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Brexit: les fonds français face à la sortie du Royaume-Uni

Isai, Serena Capital et Elaia Partners sont trois fonds d'investissements basés à Paris dont les prises de participations ne se limitent pas au seul marché français. Le vote pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne du 23 juin est donc surveillé de près par ces fonds à dimension européenne. Quelles seront les conséquences à long terme de cette sortie prévue, si l'agenda est respecté, dans les deux ans? Les start-up françaises implantées à Londres vont-elles perdre de leur attractivité ? Les réponses de Jean-David Chamboredon, CEO du fonds Isai, Marc Fournier, Managing Partner de Serena Capital et Samantha Jérusalmy, Partner chez Elaia Partners. Elaia Partners a investi notamment dans Criteo, Sigfox, Teads, Mirakl, Shift Technology.

 

Frenchweb: Quelles vont être les conséquences pour l’investissement à Londres,et, inversement, des fonds anglais qui investissent traditionnellement dans les start-up européennes? 

jean-david-chamboredonJean-David Chamboredon, CEO du fonds Isai : Nous entrons dans une période d'incertitude lourde et à durée indéterminée. C'est forcément mauvais d'un point de vue macro… De plus, il est certain que l'éventuel accord entre le Royaume Uni et l'Union Européenne sur les services financiers ne sera pas négocié en tenant compte du microscopique sous-secteur qu'est le capital-risque. Nous ne sommes donc pas du tout maîtres de notre destin.

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A court terme, l'impact sera modéré car les fonds en place vont continuer à être déployés dans le cadre de leurs mandats. A moyen terme, il est probable que le capital-risque "early stage" domestique Britannique qui est vivace résiste bien. On peut être plus interrogatif sur les fonds "late stage" pan-européens, aujourd'hui concentrés à Londres. Les investisseurs internationaux (qui sont les LPs de ces fonds) vont forcément – pour un certain nombre d'entre eux – se poser des question, faire preuve d'attentisme voire rayer de leur carte l'Europe sur le thème "sorry guys, too complicated for us"… Si l'étage "late stage" de la chaîne de financement est en jachère, les acteurs "early stage" devront alors réviser leurs stratégies et sans doute prendre moins de risques… Du capital-risque avec moins de risques, ça n'est pas forcément la bonne recette pour créer des champions Européens !

Marc FournierMarc Fournier, Managing Partner de Serena Capital: L’accès au marché européen et anglais va être plus compliqué pour les entreprises. Les entreprises anglaises viennent notamment de perdre l’accès à 445 millions de personnes en passant de 500 millions de personnes en Europe à 53 millions en Grande-Bretagne. Leur potentiel de croissance étant réduit, il risque fortement d’y avoir moins de capitaux, d’investissements. A l’inverse, l’Angleterre est un gros marché pour les entreprises européennes et Londres bénéficie d’un gros vivier de talents internationaux. Pas mal de start-ups françaises se sont implantées à Londres car c’était une bonne base arrière pour attaquer l’Europe et les US.

Le Brexit va avoir des conséquences importantes pour les start-ups et les Investisseurs américains qui se servaient de l’Angleterre comme porte d’entrée sur l’Europe et qui risquent suite à cet événement, de devenir frileux et d’être plus isolés. Des décisions d'investissement vont être retardées, les levées de fonds se feront moins rapidement, il sera plus difficile d'attirer des investissements à Londres… Les entreprises qui vont vouloir atteindre le marché européen vont désormais s’installer ailleurs qu’en Angleterre.

Samantha-Jérusalmy-UneSamantha Jérusalmy, Partner chez Elaia Partners: Les impacts seront difficiles à chiffrer car certainement résiduels au début et se feront dans la durée. Ils dépendront des accords bilatéraux mis en place entre l’Europe et les UK. Il a toutefois déjà certaines contraintes que l’on peut anticiper:

– On peut prévoir une baisse de l’attractivité des UK. Avant le Brexit, une ouverture ou un investissement aux UK étaient fluides physiquement (notamment grâce a l’Eurostar, l’absence de visa de travail etc.) et fiscalement. Si les accords bilatéraux prévoient un frottement fort humain et fiscal, le rêve de certains de voir toute la finance européenne centrée à Londres peut être remis en cause.

– On peut aussi se poser la question de certains fonds institutionnels européens à investir aux UK : est ce que le FEI (Fonds Européen d’Investissements) qui soutient les fonds anglais va continuer à le faire ? Est-ce que les fonds européen de late stage qui investissaient une bonne part de leurs actifs à Londres ne risquent pas de couper leur financement public ? 

– Une startup française qui veut s’installer en Angleterre se coupe-t-elle des ratios des investisseurs européens qui ont des quotas d’investissements à respecter ? 

– L’incertitude des marchés financiers va certainement freiner un certain nombre de transactions, levées de fonds, etc. et entrainera vraisemblablement frilosité et comportements conservateurs 

– Emmanuel Macron lors de l’inauguration de la French Tech à Londres, parlait de "danger relatif" pour les startups françaises présentes en Angleterre, ce que je crois en effet.

 

Allez-vous revoir votre stratégie sur ce pays?

Jean-David Chamboredon, CEO du fonds Isai : Notre mission est d'accompagner les entrepreneurs dans une trajectoire de création de valeur. Il ne changera pas mais il est probable que les critiques souvent faites au capital-risque continental à savoir d'être plus "risk adverse" que le capital-risque anglo-saxon deviennent encore plus justifiées. Le Venture repose sur un modèle de syndication et de coopétition. Si l'écosystème est affaibli, personne n'en profitera vraiment. Au contraire…

Marc Fournier, Managing Partner de Serena Capital: Les deux prochains mois vont être assez flous. Il risque d’y avoir pas mal de spéculation et effet de bord qui vont engendrer une certaine frilosité. De fait, nous continuerons à regarder le marché anglais tout en restant vigileant sur le fait que le potentiel de croissance des sociétés est suffisamment important en premier lieu sur le marché UK.

Samantha Jérusalmy, Partner chez Elaia Partners:  En tant que fonds, nous devons d'abord attendre de connaître les modalités de sortie et le timing.

 

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