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Blockchain: les NFT sont-ils en train de révolutionner l’industrie musicale?

AFP

Kings of Leon, Mike Shinoda (Linkin Park), Grimes: les musiciens se mettent au diapason des « NFT », objets virtuels aux ventes en vogue mais qui soulèvent des interrogations, notamment en termes de droits. C’est un sigle auquel il faut s’habituer. « NFT », c’est un « non-fungible token », ou jeton non fongible: une oeuvre numérique à l’ADN en théorie non-piratable, grâce à la technologie « blockchain », popularisée par les cryptomonnaies telles le bitcoin.

Le monde de l’art en perd déjà son latin: une oeuvre entièrement numérique de l’artiste américain Beeple a été vendue le 11 mars 69,3 millions de dollars par la maison d’enchères Christie’s. Une semaine auparavant, sans provoquer un tel vacarme, le groupe de rock américain Kings of Leon s’est également fait entendre en vendant son dernier album, « When you see yourself » en version « NFT », en même temps qu’il le proposait via les plateformes classiques telles Spotify ou Apple. Les fans pouvaient en outre acquérir aux enchères des « NFT » autour des visuels du groupe (avec la patte de Matthew Followill, guitariste du groupe et photographe à ses heures perdues).

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Les enchères pouvaient aussi déboucher sur du concret/physique comme des vinyles collectors ou des « tickets d’or » offrant des places à vie au premier rang pour tous les shows du groupe dans le monde. Plus de 2 millions de dollars –dont 600.000 reversés à un fonds de solidarité du tourneur Live Nation pour ses techniciens musicaux au chômage, Covid-19 oblige– ont été récoltés, selon la bible musicale américaine Rolling Stone.

«Une nouvelle ère pour la musique»

Un engouement qui témoigne « de l’appétit des fans pour davantage de moyens de se connecter aux musiciens qu’ils aiment », expose à l’AFP Josh Katz, patron et fondateur de YellowHeart, plateforme-rampe de lancement utilisée par les Kings of Leon pour l’opération. Les rockeurs du Tennessee ne sont pas les premiers musiciens à faire leur gamme dans les « NFT ». Mike Shinoda, figure du groupe US de rap/metal Linkin Park, avait déjà vendu un single en mode « NFT », avec un visuel animé créé aux côtés de l’artiste contemporain anglais Cain Caser.

La presse s’est aussi fait l’écho des enchères qui ont rapporté 12 millions de dollars au DJ américain 3Lau (avec des « NFT » pour fêter les 3 ans de son album « Ultraviolet ») et 6 millions de dollars pour la chanteuse canadienne Grimes (compagne d’Elon Musk) avec des packages création audiovisuelle/titre inédit. Les « NFT » sont-ils alors la nouvelle terre promise ? « Les NFT ouvrent une nouvelle ère pour la musique », assure Josh Katz. « On commence à voir l’industrie musicale aller vers un modèle décentralisé » avec des artistes qui « vont monétiser des contenus à nouveau ». L’idéal du « direct to fans » (directement avec les fans) n’est pas loin.

Quid du droit moral?

Maxime Thibault, responsable expertises Innovation et Transition écologique au Centre national de la musique (CNM) en France, est plus nuancé. « Il y a des aspects positifs, on peut financer ses projets, même sans être très connu, et on peut soigner les relations avec ses fans, voire ses super-fans », décrit-il pour l’AFP avant de mettre en lumière des « bémols ». « Va se poser la question des droits perçus: qui touche quoi entre compositeur, interprète, producteur, notamment si les NFT sont ensuite revendus? », synthétise le spécialiste. La circonspection tourne à l’alarmisme chez Emily Gonneau, auteure de « L’Artiste, le Numérique et la Musique ».

« Si cette technologie se met au service des artistes, c’est très bien, mais s’il n’y a pas de garde-fou, les artistes risquent d’être dépossédés de leur droit moral », pointe l’experte. « N’importe qui peut se dire créateur et sampler n’importe quoi avec les NFT », insiste-t-elle. Et de mettre en garde contre une tentation de « spéculation de personnes n’ayant rien à voir avec la création, ni les créateurs, et ayant accès à cette technologie; là on est dans une ruée vers l’or dans un Far west où rien n’est encadré ». Maxime Thibault pose aussi la question du « bilan écologique »: « la technologie blockchain est énormément énergivore, l’Ethereum (réseau de cryptomonnaie) représente ainsi la consommation énergétique d’un pays comme l’Equateur selon certaines projections, ça peut être un frein ».

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