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Ce qu’il faut retenir du rapport de Cédric Villani sur l’intelligence artificielle

Il était attendu depuis plusieurs mois, il est désormais dans les mains du gouvernement. Mercredi soir, le député (LREM) Cédric Villani, mathématicien de formation, a rendu son rapport sur l’intelligence artificielle. Pour le rédiger, il a été appuyé par Yann Bonnet, secrétaire général du Conseil national du numérique, et Marc Schoenauer, directeur de recherche à l’Inria.

Réalisé à la demande du Premier ministre Edouard Philippe, le document, qui contient plus de 240 pages, dresse un état des lieux du secteur dans l’Hexagone et formule des propositions pour permettre à la France d’être un leader mondial de l’intelligence artificielle. A partir de ces recommandations, le président de la République Emmanuel Macron dévoilera ce jeudi la stratégie de la France en matière d’intelligence artificielle.

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La France loin derrière les États-Unis et la Chine 

Après 420 auditions d’experts dans différents domaines menées dans le cadre de ce rapport, le constat de Cédric Villani est clair : la France est en retard sur l’intelligence artificielle. Pire, elle ne figure même pas dans le Top 5 mondial du secteur, dominé sans surprise par la Chine et les États-Unis, mais aussi par l’Israël, le Canada et le Royaume-Uni. Pour rappel, Pékin a annoncé en juillet 2017 un plan de développement national en faveur de ce secteur pour que l’industrie de l’intelligence artificielle génère plus de 20 milliards de dollars à l’horizon 2020 et près de 60 milliards de dollars d’ici 2025.

Avec un tel plan, la Chine entend rivaliser avec les leaders américains du marché, qui ne sont autre que Microsoft et Google. Cependant, pour Cédric Villani, suivre le modèle des géants américains n’est pas la démarche idéale. «Ce n’est pas forcément grâce à un Google européen que la France et l’Europe pourront se faire une place sur la scène mondiale de l’intelligence artificielle», estime ainsi Cédric Villani dans son rapport. Et d’ajouter : «Elles doivent pour cela inventer un modèle spécifique.»

Face aux GAFAM, l’urgence d’avoir une «souveraineté» française et européenne 

Pour créer ce modèle, Cédric Villani recommande de mettre en place «une politique de la donnée offensive qui vise à favoriser son accès, son partage et sa circulation», aussi bien en France que dans l’ensemble de l’Europe. «Cela devra passer par une incitation des acteurs économiques au partage et à la mutualisation de leurs données, l’État pouvant ici jouer un rôle de tiers de confiance», explique le rapport. S’il plaide en faveur d’une politique d’ouverture des données publiques, Cédric Villani souhaite également que l’État puisse intervenir auprès du secteur privé. «Dans certains cas, la puissance publique pourrait imposer l’ouverture s’agissant de certaines données d’intérêt général», précise ainsi le mathématicien.

Pour être totalement autonome vis-à-vis des États-Unis et de la Chine, qui ont des visions bien différentes de la France et de l’Europe en matière de protection des données, le député LREM souligne l’importance d’instaurer une «souveraineté» française et européenne. Dans ce sens, il se réjouit du nouveau Règlement général sur la protection des données (RGPD) qui entrera en application le 25 mai prochain. Le RGPD doit constituer la première pierre angulaire du mouvement vers la sécurité, la portabilité et surtout la souveraineté des données personnelles en France et en Europe.

Mettre l’accent sur la recherche pour séduire les scientifiques français et étrangers 

Pour être à la pointe en matière d’intelligence artificielle, la France a besoin de ses talents, ce qui passe donc par le développement de la recherche dans l’intelligence artificielle. La situation est aujourd’hui assez critique. Et pour cause, le nombre d’étudiants dans le secteur n’est pas suffisant et l’Hexagone doit faire face à une «fuite des cerveaux». Les jeunes talents sont en effet très souvent aspirés par les géants du numérique, comme Google, qui a annoncé en janvier l’ouverture d’un centre européen dédié à l’intelligence artificielle à Paris, qui disposent de moyens conséquents pour les séduire. Pour éviter que les chercheurs français ne soient tentés de quitter le navire national, le rapport suggère «un doublement des salaires en début de carrière».

Pour que la France garde ses talents, mais aussi pour qu’elle soit attractive pour attirer les meilleurs scientifiques étrangers, Cédric Villani veut également créer «un réseau de recherche d’excellence» en intelligence artificielle, qui se traduirait par l’ouverture d’instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (3IA) sur l’ensemble du territoire. Le mathématicien voit dans ces établissements des «zones franches de l’intelligence artificielle» avec peu de formalités administratives et des compléments de salaire. Pour les chercheurs et leurs partenaires économiques, le rapport propose aussi au gouvernement de mettre à disposition d’un supercalculateur français et européen. A l’horizon 2020, Cédric Villani recommande de multiplier par trois le nombre de personnes formées à l’intelligence artificielle.

L’impact de l’IA sur le marché du travail

C’est la crainte majeure soulevée par l’intelligence artificielle : les robots vont remplacer la plupart des emplois. Si les études sur le sujet ne livrent pas les mêmes prévisions, comme le souligne le rapport, Cédric Villani a choisi quant à lui de ne pas se montrer alarmiste, mais à appeler à «préparer la transition», en estimant que l’intelligence artificielle et l’automatisation vont engendrer «une transformation d’ampleur du marché du travail». Pour préparer la transition dans les meilleures conditions, le député LREM suggère de créer un «lab public de la transformation du travail» pour s’assurer que «la capacité d’anticipation soit pérenne, continue et surtout articulée avec des politiques publiques».

Une IA plus féminine, plus éthique et plus écologique

C’est un des points noirs dans l’intelligence artificielle jusqu’à maintenant, elle ne fait pas la part belle à la diversité. «L’intelligence artificielle ne peut pas être une nouvelle machine à exclure», a note Cédric Villani. Le mathématicien souligne ainsi le besoin de féminisation du secteur. Dans ce sens, il veut atteindre un taux de 40% d’étudiantes dans les filières du numérique d’ici 2020. Cela passera notamment par l’élaboration d’une «base de données nationale permettant d’objectiver les inégalités entre les femmes et les hommes au travail» dans le secteur. Regrettant le manque de diversité dans les filières scientifiques et éthiques, Cédric Villani estime que «l’un des grands défis de l’intelligence artificielle consiste à parvenir à une meilleure représentativité de nos sociétés». Dans cette optique, le rapport émet l’hypothèse de créer un fonds pour soutenir la diversité dans les métiers de l’intelligence artificielle.

Comme l’intelligence artificielle est amenée à bouleverser en profondeur la société, Cédric Villani veut placer l’éthique au coeur de la formation des chercheurs. «Il est essentiel qu’ils agissent de manière responsable, en prenant en considération les impacts socio-économiques de leurs activités», indique le rapport. De plus, le député suggère de créer un comité d’éthique de l’intelligence artificielle, qui vise à organiser le débat public et à délivrer des avis et des recommandations «en toute indépendance». Il souhaite également se saisir de la problématique des «boîtes noires» qu’il considère comme «des systèmes algorithmiques dont il est possible d’observer les données d’entrée, les données de sortie, mais dont on comprend mal le fonctionnement interne». Pour les examiner, Cédric Villani préconise la constitution d’un corps d’experts publics capables de réaliser des audits d’algorithmes et des bases de données, qui pourraient être saisis en cas de litige.

Si l’intelligence artificielle doit perdurer, autant que ce soit en respectant l’environnement. Cependant, les besoins en espace de stockage dans le monde nécessaires pour le développement de l’intelligence artificielle risquent d’être supérieurs aux ressources produites par la planète d’ici 2040. Pour éviter d’atteindre cette situation critique, le mathématicien songe à l’informatique neuromorphisque, qui cherche à créer des équivalents artificiels du cerveau humain, domaine dans lequel la France excelle. Aux yeux de Cédric Villani, cela permettrait de faire «des économies d’énergie considérables», qui seraient bienvenues d’autant plus que le développement de l’intelligence artificielle se concentrera sur des secteurs clés comme la santé, la mobilité et la sécurité.

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Un commentaire

  1. Bien entendu on à l’ œil qui scintille en lisant au sujet de la France et de l’Europe : «Elles doivent pour cela inventer un modèle spécifique.».

    Mais on déchante vite quand on lit au sujet de l’impact de l’IA sur le marché du travail que Cédric Villani a choisi quant à lui de ne pas se montrer alarmiste, mais à appeler à «préparer la transition».

    Ce n’est donc pas demain la veille qu’elles (la France et l’Europe) nous concocteront un modèle sociétal inclusif (on ne peut faire plus spécifique) qui prendra en compte la conséquence de l’IA et du travail des machines sur notre vivre ensemble.

    Mais puisqu’on vous dit de ne pas vous montrer grossièrement alarmiste ! ‘Transitionnons’ donc joyeusement…

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