Catalogue papier et digital: pourquoi les stratégies hybrides sont-elles les plus efficaces?
Interview de Dan Gomplewicz, co-fondateur d'ARMIS, par Laurence Faguer
Paradoxe. Celui qui aide les enseignes à digitaliser leurs catalogues papier est aussi celui qui loue la valeur du média publicitaire papier. Rien n’est tout blanc ou tout noir et ARMIS, la plateforme co-fondée et co-dirigée par Dan Gomplewicz, permet un subtil dosage. Basée sur l’IA, elle offre le seul ciblage géographique sur mesure du marché, pour une allocation des budgets papier/digital au plus fin, magasin par magasin.
Son parti pris, dès 2015, de miser sur les magasins et le local, a valu à la Retail Tech de clôturer l’année 2020 avec une croissance de 100% par rapport à 2019.
Je me suis entretenue avec Dan Gomplewicz pour comprendre pourquoi des enseignes aussi différentes que Monoprix, Norauto ou Stokomani s’en remettent à ARMIS pour digitaliser tout (ou une partie) de leurs catalogues papier.
INTERVIEW
Dan Gomplewicz, ARMIS
Prospectus Papier : pourquoi les stratégies hybrides font-elles la course en tête?
Laurence Faguer : Dan, vous aviez une carrière de direction toute tracée dans la distribution – après onze années au total passées chez Danone, Ed-DIA (en intégrant le Programme Talent Carrefour), E.Leclerc. Qu’est-ce qui vous a décidé en 2015 à fonder ARMIS avec David Baranes ?
Dan Gomplewicz : J’ai toujours travaillé sur le sujet de la promotion. Chez Danone, je pratiquais du Catalina Marketing; chez Carrefour, j’ai vu combien le catalogue était extrêmement important et lié à toute une chaîne opérationnelle; Directeur de la Fidélisation de l’enseigne DIA en Espagne, j’ai touché à l’aspect CRM. Mon entrée chez Leclerc en 2011 pour diriger la Stratégie et l’Innovation était dans la continuité. Une période très intéressante où les retailers se sont dit qu’il fallait concurrencer Amazon en s’appuyant sur leurs magasins. ARMIS est né de cette particularité : les magasins doivent se battre sur Internet avec les outils d’Amazon.
Et vous m’avez dit en préparant cet entretien que vous aviez été inspiré aussi par un de vos patrons.
Dan Gomplewicz : Absolument. La paternité de l’idée d’ARMIS ne vient pas de moi, mais de Michel-Edouard Leclerc qui, fort visionnaire, a annoncé en 2010 la fin du prospectus pour 2020. Certes, le contexte l’a aidé, puisque lors du premier confinement, l’Etat a interdit les promotions – donc les prospectus – dans les grandes surfaces.
Toujours est-il que dès 2010, Michel-Edouard Leclerc a lancé au sein de Leclerc cette division de la digitalisation des catalogues, Ce fut la première génération de digitalisation des catalogues : des catalogues papier disponibles sur le site Internet des enseignes sous format PDF. De vraies audiences se sont alors développées au sein des sites.
Aujourd’hui, nous sommes avec ARMIS à la 4ème génération, après que des médias agrégateurs ont grandi comme Bonial ou Tiendeo et que les plateformes publicitaires telles que Google et Facebook ont sorti des outils publicitaires destinés au local. Nous sommes maintenant la génération de l’outil qui marrie ces plateformes publicitaires dans un but local, dans les mains du retaileur pour les accompagner dans la stratégie de l’enseigne.
4ème génération, cela sous-entend beaucoup d’intelligence artificielle…
Dan Gomplewicz : Bien-sûr, elle nous sert à créer de la valeur pour le retailer en tirant partie des nouveaux usages mobiles. Lorsqu’un consommateur est près d’un magasin et qu’il fait une recherche sur Google, en tapant « PC pas cher » ou « salon de jardin promo », il est dommage que ce soit Cdiscount ou Amazon qui lui répondent, et non pas le magasin Fnac-Darty ou Bricorama à proximité.
Et lorsque vous êtes sur Facebook et que vous regardez près de chez vous ce que vos amis ont fait la veille, il est plus pertinent de pousser la promotion qui vous correspond, qui va vous amener à cliquer et à consulter le catalogue digital ou la page produit concernée. De même sur les sites média en affinité avec le retailer, celui-ci a la capacité d’accroître sa visibilité promotionnelle plutôt que de vous envoyer en digital le prospectus papier.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Dan Gomplewicz : Pour tous les retailers, l’enjeu de la promotion est de cibler au mieux, d’industrialiser le processus et de le rendre plus rentable. Or les équipes internes sont débordées. Nous les outillons et nous les aidons à industrialiser la création et la diffusion de campagnes publicitaires, géolocalisées autour de chaque magasin, sur les différentes plateformes publicitaires.
Est-ce une manière de redonner du pouvoir aux équipes des magasins ?
Dan Gomplewicz : Absolument. ARMIS permet à une enseigne de communiquer sur Internet en local, magasin par magasin, de manière équitable, automatisée et rentable, quelles que soient la performance, la taille et la zone de chalandise de chaque magasin.
Il s’agit de reprendre tout ou partie du catalogue papier et de diffuser autour des magasins en déployant des stratégies publicitaires de fidélisation de clientèles en leur poussant les bons produits, ou, à l’inverse, dans le cas de stratégies d’acquisition, d’identifier des intentionnistes et de « pousser » les produits qui fonctionnent le mieux en local.
Qui orchestre les campagnes ?
Dan Gomplewicz : Tout est orchestré par une plateforme SaaS basée sur l’IA. Notre technologie repose sur deux piliers : un pilier industrialisation et un pilier d’optimisation.
Nous mettons cet outil marketing dans les mains du retailer, que l’on décharge ainsi de toutes les étapes lourdes et répétitives nécessaires habituellement en travaillant avec les plateformes publicitaires, tandis que lui nous donne son regard métier, son regard de commerçant pour définir la stratégie, les cibles, et les zones où il veut diffuser.
En combien de temps se construit une campagne ?
Dan Gomplewicz : L’industrialisation fait que les campagnes se font en deux heures, sous la forme de bannières publicitaires sur Facebook, Google et Waze.
Et vous évoquez un pilier d’optimisation
Dan Gomplewicz : Nous nous servons de l’intelligence artificielle pour optimiser les campagnes locales, de telle sorte que chaque campagne soit indépendante de l’autre. Ainsi, pour une campagne, nous serons amenés à pousser tel produit, tandis que pour une autre, il sera plus rentable d’investir davantage dans une plateforme publicitaire plutôt qu’une autre. C’est ce que nous appelons le MultiLocal.
Pourquoi MultiLocal ?
Dan Gomplewicz : Notre algorithme de Machine Learning offre le seul ciblage géographique sur mesure du marché. Un ciblage multifactoriel qui permet de cibler les vraies zones de magasins (potentiellement à l’IRIS et pas des cercles ou des codes postaux comme proposé nativement par google et facebook. Grâce à une approche géographique très fine, nous optimisons les investissements en réduisant les duplications sur une même zone. Et le magasin va pouvoir définir des zones différenciées selon sa stratégie, la conquête d’un nouveau quartier, par exemple, ou la fidélisation d’une clientèle existante.
DIFFUSION OPTIMISÉE LOCALEMENT POUR CHAQUE MAGASIN
Il s’agit de prendre des décisions en utilisant uniquement les données provenant des magasins et de l’opération en cours afin d’optimiser localement la diffusion publicitaire sur de multiples dimensions : allocation budgétaire entre les différentes plateformes, sélection des meilleures offres, répartition sur les terminaux, en tenant compte de l’intelligence native des plateformes ainsi que la contrainte multilocale.
Quels sont justement les principaux cas d’usage ?
Dan Gomplewicz : Notre premier cas d’usage est la mission première d’ARMIS : « Comment arriver à être plus efficace tout en diffusant moins de papiers ? ». Un second cas d’usage est purement publicitaire : « Comment rendre le retailer plus visible face aux commerçants online ? »
Vos clients sont-ils essentiellement dans la distribution alimentaire ?
Dan Gomplewicz : Plus maintenant, et ce fut la surprise de 2020. Notre chiffre d’affaires est constitué à 50-50 entre alimentaire et non alimentaire, mais le non alimentaire a réalisé une croissance 2 fois plus grande que l’alimentaire que l’année passée. Les commerces non alimentaires ont été amenés à vouloir plus communiquer en sortie de confinement, pour refaire venir les gens en magasins. Cela devait se faire rapidement, et parfois avec une logique régionale. Nous les avons aidés dans cet objectif. Par contre, cela a été plus compliqué pour les commerces non esentiels et nous avons hate de les aider dans cette 2e partie d’année 2021. Nous travaillons pour Monoprix, Intermarché, mais aussi pour Norauto, Stokomani, Bricorama, et beaucoup d’autres.
Prenons l’exemple de Norauto. Nous ne sommes pas censés devoir recourir à Norauto toutes les semaines. Quel dispositif leur avez-vous préconisé ?
Certes la fréquence d’achat n’est pas celle d’un supermarché, mais Norauto sait qu’il lui faut être constamment visible. Qu’il s’agisse d’entretenir sa voiture ou de préparer le changement du pneu d’hiver, l’information du consommateur via le digital, en amont de cet achat, est extrêmement importante. Norauto utilise ARMIS pour communiquer sur des promotions intéressantes sur des zones primaires à côté de ses établissements.
Et ces derniers mois, Norauto, comme beaucoup de nos clients, a pris à cœur son rôle de lien social, en développant des messages pratiques et institutionnels, tels que horaires d’ouverture adaptés, livraisons et services de Click & Collect, etc. Norauto a massivement communiqué sur son dispositif de sortie de confinement, avec un service au point de vente ou à domicile.
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Les directions marketing ont des preuves que cela marche.
Comment se fait la mesure des résultats ?
Dan Gomplewicz : Dans cette phase de transformation, les retailers mesurent de deux manières : première manière, par le biais des grandes plateformes publicitaires, Google et Facebook, au moyen de leurs propres solutions de mesure publicitaires. Ou alors via des partenaires Tech tiers, tels que LiveRamp, Adsquare ou Kairos, en mesurant, pour deux populations, leur incrémental de ventes en magasin, avec une population test qui a été exposée à la publicité digitale, tandis que l’autre est non exposée.
Au final, après ces tests de mesure intrinsèques, nous avançons surtout dans la recommandation magasin par magasin d’une baisse de papier, décidée conjointement par l’enseigne et nous compensons cette baisse de pression publicitaire par un renfort digital optimisé au local. Dans ce cadre, une enseigne alimentaire, dont la dépendance au catalogue papier est la plus forte du marché, est capable aujourd’hui de réaliser des économies nettes de l’ordre de 10 à 15% de son budget marketing prospectus tout en compensant une baisse de papier de l’ordre de 30% aujourd’hui.
Les directions marketing disposent donc de vraies preuves tangibles.
Dan Gomplewicz : Ils ont en effet des preuves que cela marche. Ensuite, il faut sauter du plongeoir… Parfois, nous leur proposons de se faire accompagner par un des cabinets de conseils aux processus extrêmement méthodiques, qui peuvent préconiser au retailer, en local, magasin par magasin, zones par zones autour des magasins, s’il est effectivement pertinent de supprimer une zone, et si oui, laquelle.
Ensuite, le retailer décide de mettre le curseur là où il le souhaite. Certains vont baisser de 10 %, d’autres de 100% car ils sont davantage présents en ville, avec des cibles plus digitales et un niveau de Stop pub à 40 %…
Quel est le modèle économique ?
Nous sommes sur un modèle d’abonnement , avec un tarif au nombre de magasins connectés. La mise en place est rapide, entre un et trois mois pour intégrer notre technologie.
En France, où en sommes-nous dans la digitalisation des catalogues papier ?
Dan Gomplewicz : Le catalogue papier est un marché publicitaire à fort potentiel, mais qui met du temps pour engager sa mutation digitale. Si 50 % de la valeur du marché publicitaire est concentrée sur le digital, nous ne sommes pas du tout sur des chiffres équivalents pour le catalogue.
En 2019, France Publicité a mesuré une baisse du prospectus papier à – 5%. En 2020, corrigé de l’effet Covid, nous sommes à une baisse du marché de -15%.
En fait, le niveau de digitalisation est très différent selon la typologie des magasins. Monoprix et Norauto Franchisés ont arrêté 100% de la distribution de leurs catalogues papier. Bricorama est dans une direction stratégique de baisse de 30 % en moyenne. De manière générale, les retailers français sont davantage sur une combinatoire optimale de ciblage des clients plutôt qu’un arrêt total du papier.
L’outil marketing prospectus existe depuis trente ans. Chez ARMIS, nous respectons le papier. Il a énormément de valeur pour communiquer massivement en local et pour relayer un grand nombre de produits.
Vous mentionnez dans votre Livre Blanc « Les 3 clés de réussite pour digitaliser son catalogue papier » que, je cite « les contraintes réglementaires se resserrent, notamment pour la distribution en boîtes aux lettres ». Faites-vous allusion à la Loi Climat ?
Dan Gomplewicz : Oui, vous avez dû voir que la Loi Climat préconise que l’autocollant « Stop pub » soit remplacé par un « Oui pub ». Les enseignes doivent – et veulent – s’adapter aux défis écologiques d’aujourd’hui. La loi anti-gaspillage et la convention citoyenne ont fait de l’écologie un enjeu majeur de la communication des distributeurs.
Mais il ne faut pas croire que toutes les solutions digitales soient vertueuses. Nous avons la chance chez ARMIS d’être accompagné par un cabinet indépendant de mesure de notre empreinte écologique qui a défini que nous sommes 50 fois moins polluant que le catalogue papier.
Comment cela ?
Par le fait d’être sollicité par les plateformes publicitaires et non d’ouvrir un email, qui engendre un stockage de données.
Le catalogue papier ne va donc pas disparaître ?
Il y a des moments dans l’année où le catalogue est très important. A Noël, par exemple, il a un rôle de sélection de produits, de conseil et de pédagogie, avec un contenu éditorial renforcé.
La mission d’ARMIS est au contraire d’aider les Retailers à défendre cette approche humaine du commerce.
Après cette année 2020 si particulière, quels changements survenus durant la pandémie vont, selon vous, perdurer ?
Dan Gomplewicz : Ce n’est pas tant un changement qu’une confirmation : le commerce restera toujours physique. Le magasin va être un lieu de vie, pour un commerce plus humain.
Regardez actuellement, nous sommes contents d’aller chez Système U faire nos courses !
Je ne veux pas d’un monde où l’exploitation de la donnée serait poussée à son maximum, un monde dans lequel mes enfants ne rencontreraient plus de personnes, parleraient sur des applications, un monde dans lequel Amazon vous connaît si bien qu’il prend à votre place les décisions sur toute votre consommation sans vous laisser votre libre arbitre. Une IA qui transformerait le commerce en une expérience froide et désincarnée. La mission d’ARMIS est au contraire d’aider les Retailers à défendre cette approche humaine du commerce.
Vous avez renforcé votre équipe de direction en novembre avec notamment l’arrivée de Nathalie Azoulay, nommée Directrice des ventes France, venant de Saleforces. Vous attendez-vous à une très forte expansion sur 2021 et les années suivantes ?
Dan Gomplewicz : Nous sommes dans une phase de forte croissance organique, à la fois par de nouveaux marchés, et de nouveaux clients. A l’international, nous sommes présents en Espagne, en Italie, au Portugal, en Belgique et en Pologne, avec nos clients français présents à l’étranger et des acteurs locaux. Et nous étendons nos offres pour servir de nouvelles verticales, comme l’assurance, la banque, l’immobilier, les constructeurs automobiles pour réaliser de la communication locale, lors d’une ouverture d’agence, ou d’un moment de fidélisation.
Et pour finir, une question à l’entrepreneur Tech : comment vous tenez-vous au courant de toutes les innovations et les mouvements qui agitent l’écosystème ?
Dan Gomplewicz : Je suis passionné de Retail, donc je lis en premier lieu les médias très retail – LSA, Linéaires, Points de Vente. Et j’ai la chance que mon co-fondateur et co-CEO David Baranes ait un prisme très media et technologique, pour étudier comment évolue le marché, les supports publicitaires, la technologie, les différentes plateformes. Nous formons une co-direction d’une société Retail Tech qui fonctionne très bien parce que justement, nous sommes deux associés extrêmement différents.
Pour aller plus loin:
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L’experte:
Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse « go-between » France et USA, fondatrice de Customer Insight.
A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en Digital, Mobile et Retail aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve aux U.S.
Laurence est l’une des expertes retail et beautytech de FrenchWeb, vous pouvez régulièrement retrouver ses analyses, et interview sur Decode Retail.