance. Lors de « la Première guerre du Liban, en 1982, le système était opérationnel. C’était un système de renseignement en temps réel (…) par caméra», explique à l’AFP le Franco-Israélien David Harari, qui pilotait ce projet aux Industries aérospatiales israéliennes et est considéré comme le « père du drone israélien ». Progressivement, ces drones ont intégré des caméras à infrarouge, des « désignateurs » lasers permettant d’identifier des cibles précises, puis des systèmes de « renseignements électromagnétiques » avec des micros et des radars, résume-t-il. « Des militaires avaient reçu l’ordre d’utiliser ça mais ils exprimaient un peu de dérision: ‘qu’est-ce qu’on va faire avec un petit avion comme ça' », se souvient-il. Après 1982, les choses ont changé. « Israël a été le premier pays à créer un programme national d’introduction d’un tel système dans la doctrine militaire», souligne M. Harari.
Le drone s’est progressivement imposé au coeur du dispositif de l’armée et de la « start-up nation » israélienne. Aujourd’hui, une cinquantaine de « start-up » locales planchent sur des prototypes de drones, selon le ministère de l’Economie, qui chiffre en milliards les retombées pour le pays. De 2005 à 2013, Israël était ainsi le premier exportateur mondial de drones, selon une étude d’un cabinet spécialisé. Mais cette industrie évolue à vitesse grand V avec la miniaturisation, la commercialisation d’appareils récréatifs à faibles coûts et l’essor de nouveaux acteurs comme la Chine, la Russie et l’Iran, dans un secteur encore récemment quasi monopolisé par Israël et les Etats-Unis.
« Aujourd’hui tout le monde est dans ce business», note Uzi Rubin, ancien ténor des systèmes antimissiles au ministère de la Défense et aujourd’hui analyste à l’Institut de Jérusalem pour la stratégie et la sécurité (JISS). Désormais, des groupes armés peuvent fixer des charges explosives sur des drones pour commettre des attaques sur des installations stratégiques ou des bases militaires. « C’est une menace pour toutes les armées et c’est pourquoi tout le monde cherche des solutions et ces solutions consistent à détruire ou intercepter ces appareils», dit M. Rubin à l’AFP.
Des systèmes antidrones
Des sociétés israéliennes comme Skylock et Elbit développent actuellement des technologies permettant de prendre contrôle à distance de drones sans les endommager pour récupérer leurs données. En octobre 2012, un drone de surveillance iranien envoyé par le Hezbollah avait survolé la Méditerranée pour voler 30 minutes au-dessus du désert du Néguev, où se trouvent les installations nucléaires israéliennes, avant d’être abattu. Et l’an dernier, Israël avait accusé l’Iran d’avoir fait voler un de ses drones dans son espace aérien.
L’essor des drones en Iran permet à son allié libanais du Hezbollah de se doter de nouvelles capacités aériennes de renseignement et d’attaques, notait récemment la chercheuse israélienne Liran Antebi. La guerre opposant Israël et Hezbollah en 2006 avait été la « première de l’histoire » où le nombre d’heures de vol des appareils sans pilote était « supérieur » à celui des avions avec pilotes, selon une étude de l’université de Tel-Aviv.
Mais, à l’époque, les drones étaient essentiellement israéliens. Aujourd’hui, la supériorité technologique d’Israël demeure, mais le « Hezbollah devient de plus en plus une organisation militaire équipée de systèmes de pointe incluant des drones militaires et commerciaux», écrit Mme Antebi. A sa flotte de drones, le Hezbollah ajoute peut-être des systèmes antidrones. « Chaque fois que les drones israéliens entreront dans l’espace aérien du Liban, nous chercherons à les abattre», a dit son chef Hassan Nasrallah cette semaine.
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