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Branded, le nouveau pari de Pierre Poignant (ex-Alibaba) dans l’e-commerce

Moins d’un an après son départ d’Alibaba, Pierre Poignant est déjà sur un nouveau projet entrepreneurial. Pour rappel, le Français passé par l’École Polytechnique et le MIT, a co-fondé la plateforme e-commerce d’Asie du Sud-Est Lazada, rachetée après quelques années par Alibaba. A la suite d’une transition de deux ans en tant que CEO, le voilà maintenant co-fondateur de Branded.

L’entrepreneur ne s’éloigne pas de son sujet de prédilection, l’e-commerce, puisque l’activité de la nouvelle startup consiste à racheter des entreprises qui ne vendent leurs produits que sur des marketplaces, comme Amazon, pour ensuite s’occuper de décupler leurs puissance de frappe.

Retrouvez l’interview complète de Pierre Poignant, co-fondateur de Branded

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Marketing, nouveaux produits… 100 jours pour donner une nouvelle dimension aux marques rachetées

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il? «Quand nous rachetons une marque et que nous ‘l’onboardons’ sur notre plateforme, nous commençons par travailler sur ‘un plan des 100 jours’. Donc pendant les trois premiers mois, nous actionnons tous les leviers que nous avons développé pour accélérer son développement. Il y a des leviers qui sont à très court terme comme des changements de prix, de stratégie marketing. Il y a des leviers qui sont à moyen terme, par exemple l’ouverture de nouveaux canaux et d’autres qui sont un peu plus long terme à l’instar du développement de nouveaux produits pour cette marque», explique Pierre Poignant.

En effet, portées par le succès des marketplaces, et en particulier de celle d’Amazon, de nombreuses petites entreprises se sont développées en vendant leurs produits exclusivement sur ces plateformes. Un développement aidé par exemple au sein du géant de Seattle par la mise en place du service appelé Fulfilment by Amazon (FBA) ou Expédié par Amazon, qui leur permet de stocker leurs marchandises dans les entrepôts de l’Américain qui prend également en charge l’expédition, le service client et la gestion des retours.

Mais malgré le succès que certaines rencontrent sur ces plateformes, développer sa marque et la faire passer à une autre échelle demande des investissements et des compétences que ces structures- qui pour la plupart peuvent être décrites comme des microentreprises- n’ont pas forcément. C’est là que des entreprises comme Branded interviennent pour capitaliser sur ce qu’elles ont déjà construit, les faire passer à une autre dimension en les rachetant et en faisant grimper les bénéfices. Dans le cas de la startup co-fondée par Pierre Poignant, en fonction des accords passés, soit le dirigeant réalise un exit où il cède sa boîte et n’intervient plus du tout ou ce dernier peut rejoindre les équipes de la jeune pousse.

«Ce n’est pas un marché où le gagnant prend toute la place»

Mais Branded ne se lance pas dans un marché où il est pionnier, même s’il s’agit d’un secteur relativement jeune. De nombreuses entreprises évoluent déjà sur ce créneau avec en tête de file l’Américain Thras.io. Fondée en 2018 par Carlos Cashman et Joshua Silberstein, la startup a atteint une valorisation d’un milliard de dollars en juillet dernier, qu’elle a encore dépassé depuis pour atteindre au moins 4 millions de dollars selon les estimations. Au total, elle a déjà racheté plus de 100 entreprises vendant leurs produits sur Amazon. De plus, elle continue de se financer pour accélérer et a levé 750 millions de dollars début février dans un tour de table mené par ses investisseurs historiques Oaktree Capital et Advent International.

Selon les données de Crunchbase, elle a levé plus de 1,6 milliard de dollars en equity et dettes depuis sa création et se déclare rentable. Derrière suivent une ribambelle de startups. On peut citer la Britannique Heroes, les Américaines Perch, Booster Commerce et Heyday, ou encore les Allemandes SellerX et Razor Group. Elles ont été créées en 2019, voire en 2020. Et toutes lèvent des fonds pour accélérer. L’année dernière, les fonds d’investissement ont misé autour d’un milliard de dollars dans les startups du secteur.

Michael Ronen, ancien du Vision Fund de SoftBank, est l’un des co-fondateurs de Branded. Crédit: Branded.

«Ce n’est pas un marché où le gagnant prend toute la place», estime Pierre Poignant, installé à Paris pour cette nouvelle aventure. Il est vrai que Branded a de sérieux arguments en sa faveur pour parvenir à s’y faire une place. Déjà du côté des fondateurs, le Français, qui occupe le poste de CEO, est entouré de Michael Ronen, ancien responsable américain du Vision Fund de SoftBank basé aux Etats-Unis et qui a pris le poste de président. A leurs côtés a été placé Ben Kaminski, comme chairman, et qui représente le fonds Target Global.

Un soutien non négligeable, notamment en matière de financement. Target Global est un co-fondateur de Branded. Après plusieurs mois de développement discret pendant lesquels le fonds a incubé le projet, début février, la startup a annoncé une levée de fonds de 150 millions de dollars auprès de ce dernier. Un tour de table auquel ont également participé Declaration Partners, Tiger Global, Kreos Capital, Lurra Capital, Regah Ventures, Kima Ventures et Vine Ventures. A cela s’ajoutent les investisseurs privés Mark Pincus (fondateur de Zynga), Jon Oringer (Shutterstock), Maximilian Bittner (co-fondateur de Lazada) et une douzaine d’autres dirigeants ayant exercé chez Amazon, Walmart ou encore Alibaba, avait déclaré Branded. 

Un risque de «surchauffe» dans le secteur?

Des soutiens financiers qui ne seront pas de trop pour parvenir à acquérir des marques prometteuses, ce qui est le nerf de la guerre dans ce secteur. Car si le marché est potentiellement vaste, une étude de FeedbackExpress, spécialisé dans l’e-commerce, estime qu’Amazon seul compte autour de 5 millions de vendeurs tiers sur sa plateforme. L’accélération du e-commerce sous l’effet de la crise, couplée à l’intense compétition entre ces startups attirées par le succès de Thras.io, a rendu les marques qui parviennent à tirer leur épingle du jeu sur les marketplaces encore plus attractives et fait grimper leur prix d’acquisition. Certains observateurs craignent la surchauffe.

En tout cas, le marché profite aux vendeurs. « L’offre et la demande sont en faveur des vendeurs, ce qui fait de 2021 un marché de vendeurs, avec plus d’acheteurs que jamais. Afin de rivaliser entre eux, les acheteurs font preuve de beaucoup de créativité dans la structure de leurs offres, mais cela n’est pas toujours dans l’intérêt des vendeurs», résume par exemple l’entreprise The FBA Broker, spécialisée dans l’accompagnement d’entreprises estampillées «Fulfilment by Amazon» qui souhaitent vendre leur société.

A partir uniquement des données accessibles au public et disponibles en ligne concernant les annonces de ventes d’entreprises «Fulfilment by Amazon», The FBA Broker publie depuis quelques années un rapport sur l’évolution du marché. En ce qui concerne l’année 2020, celui-ci note que «le segment des annonces dont le prix se situe dans la catégorie ‘5 millions de dollars et plus’ ne cesse de croître, ce qui est un signe que l’e-commerce est en plein essor. Ce segment représentait 12% des nouvelles annonces en 2018 contre 21% en 2020, passant de 33 offres il y a quelques années pour presque doubler à 63 en 2020».

Evolution du prix des annonces d’entreprises «Fulfilment by Amazon» à vendre entre 2017 et 2020

Crédit: The FBA Broker.

« Devenir un nouveau type de groupe digital »

A la question de savoir comment Branded compte dépasser les challenges du secteur comme les financements nécessaires pour racheter ces marques, Pierre Poignant répond qu’il s’agit «pour beaucoup de challenges d’exécution»: «notre capacité à exécuter notre stratégie, à être discipliné et à doubler le business très rapidement».

Aujourd’hui, Branded explique avoir racheté plus d’une vingtaine d’entreprises qui représentent à peu près 150 millions de revenus mais donne très peu de détails, à cause justement de cet univers concurrentiel. «Pour des raisons stratégiques et compétitives, nous sommes discrets sur les marques que nous avons en portefeuille», explique Pierre Poignant. Ainsi, la startup ne dévoile pas même leurs noms. L’entrepreneur révèle juste que beaucoup sont positionnées dans l’univers de la maison, d’autres dans celui du sport et des loisirs, et «une ou deux» dans la beauté.

Pourquoi avoir ciblé ces secteurs en particulier? «On cherche à créer un groupe de grande consommation. Nous nous sommes donc focalisés sur les secteurs qui sont de très grandes tailles et qui sont propices à faire émerger des marques, c’est-à-dire que les clients auront une relation avec les marques qui sera plus que juste un besoin fonctionnel», résume Pierre Poignant.

L’ambition de la startup? «C’est un petit peu tôt pour faire des ‘forecasts’ à très long terme», confie Pierre Poignant. Dont le projet ultime est tout de même de «devenir un nouveau type de groupe digital, qui gère ses marques sur Internet, sur Amazon, dans des canaux de distribution digitaux principalement mais aussi pourquoi pas dans des canaux offline pour les marques qui ont le plus de succès». Branded est aujourd’hui présent aussi bien en Europe qu’aux États-Unis.

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