
Brink Therapeutics sécurise 3,5 millions d’euros pour une alternative à CRISPR plus sûre et plus précise
Le génie génétique s’apprête à franchir une nouvelle étape. Brink Therapeutics, jeune entreprise de biotechnologie fondée en 2024, entend révolutionner l’édition du génome en développant une technologie de recombinase programmable capable d’insérer de longues séquences d’ADN sans recourir aux cassures double brin. Une innovation qui pourrait à terme supplanter CRISPR-Cas9 dans certains cas d’usage, notamment en thérapie cellulaire.
Contrairement à CRISPR, dont les cassures sont aujourd’hui connues pour induire des risques de réarrangements chromosomiques et de chromothripsis, Brink s’appuie sur une approche sans rupture de l’ADN. Sa technologie repose sur deux piliers : l’évolution dirigée en microgouttelettes, permettant de cribler des milliards de variants enzymatiques, et l’intelligence artificielle générative, qui anticipe les mutations bénéfiques et réduit significativement les cycles expérimentaux en laboratoire.
La jeune pousse tire également parti des avancées récentes du secteur. En 2024, l’Arc Institute a démontré que les recombinases pouvaient être guidées de manière programmable grâce aux bridge RNAs, ouvrant la voie à des manipulations génétiques de haute précision sans recours aux mécanismes de réparation de l’ADN.
Un changement de paradigme pour la thérapie cellulaire
Brink répond à plusieurs limites structurelles de CRISPR. D’abord, en éliminant les coupures, elle réduit significativement les risques génomiques. Ensuite, elle permet d’insérer des séquences d’ADN de plusieurs kilobases – là où CRISPR est souvent limité à moins d’un kilobase. Enfin, la recombinase fonctionne de manière autonome, sans dépendre des voies endogènes de réparation cellulaire.
La première cible de la startup sont les thérapies CAR‑T dans les cancers hématologiques, un marché estimé à 3 milliards de dollars, où les processus ex vivo sont encore complexes, longs et coûteux. Brink ambitionne de simplifier ces protocoles, voire d’ouvrir la voie à des traitements in vivo « one-shot » beaucoup plus accessibles.
Un positionnement européen dans une course mondiale
Si les ambitions sont élevées, la concurrence l’est tout autant. Aux États-Unis, Tessera Therapeutics s’est imposée comme l’un des pionniers du « gene writing », en combinant recombinases et éléments génétiques mobiles, avec plus de 300 millions de dollars levés à ce jour. En Allemagne, Seamless Therapeutics explore également la voie des recombinases sur mesure, avec un tour seed de 12,5 millions de dollars levé en 2023.
Face à ces géants bien financés, Brink joue la carte de la spécialisation et du modèle plateforme. Plutôt que de se positionner uniquement sur le développement thérapeutique, l’entreprise ambitionne de fournir ses recombinases sous licence, de co-développer des traitements avec des partenaires, et de s’appuyer sur des CDMO pour accélérer l’accès à ses technologies. Une stratégie B2B conçue pour capitaliser sur la puissance de sa technologie sans s’engager dans des cycles de développement trop capitalistiques.
Objectifs à court et moyen terme
D’ici 2026, Brink vise la validation de cinq recombinases capables d’insérer des séquences de plus d’un kilobase, avec un taux d’efficacité supérieur à 50 % en contexte ex vivo. Un premier dossier pré‑IND pour une thérapie CAR‑T est prévu dès 2027. À cette échéance, la société anticipe un tour de série A supérieur à 20 millions d’euros pour accompagner son passage en phase préclinique.
Verrous technologiques et enjeux concurrentiels
Comme toute technologie émergente, la recombinase programmable soulève encore plusieurs défis. Sa programmabilité universelle reste au stade expérimental et dépend d’un affinement progressif des modèles prédictifs. La question des vecteurs in vivo, notamment AAV ou LNP, demeure critique pour l’administration directe chez l’humain. Enfin, la montée en puissance du secteur laisse entrevoir une bataille de brevets à l’image de celle qui a marqué l’histoire du CRISPR, rendant la stratégie de propriété intellectuelle aussi déterminante que les choix scientifiques.
Une levée de fonds pour passer à l’échelle
Brink Therapeutics a récemment levé 3,5 millions d’euros dans le cadre d’un tour de financement Seed bouclé le 16 avril 2025. L’opération a été menée par Kurma Partners et Breega, deux fonds réputés pour leur soutien aux biotech européennes. Ils ont été rejoints par Kima Ventures et plusieurs business angels spécialisés dans les sciences de la vie.
Ce financement intervient à un moment stratégique pour la société, hébergée au sein de l’incubateur PC’UP de l’ESPCI à Paris. Fondée par Jonathan Naccache (CEO) et Harry Kemble (CSO). L’enveloppe permettra à la startup de renforcer ses capacités de criblage enzymatique, d’industrialiser ses premières recombinases propriétaires et de structurer ses partenariats technologiques. En ligne de mire, un positionnement de référence dans l’écosystème européen de l’édition génétique de nouvelle génération.