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[CES 2019] Les premiers retours d’Olivier Ezratty

Par Olivier Ezratty, expert FrenchWeb

La question qui est sur toutes les lèvres après un CES est «Quelles sont les tendances de cette édition» ? Ces tendances ne sont pas celles du salon mais celles d’industries toutes entières et interconnectées qui ciblent le marché grand public, intégrant aussi bien l’audio-vidéo-photo-informatique classique que les objets connectés, les transports, la santé ou même les produits de l’électroménager. Les tendances d’une telle quantité d’industries et secteurs d’activité ne peuvent donc se résumer à quelques bullet points.

Les CES se suivent et se ressemblent avec des évolutions graduelles. D’une année sur l’autre, on n’observe pas d’évolutions majeures. En faisant des bonds de 3, 5 ou 10 ans, les changements sont plus manifestes. Qui plus est, tous les visiteurs et commentateurs du CES ont des biais cognitifs dans leur analyse. On voit les tendances là où portent nos centres d’intérêt. Un spécialiste de la cybersécurité ou des transports va rapidement considérer que son domaine est « la » tendance du salon. Chaque année, les nouveaux visiteurs sont étonnés de découvrir le Hall Nord du salon qui est entièrement consacré à l’automobile. Mais ce n’est pas du tout une nouveauté. C’était déjà le cas lors de ma première visite en 2006. C’est le contenu associé qui a changé, avec plus d’équipementiers et de constructeurs. Pour certains, Central Hall était plein de TV, pour d’autres, moins qu’avant et les deux sont vrais !

Comme je m’intéresse un peu à tout, j’ai une impression plus diffuse et dispersée de ces tendances. Mais j’ai tout de même quelques biais, je le reconnais.

Cette cuvée 2019 voyait confirmer quelques évolutions finalement assez bien identifiées :

  • Une omniprésence de l’intelligence artificielle qui est mise à toutes les sauces, surtout au niveau de la commande vocale, mais aussi d’autres usages, notamment pour la reconnaissance et le traitement d’images et du son, ou l’exploitation de données structurées diverses issues de capteurs. Elle se manifeste aussi dans les composants électroniques avec la vague du « edge AI » et le déport de traitements dans les objets connectés.
  • Une mise en valeur des efforts technologiques des équipementiers et constructeurs automobiles pour améliorer l’expérience du conducteur et des passagers, et nous préparer graduellement à l’avènement des véhicules autonomes.
  • La poursuite des investissements des équipementiers télécoms pour préparer les déploiements de la 5G aussi bien pour des applications grand public que dans diverses industries.
  • Les constructeurs de TV qui mettent le paquet sur la 8K alors que la 4K n’est pas encore largement déployée. On peut se demander si cette course à l’échalote de la résolution et de la taille des écrans ne va pas un peu trop loin.
  • La santé et le bien être qui prennent encore plus de place qu’avant, notamment chez les exposants français dont c’est devenu le premier thème. On mesure tout, avec une recrudescence de capteurs d’électrocardiogrammes et de l’activité cérébrale. Les offres couvrent aussi bien les besoins des bébés que des séniors et toutes les variations entre les deux. C’était une intuition vérifiée par les chiffres puisqu’il y avait 25% d’exposants en plus dans le secteur de la santé sur cette édition (source) !
  • La thématique de la résilience promue par les organisateurs du salon. Elle recouvre divers domaines comme la cybersécurité, la protection des données privées, les questions énergétiques, environnementales et sociétales. Même si elles étaient anecdotiques, il y avait quelques solutions de « digital detox » qui compensent la majorité des solutions du salon qui versent plus dans la « digital intox ».
  • Quelques progrès dans le domaine de la réalité virtuelle ou augmentée, mais pas de quoi sauter au plafond.
  • L’émergence de quelques dizaines de startups exploitant une blockchain, mais cela reste encore marginal.
  • L’informatique quantique ! Non, c’était en fait une blagounette d’IBM qui annonçait au CES son premier ordinateur quantique commercial à 20 qubits. Certains ont cru qu’il s’agissait d’un ordinateur grand public design pour la maison. Il faudra attendre encore un peu pour que cela soit le cas. Un peu pouvant signifier au moins une à trois décennies ! C’est le côté « smoke and mirrors » du CES ! D’ailleurs, peu de gens savent que cet ordinateur quantique de 20 qubits peut-être simulé sur un simple laptop !

Le reste est plutôt routinier : une maison connectée toujours aussi ennuyeuse mais en plus en plus pilotée par la voix, des usages toujours plus nombreux dans le domaine de la santé, des écrans et TV qui continuent de s’agrandir, des smartphones toujours plus puissants, des drones qui sont devenus des produits de commodité moins valorisés dans l’ensemble, de l’audio qui gravite toujours de plus en plus autour des mobiles et des laptops de plus en plus convertibles.

Les pratiques des exposants évoluent mais assez lentement. Elles naviguent entre les présentations classiques de produits et celles de scénarios utilisateur en associant plusieurs, ce que l’on appelle une “expérience utilisateur”. Il y a des cas où cela a beaucoup de sens, comme pour décrire le futur habitacle des véhicules autonomes que j’ai pu voir chez Faurecia. Dans le cas de la maison connectée, l’exercice est plus difficile car c’est franchement lassant même si cela commence à fonctionner convenablement.

Voyons cela un peu plus en détail en trois catégories de tendances : celles qui concernent les tendances transversales comme l’IA, la blockchain, la 5G et les composants, puis les tendances par catégories de produits finis (TV, mobiles, transports, PC, photo, objets connectés). J’en ajoute une troisième qui porte sur les pratiques marketings des exposants que j’examine avec un regard critique chaque année.

Les tendances transversales sont très importantes. Nombre de grandes vagues technologiques ne sont pas le fait d’une marque sauveuse à la « Apple ». Elles résultent de l’effort combiné d’une myriade d’acteurs spécialisés. Elles se consolident en plateformes, produits et services dans des marchés plus ou moins fragmentés. Trois domaines l’illustrent parfaitement : l’IA, les véhicules autonomes et la 5G.

Pour comprendre où ils en sont, il faut à la fois évaluer les usages et leur valeur mais aussi l’état de l’art des composants technologiques associés dont l’intégration pose des défis énormes. Le CES permet de récupérer les dizaines voire des centaines de pièces d’un puzzle géant mais sans la couverture sur une boîte pour le reconstituer ! Il faut donc se créer une image mentale et structurée du domaine puis se la synthétiser. Cela prend du temps.

La visite du salon à elle seule ne permet pas de le faire. Pour moi comme pour tout observateur sérieux, la visite du CES n’est qu’une toute petite brique d’une démarche intellectuelle construite servant à comprendre l’industrie et à y naviguer et innover. Il faut passer du temps pour décoder ce que l’on a vu, entendu et photographié, pour comprendre la signification d’un jargon technique de plus en plus abscons, pour identifier les chausses trappes, les fausses pistes, les choses qui marchent et celles qui ne marchent pas.

Face à de nombreuses idées, j’essaye d’apporter une démarche quantitative un peu rationnelle. Cela porte notamment sur la présence française qui, comme chaque année depuis 2014, génère des débats sans fin sur sa qualité et sur l’articulation de la French Tech. Dans mon Rapport du CES, je fournirai comme d’habitude quelques indicateurs permettant de mieux se comparer aux autres pays. Je porte comme nombre de commentateurs un regard mitigé sur cette présence français, autant d’ailleurs sur les exposants que sur les visiteurs. J’essaye d’identifier les lignes de forces et pistes qui permettraient de l’améliorer. Il existe de nombreuses bonnes pratiques de cette présence sur lequel le collectif France peut s’appuyer pour améliorer sa compétitivité.

C’est enfin le théâtre de l’absurde et un gigantesque bêtisier d’une créativité humaine débridée. Tous les dingos de la technologie sont au CES. Cela explique pourquoi on y trouve aussi bien une crypto-monnaie provenant du Luxembourg dont la valeur est indexée sur la valeur de boites de sardines de collection que des machines à sécher les chiens et chats après leur douche ou un passage sous la pluie ou une startup qui propose de séquencer l’ADN de votre chat.

J’y vois également émerger de nombreux produits pour les fainéantosaures, une évolution récente de l’espèce humaine : des robots qui vous apportent votre bière et l’apéro sur votre canapé pendant un match de foot, le caddie robotisé pour golfeurs fatigués ou l’enceinte flottante pour votre piscine qui contient évidemment l’emplacement pour votre verre de boisson rafraîchissante. Bref, au CES 2019, on peut aussi se marrer de l’absurdité de notre bas monde. On peut aussi rire un peu jaune, car ce salon illustre parfois une déconnexion complète entre l’offre et les préoccupations d’une grande partie de la population mondiale.

Dans la suite, je vais me focaliser uniquement sur quelques thèmes, le reste sera détaillé dans mon habituel rapport complet du CES de plusieurs centaines de pages et gratuitement téléchargeable, une tradition inchangée depuis 2006. Vous excuserez la quantité d’anglicismes de cet article. Ils prolifèrent dans les sujets du CES et n’ont pas toujours un équivalent français sous la main.

Intelligence artificielle

L’IA était encore plus omniprésente au CES 2019 qu’en 2018. C’en est au point que d’ici quelques années, on n’en parlera probablement plus. Elle se sera fondue dans presque l’intégralité des produits intégrant du logiciel et des données. Dès qu’un produit ou un usage génère des données, chiffres, textes, voix, musique ou images, l’IA peut les exploiter pour réaliser des prédictions, de la segmentation, de la classification, de la reconnaissance d’objets dans les images, vidéos et le langage.

Amazon Alexa

Au CES 2019, l’IA était surtout visible dans les innombrables produits pilotables par la voix et qui supportent en particulier Google Assistant et Amazon Alexa. Ils rivalisaient dans leur présence sur le salon. Google avait un énorme stand en extérieur, un peu trop agencé pour les gogos de visiteurs avec un petit train en hauteur, bref, une débauche de moyens marketing digne d’un parc d’attraction. C’était un peu consternant.

Google booth

Ils occupaient aussi le terrain avec des centaines d’hommes et femmes en blanc qui étaient positionnés sur les stands de produits utilisant Assistant mais sans faire grand-chose. Il s’agissait bien entendu de démonstrateurs de sociétés d’événementiel et pas de collaborateurs de Google. Amazon avait de son côté un ballroom complet au Venetian avec un showcase de produits supportant Alexa. Nombre d’acteurs de l’industrie choisissent l’un ou l’autre, et parfois les deux, et ajoutent des acteurs tiers selon les besoins comme Nuance, ou bien DuerOS de Baidu et Tmall Genie d’Alibaba s’ils ciblent le marché Chinois.

La commande vocale est présente dans des systèmes de vidéosurveillance, dans la commande de vidéoprojecteurs chez LG Electronics avec son CineBeam Laser 4K HU85L, dans le routeur Wi-Fi Asus RT-AX88U, dans le préampli Yamaha CX-A5200 qui égalise dynamiquement avec l’IA le son multicanal, dans les véhicules à conduite assistée ou autonome et même pour tirer la chasse d’eau avec les WC connectés de Kohler ou pour piloter des systèmes de distribution de croquettes pour chiens vus sur le stand d’Amazon.

La voix n’est pas la seule interface vue sur le salon. On voit aussi émerger des approches dites multimodales qui associent plusieurs sens : la parole mais aussi le geste, le toucher et même la détection du visage.

L’IA était aussi exposée comme permettant d’améliorer le son dans une pièce, comme avec les barres de son de LG Electronics. Elle sert aussi à l’upscaling des images dans les TV de quasiment tous les constructeurs comme Samsung et LG Electronics. De manière plus discrète, l’IA est enfouie dans les objets connectés et systèmes qui réalisent des prédictions et des recommandations. Ce sont les cas où l’IA est la moins explicite et la moins bien documentée.

Les objets les plus polyvalents à base d’IA sont les robots mais ceux que l’on pouvait observer au CES 2019 n’allaient pas plus loin qu’en 2018. Ce sont toujours des robots mono-fonction, comme les aspirateurs ou les robots de services qui sont surtout des tablettes à roulettes. Au CES, la robotique fait plutôt du surplace. Au Japon, Honda a abandonné Asimo en mai 2018, son robot humanoïde lancé en 1986 et amélioré régulièrement depuis. Le CES regorge de copycats des Pepper et Nao de feu Aldebaran Robotics.

L’année 2018 a été marquée par les tourmentes de Facebook, secoué par différentes affaires comme celle de Cambridge Analytica et les douloureux témoignages de Mark Zuckerberg au Congrès US ou à la Commission Européenne. Cela a continué jusqu’en décembre 2018 avec la découverte de la fourniture de données très privées des utilisateurs à d’autres acteurs comme Microsoft. Google a mieux résisté à la tempête mais fait tout aussi peur. Apple a profité de tout cela pour être présent pour la première fois au CES 2019 mais de manière indirecte : via une seule publicité géante apposée sur un building de plus de 15 étages proche du Convention Center. Avec un message corollaire des métaphores Lasvegasiennes : ce qui est dans votre iPhone n’en sort pas. Bon, ce qui n’est pas tout à fait vrai si l’on fait appel aux services iCloud.

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L’IA éthique et responsable, respectueuse de la vie privée des utilisateurs était aussi à l’ordre du jour, avec la promesse du « privacy by design ». C’est l’objet du projet Solid de la startup Inrupt lancée par Tim Berneers-Lee, pour permettre le contrôle sélectif de ses données personnelles gérées dans des « pods ». C’est le message de plusieurs acteurs dont le Français Snips pour sa solution de commande vocale d’objet connectés fonctionnant localement dans les objets, LinTo à nouveau présent avec son agent de commande vocale en open source qui peut aussi se passer du cloud et l’Américain Mycroft montrant son enceinte vocale open source Mark II, tous trois présents sur Eureka Park. Dans la pratique, le cloud est indispensable dès lors que la commande vocale doit accéder à des contenus, d’où l’approche hybride d’Orange et Free qui associent Amazon Alexa pour ces derniers et leur propre agent vocal pour la commande de leurs boxes et services.

Le diable de la commande vocale est dans les détails : combien de mots sont supportés, est-ce que plusieurs langues sont supportées, quelles briques technologiques sont utilisées, quel est le taux d’erreurs de la reconnaissance vocale ?

L’IA apparaissait aussi au CES dans des contextes très variés. Chez le Français Mobioos qui automatise la création d’applications d’entreprises et survend un peu la chose, chez Zoi Meet (Pays Bas), avec sa solution de traduction de réunions internationales qui prend des notes automatiquement.

L’un des thèmes clés était celui de l’IA « émotionnelle », vu à différents endroits comme chez le Français Datakalab qui analyse les émotions dans les visages d’audiences, avec le robot du stand de Neurodata Lab qui était capable d’identifier sept émotions différentes de plusieurs personnes et d’y réagir (vidéo), ainsi que chez Nuance avec son assistant vocal Dragon Drive pour les automobilistes qui analyse la tonalité de la voix ainsi que les mouvements des yeux et de la tête, permettant de détecter certaines émotions. Il exploite les APIs d’Affectiva. Cela permet d’adapter la réponse des systèmes embarqués, jusqu’à créer des publicités ciblées en fonction de ce que les passagers et conducteurs observent à l’extérieur du véhicule. J’ai trouvé plein d’autres solutions de ce genre que je détaillerai dans le Rapport.

Composants

Le CES est aussi le terrain de batailles moins visibles pour le grand public : celui des composants électroniques qui entrent dans la composition des produits de toutes catégories. C’est un marché de plus de $400B qui est en croissance. Ce CES était l’occasion d’observer quelques évolutions importantes.

Cela commence avec l’arrivée de chipsets intégrés en 7 nm qui équipent les smartphones les plus récents chez Apple et Huawei. La roadmap des fondeurs va au-delà chez Samsung et TSMC, jusqu’au 3 nm, qui utilisera des techniques nouvelles d’intégration exploitant des nanofils. Intel est toujours en retard dans cette course et pourrait enfin lancer ses processeurs en 10 nm en 2019. Sachant que leur 10 nm est à peu près équivalent au 7 nm de TSMC et Samsung.

Le lancement clé de la fin 2018 était ceux des Qualcomm Snapdragon 8xn et 855, le premier étant dédié aux PC en architecture Arm et le second aux smartphones 5G, via l’ajout du modem X50 qui supporte cette dernière. Ils étaient bien évidemment démontrés sur le stand de Qualcomm.

Qualcomm

Le CES voyait AMD lancer ses premiers chipsets gravés en 7 nm, à la fois des GPU (Radeon VII) et des CPU pour serveurs (EPYC Rome). Nvidia lançait de son côté un GPU milieu de gamme ultra-puissant, le RTX 2060, également gravé en 7 nm et commercialisé dans des cartes graphiques à $350.

L’autre évolution est la poursuite de l’intégration de blocs fonctionnels adaptés au deep learning dans les processeurs aussi bien côté serveurs que dans l’embarqué. Nvidia domine nettement ce marché côté serveurs mais il est bien plus ouvert dans l’embarqué. Tous les grands fournisseurs de chipsets de smartphones s’y sont mis. Après HiSilicon/Huaweï et Apple, c’était au tour de Samsung, Qualcomm et Mediatek d’intégrer des NPU dans leurs chipsets mobiles. Concrètement, ce sont surtout des multiplicateurs de matrices et de vecteurs qui permettent d’accélérer l’exécution de réseaux de neurones entraînés.

La troisième, plus cachée, est celle du développement du marché des composants dits III-V, utilisant des matériaux autres que le silicium, comme le gallium et l’indium, ou à base de carbures de silicium qui permettent de créer des composants qui sont plus économes en consommation, comme pour la gestion de la puissance dans l’automobile, et qui montent plus haut en fréquence, ce qui est utile dans la 5G. On pouvait en discuter chez STMicroelectronics.

Dernière évolution notable, celle des capteurs dans deux domaines clés : dans l’automobile avec les LiDAR et autres radars et dans le domaine de la santé, aussi bien pour les analyses biologiques que pour l’imagerie médicale. Le CES est assez garni dans ce domaine.

Mobilité

Même si le CES n’est pas le MWC, les grands équipementiers et fournisseurs de chipsets mobiles comme Qualcomm continuent leur campagne de promotion de la 5G alors que sa standardisation n’est toujours pas achevée et qu’elle recouvre de nombreux protocoles, technologies, fréquences, usages et marchés. Qualcomm est le premier à annoncer une combinaison de chipset et de modem adaptés à la 5G (855 et X50) qui va intégrer les premiers smartphones 5G dès la mi 2019. Ils seront 5G dans la mesure où ils supporteront les bandes millimétriques (26-28 GHz) permettant de très hauts débits multi-gigabits, pour peu que les réseaux d’antennes MU-MIMO suivent dans les zones denses. Pour les zones faiblement denses, il ne faudra pas trop en attendre.

On pouvait voir se mobiliser quelques acteurs au-delà de Qualcomm, et notamment Samsung qui présentait en particulier ses offres d’antennes destinées aux opérateurs télécoms. Ces derniers poursuivent de leur côté les expérimentations et annoncent les premières offres commerciales en 2020. Il semblerait que les Chinois et les Coréens soient les plus agressifs de ce côté-là. Les Chinois sont particulièrement ambitieux dans les investissements pour tirer parti de ruptures technologiques pour mettre à niveau leurs industries, comme ils le font sur l’IA.

Côté smartphones, le CES n’est clairement pas le salon des grandes annonces. La majorité des constructeurs réservent cela au MWC ou aux semaines avoisinantes du salon de Barcelone. Les évolutions les plus marquantes sont liées, au-delà des chipsets, aux fonctionnalités photos et IA. On pouvait observer le smartphone à écran pliable de Royole. Mais bon, cela n’a pas l’air d’être si pratique que cela.

Royole

Deux autres tendances de la mobilité sont à noter : la mort lente des tablettes, toujours autant prises en sandwich entre les smartphones phablets et les PC 2-en-1 et l’émergence progressive des « always-on PC », notamment ceux qui sont équipés de chipsets Qualcomm Snapdragon qui cherche désespérément à contrer Intel.

On peut enfin évoquer l’émergence des solutions de routage Wi-Fi à base du Wi-Fi ax (aussi dénommé “6”) qui améliorent encore la vitesse de transfert des données. Sans pour autant que les appareils capables de gérer ce Wi-Fi soient disponibles pour autant !

Transports

Le Hall Nord était pour la première fois depuis 10 ans entièrement consacré aux transports, tout comme une bonne partie des exposants en extérieur sur Central Plaza et derrière South Hall sur la Plainum Lot Zone. On y trouve toujours trois types d’exposants : les constructeurs de véhicules de toutes sortes, les fournisseurs de technologies et composants clés pour la conduite autonome ou pas, et enfin les fournisseurs d’accessoires divers, comme ceux de l’audio embarqué. C’est la seconde catégorie qui semble grandir le plus vite avec notamment les fournisseurs de LiDAR et autres capteurs pour véhicules.

Le CES est toujours l’occasion de présenter voir de démontrer des véhicules semi-autonomes et autonomes même si leur commercialisation est souvent lointaine, sauf pour les véhicules comme les Français Navya qui sont réservés à des zones protégées.

Byton venait pour la seconde fois présenter ses berlines très bien conçues avec un nouveau modèle, la K-Byte qui devrait atteindre le niveau 4 de la conduite autonome, c’est-à-dire celui qui permet au véhicule d’être entièrement autonome mais de rester toutefois sous le contrôle d’un conducteur.

Torc Robotics

Torc Robotics annonçait au CES un partenariat avec l’opérateur de transports français Trandev pour la mise en place de véhicules autonomes à différents endroits en France comme à Rouen. C’est une société qui intègre l’ensemble des technologies nécessaires à la conception d’un véhicule autonome, les capteurs, le « sensor fusion » qui consiste à consolider les informations qui en proviennent, et ensuite la partie décisionnelle qui gère les règles de la conduite.

Audi revenait cette année au CES après deux ans d’absence avec un stand au très beau design, mais sans grande histoire à raconter. On pouvoir voir ailleurs nombre de prototypes divers de véhicules qui ne seront jamais commercialisés.

J’ai été par contre étonné de ne pas voir autant de nouveaux moyens de transport électriques exotiques à une, deux, trois roues ou plus. Cela a l’air de se calmer de ce côté-là.

On pouvait encore observer de manière anecdotique l’explosion des projets de drones de passagers dont seuls deux spécimens étaient présentés de manière statique sur le salon, notamment l’énorme engin de Bell Helicopter, équipé notamment de turbines à gaz du Français Safran.

Furrion

Dans le livre des records, l’équipementier de luxe Furrion avait carrément installé un yatch de 23 mètres sur son stand, que j’ai pu visiter. Et John Deere avait pour sa part une énorme moissonneuse de maïs, transportée sur 2500 km de l’Iowa. Le tout étant complété par un tracteur robot présenté en extérieur.

John Deere

Réalité mixte

Le CES est un bon terrain d’observation des progrès matériels dans la réalité virtuelle et la réalité augmentée, le mélange des deux étant dénommé réalité mixte.

On peut tester les nombreuses variantes de casques de VR et d’AR et notamment les fameuses lunettes de Magic Leap apparues en 2018. Ces systèmes gagnent en compacité. Mais il leur est toujours difficile de trouver le bon compromis et de concilier plusieurs besoins : des casques légers et discrets, un grand angle de vue si possible proche de celui de la vue humaine qui est de 220°, une haute résolution et une faible latence. Qui est le best in class ? Aucun ne fait tout cela bien. Les meilleurs côté angle de vue (Pimax, Realmax, Dreamworld AR) produisent des casques trop embarrassants ou ne permettant pas de faire cohabiter des plans de vues proches et distants. Les lunettes d’AR sont encore trop embarrassantes, même chez Magic Leap et leur angle de vue reste très limité, à 30°/40°.

Realmax

Les évolutions visibles au CES concernent les domaines d’application de la VR et de l’AR. Dans le grand public, les applications les plus en vue sont celle du jeu vidéo, souvent associé à des accessoires qui vont jusqu’à des pièces d’escape games entièrement équipées. Suivent celles de la santé, de l’éducation et de l’industrie. Mais je n’ai pas eu l’impression que ces applications étaient plus fortement présentes sur ce CES 2019 par rapport à l’édition 2018.

Objets connectés

Le marché des objets connecté est toujours aussi divers et fragmenté.

Celui des wearables s’essouffle un peu. Les montres connectées ne se vendent pas si bien que cela et les trackers progressent peu. Heureusement, Apple a fait évoluer sa Watch qui dans sa version 4 intègre un capteur d’ECG à deux points. C’est aussi le cas de la nouvelle montre Move ECG de Withings. Certains visiteurs trouvaient qu’il y avait beaucoup de montres connectées sur cette édition du CES. Avec le recul de plusieurs éditions, je peux vous dire que ce n’était pas le cas.

Le marché de la maison connectée est maintenant envahi par la commande vocale, elle-même dominée par Amazon Echo et Alexa, talonnés par Google avec son Assistant qui est surtout intégré dans des produits tiers.

Suit le secteur de la santé qui est très dynamique et lui-aussi très diversifié, entre les outils de suivi de maladies chroniques comme le diabète et ceux qui permettent de mieux accompagner les personnes âgées. La santé était d’ailleurs la première catégorie des startups françaises en plus d’être une catégorie croissant de 25% sur l’ensemble du CES.

Du côté de la connectique, des réseaux, des standards et de l’interopérabilité, le monde des objets connectés est toujours aussi complexe à suivre. Zigbee, Zwave, Wi-Fi et autres Bluetooth continuent d’évoluer en parallèle pour équiper nos maisons.

Le marché des objets connectés est aussi mis à la sauce de l’IA qui est mise à toutes les sauces, même au-delà de la commande vocale et de la reconnaissance d’images. Cette dernière s’intègre dans une société de la surveillance avec ses travers. En février 2018, Nvidia annonçait un partenariat avec AnyVision pour créer des caméras de surveillance intégrant de la reconnaissance faciale. Cela s’intègre dans l’initiative Metropolis de Nvidia qui est destinée aux Smart City qui associe également Cisco, l’intégrateur de systèmes de vidéosurveillance Genetec, le spécialiste du machine learning Omni AI et MotionLoft qui propose une solution logicielle de comptage de personnes et de véhicules dans l’espace public.

Les halls du Westgate étaient à nouveau dédiés à la smart city mais c’était le même topo qu’en 2018 avec une présentation disparate d’acteurs des transports, de l’énergie, des télécoms et de vidéosurveillance. Un salon n’est pas le meilleur endroit pour présenter une vision cohérente et intégrée de la ville connectée. On ne peut donc la voir qu’en pièces toutes détachées.

Vidéo et TV

Dans Central Hall, les grands constructeurs de TV tentent toujours d’appâter les visiteurs avec leurs TV de grands formats, avec la mise en valeur de records divers, dans la taille, la résolution, la dynamique ou la couleur. On continue de voir des améliorations incrémentales de ces caractéristiques chez Samsung et LG Electronics qui dominent l’innovation de ce marché que ce soit dans le LCD ou dans l’OLED. LG Electronics présentait sa belle TV OLED enroulable qui va être commercialisée d’ici la mi-2019, même si son prix n’a pas été annoncé. Ce qui permettait au passage de découvrir le truc qui permet de la dérouler verticalement à partir du bas.

LG Electronics

Cela a au moins pour conséquence de tirer vers le haut la taille moyenne des TV achetées par le grand public. Il y a plus de 10 ans, une 55 pouces était un grand format. Maintenant, les foyers n’hésitent pas à aller jusqu’au 65 si ce n’est au 75 pouces. Modulo l’espace disponible dans son logement.

Les constructeurs chinois que sont Changhong, Haier, HiSense et Skyworth sont bien présents en force au CES mais ils se contentent généralement de suivre le mouvement lancé par les Coréens. Si la Chine est une puissance de la technologie et de l’IA, elle n’en affiche pas le plus beau côté au CES !

La 4K est évidemment la reine du CES depuis des années. Il faut descendre en-dessous de 40 pouces pour trouver des TV Full HD et elles sont quasiment invisibles au CES. Mais presque tous les constructeurs sont à l’ouvrage pour ringardiser la 4K en poussant de plus en plus des TV 8K. Entre nous, cette résolution ne sert pas à grand-chose en-dessous de 65 pouces. Il faudrait même plutôt démarrer à 80 pouces ! Pour des raisons physiologiques liées à la limite de résolution de l’œil humain mais aussi du fait de l’absence de contenus. Très peu de films et séries sont d’ailleurs captés en 8K. On note Guardians of the Galaxy Vol 2, tourné avec une caméra RED Weapon et la série Lost in Space de Netflix. Les films argentiques commencent aussi à être scannés en 8K puis restaurés. En attendant, on se contente du sempiternel upscaling des constructeurs de TV qui s’appuie sur une technique à base de deep learning qui me faisait douter en 2018 mais qui a un fondement technique traçable et qui fonctionne à peu près.

Les caméras de production 8K sont encore rares. Il y avait d’ailleurs déjà une première caméra de surveillance 8K présentée au CES, provenant du Chinois Bosma, développée avec un capteur CMOS 8K provenant de Sharp.

Bosma

Au demeurant, l’adoption de TV 4K est toujours plus avancée que la diffusion de contenus à ce format. Comme nous l’avions vu l’année dernière, c’est beaucoup lié aux contraintes des diffuseurs que des producteurs qui ont adopté la 4K depuis plusieurs années.

La consommation de contenus non linéaires continue toujours d’avancer au point que certaines audiences ne savent plus ce qu’est un programme en direct sauf lors de grandes retransmissions sportives comme la Coupe du Monde de Football ou les manifestations de gilets jaunes. Netflix domine le paysage occidental. Comme en 2018, je suis frappé par l’absence quasi-totale de démonstrations de fonctions de TV connectées par les constructeurs qui se focalisent uniquement sur la taille des écrans et la qualité des images. L’interface est dominée par Android TV chez les constructeurs Chinois, et des interfaces propriétaires chez les autres. C’est à la fois lié à la stabilité de ce domaine mais aussi au développement de la commance vocale qui relègue en arrière plan l’interface graphique.

On constate enfin un essoufflement de la vidéo à 360°. Nous observons la queue de comète des startups et autres fournisseurs qui rivalisaient avant dans leurs caméras adaptées à ce format de vidéo.

Photo

2018 était une année intéressante en termes de nouveautés avec certes, peu de nouveaux reflex, mais une belle offre d’hybrides, avec le Canon EOS R, le Nikon Z, le Fuji X-H1 Cinema 4K, le Panasonic Lumix GX9 et le Sony Alpha 7 III. Les stands Nikon et Canon présentaient comme d’habitudes des expositions photos, réalisées avec ces appareils et le résultat était époustouflant de qualité.

Les constructeurs d’appareils photo n’ont cependant toujours pas compris ce qui allait leur arriver. Leurs offres évoluent bien trop lentement. Il n’y a toujours pas de marque d’appareils photos qui a compris qu’il faudrait les transformer en plateforme via un système d’exploitation ouvert, comme Android. Canon parlait de relations développeurs sur son stand mais sans que ses appareils soient plus ouverts.

Le monde de la photo est en tout cas toujours autant toujours aussi menacé par les avancées plus rapides des capacités des smartphones. Ceux-ci bénéficient de progrès dans les capteurs, les optiques et surtout dans les traitements numériques maintenant facilités par l’intégration de NPU (Neural Processing Units) dans leurs chipsets, permettant d’accélérer les traitements de l’image à base d’IA. Les amateurs se battent pour savoir qui de Google avec son Pixel 3, de Huawei avec ses P20 Pro et Mate 20 Pro ou d’Apple avec ses XR/XS capte les meilleures photos.

Audio

L’audio fait plus parler de lui par la commande vocale que par la qualité du son pour écouter de la musique. Une boutade veut que pour rendre l’IA plus intelligente que les humains, il suffit de rendre ces derniers plus bêtes, ce que certains abus du numérique peuvent conduire à entraîner. C’est un peu la même chose dans la musique. La qualité à laquelle nombre d’utilisateurs s’habituent se dégrade dans la pratique. Elle rend difficile la promotion de l’audio de qualité avec le HiRes qui a vraiment du mal à décoller dans le grand public. Il est ainsi assez incroyable qu’il soit supporté par les smartphones récents et que leurs constructeurs ne le mettent quasiment jamais en avant.

Amplificateurs Increcable

L’audio au CES est le royaume des enceintes Bluetooth de tout poil, intégrant maintenant la commande vocale Amazon Alexa ou Google Assistant. L’offre de casques est toujours aussi abondante, notamment les casques à bonnets que les amateurs de musique et de films n’hésitent plus à porter dans les transports en commun, poursuivant cette habitude consistant à s’isoler de plus en plus.

Sinon, l’audio haut de gamme continue de décliner au CES dans les étages du Venetian. Les exposants de la Hi-Fi qui occupaient trois étages il y a quelques années n’en occupaient plus qu’à peine un seul en 2019. On pouvait cependant encore y admirer quelques amplificateurs, platines vinyles ou enceintes qui sont toujours aussi impressionnants par leur design, sans pour autant que la qualité de l’audio soit à la hauteur ou mérite les prix énormissimes proposés qui sont liés, entre autre, au manque d’économies d’échelle de ces artisans de l’audio haut de gamme.

Ordinateurs personnels

Le CES n’est pas un salon où les nouveaux PC sont mis en valeur, à part peut être les desktops de gamers surgonflés proposés par les Taïwanais et présentés par les fabricants de cartes mères tels qu’Asus, MSI ou Gigabyte. Il y en avait moins que d’habitude.

Cette année, on notait qu’enfin, Samsung et LG Electronics se sont lancés dans les 2-en-1, une catégorie de laptops qui est amenée progressivement à dominer le marché. Mais ils ne seront pas commercialisés en Europe, tout du moins chez LG. Apple résiste toujours au tactile dans ses Macbook Pro ou pas Pro, Air ou pas Air, poussant ses iPad Pro qui sont certes de belles tablettes, mais ne permettent pas de remplacer un bon 2-en-1 pour les véritables créateurs de contenus.

Le marché du PC est toujours dominé par quelques acteurs : Apple, HP, Lenovo, Dell, Acer, Asus. On en a vite fait le tour. Lenovo continue de capter des parts de marché. HP est stable. Asus va mal. Les innovations se font toujours à la marge, comme chez Lenovo qui intègre les enceintes dans la charnière de ses Yoga 930 lancés en 2018.

L’autonomie reste un élément clé des 2-en-1 et elle s’améliore grâce aux progrès constants des processeurs Intels qui grappillent 10% à 20% d’autonomie supplémentaire à chaque nouvelle génération, au point que l’enjeu dans la consommation d’énergie des laptops est en train de se déplacer vers les écrans. Les LCD consomment dans certains cas autant que le processeur ! L’OLED tarde à apparaître dans ces ordinateurs à part quelques exceptions et il est intéressant de ce point de vue-là.

Les laptops de gamers sont de leur côté de plus en plus nombreux et plus légers, en 15 et 17 pouces. Ils embarquent souvent une carte graphique Nvidia GeForce comme la dernière RTX 2070 ou 2080. Enfin, signalons que les Chromebook sont un peu plus nombreux d’année en année.

Impression 3D

L’impression 3D a été une nouvelle fois déplacée physiquement au CES passant cette année de North Hall à South Hall, et voyant le nombre d’exposants continue de diminuer comme il le fait depuis quatre ans déjà. Cela vient de ce que le marché de l’impression 3D dans le grand public est atone. Cela fait longtemps que j’explique dans ce rapport qu’elle n’a pas beaucoup d’avenir. Le besoin d’existe pas à ce stade. A quoi bon acheter une imprimante entre 300€ et 2000€ pour imprimer quelques pièces détachées par an que l’on peut maintenant facilement commander sur Internet. Par contre, le service d’impression 3D à la demande a peut-être un avenir, au même titre que celui de la reproduction de clés.

Matériaux MarkForged

Par contre, le marché professionnel de l’impression 3D continue de se développer avec plein d’usages spéciaux dans la santé (dentaire) et dans l’industrie, même si l’impression 3D n’est pas destinée à prendre une place dominante dans les techniques de fabrication. L’impression 3D de métaux et céramiques divers est en plein essort. Quelques stands en proposaient, certains cherchant à cibler un marché de volume.

C’est un peu hors sujet au CES, mais mon rapport détaillé comprend quelques spécimens extrêmes d’imprimantes 3D de pièces métalliques qui valent le détour.

French Tech

La présence française était à peu près stable en 2019 par rapport à 2018, avec un peu plus de 425 entreprises exposantes d’une manière ou d’une autre dont plus de 380 startups. Cette présence est toujours concentrée aux trois quarts sur Eureka Park avec ses 350 startups qui constituaient cette année plus du quart du total des exposants de cette zone, devant le contingent américain. En 2018, il y avait en tout 412 exposants. Cette année 2019 marque donc le “pic du pétrole” de la présence française au CES. Elle est enfin quasiment stabilisée après une augmentation quasiment exponentielle depuis 2012. 85% des entreprises françaises exposantes étaient des startups, un niveau assez élevé qui témoigne d’un déséquilibre démographique des entreprises dans les secteurs liés à ceux du CES.

La proportion des entreprises françaises exposantes reste stable avec celles de l’ensemble de l’Union Européenne, soit environ 50%. La présence française au CES fait des émules chez nos voisins, en particulier aux Pays-Bas et en Italie. Le Mexique avait aussi un énorme stand sur South Hall pour valoriser une quinzaine de startups, d’intérêt assez faible.

Startups Frenchtech

Pour la première fois, sur Eureka Park, cette présence était mieux unifiée visuellement, sous l’égide de Business France et de la French Tech qui regroupaient presque toutes les régions de manière homogène à l’exception de la région Grand Est et d’Auvergne Rhône Alpes, qui faisaient bande à part, au prix d’ailleurs d’un placement moins intéressant dans le hall d’Eureka Park. Il subsistait des zones à part avec en particulier les startups d’Engie, de La Poste et de l’Institut Mines-Télécom. Autant le bazar des régions en 2018 avait fait jaser, autant l’unification de la présence de la French Tech génère des échos mitigés par son côté trop formateur. On voudrait avoir le beurre et l’argent du beurre. Il nous faut collectivement apprendre à faire évoluer nos pratiques marketings et être commercialement plus agressifs, améliorer les pitches et les taglines, mieux parler l’anglais, et aussi être plus accueillant pour les visiteurs non francophones. Si bug il y a, il faut plutôt le chercher du côté des équipes accompagnantes des régions et autres organisations qui sont largement surnuméraires.

Il y avait toujours autant d’erreurs de casting qu’en 2018 avec encore plus d’offres d’entreprises qui n’ont rien à voir avec les thématiques du CES, comme diverses applications de travail collaboratif pour les entreprises. Les startups de ces domaines viennent surtout rencontrer les décideurs d’entreprises français qui parcourent les allées du CES.

C’est un véritable effet d’œuf et de poules que l’on n’évoque pas assez : nombre de startups françaises exposent pour rencontrer ces centaines de décideurs français cornaqués par près d’une dizaine de tour operators du CES avec en tête le Hub Institute. Les groupes accompagnés comprenaient des dirigeants de grandes entreprises tels ceux de la Française des Jeux (Stéphane Pallez) et de Total (Patrick Pouyané).

Startups Région Ile de France

L’innovation française est à la fois surprenante et originale mais trop souvent destinée à des usages et marchés extrêmement niches. Sur Eureka Park, ces innovations ne sont pas assez “deep tech”, notamment par rapport à celles que l’on pouvait trouver sur le pavillon israélien qui reste une référence.

Mais cela ne justifie pas forcément d’exclure du CES nos startups low-tech. Ce genre d’écueil est aussi observable chez les startups d’autres pays. Cette année, les commentateurs, surtout ceux qui étaient restés en France, relançaient le débat sur cette présence française, sur le rôle des aides publiques dans cette présence, sur celui des politiques, moins représentés cette année, du manque d’ETI et de grands succès, de la mesure a posteriori du retour sur investissement des startups qui vont au CES, etc.

Tout d’abord, mesurer ce retour à l’échelle macro est une tâche quasiment impossible. Ensuite, les aides publiques ne sont pas si importantes que cela avec à peine quelques milliers d’Euros par startups. La plupart des aides aux startups sont généralement concentrées sur la R&D, comme le Crédit Impôt Recherche. L’aide à la présence au CES couvre la dimension marketing, rarement aidée. Or c’est l’une des grandes faiblesses de nos startups. Alors, ne nous plaignons pas qu’elles soient aidées dans ce cadre.

On en oublie souvent le fait qu’exposer au CES se prépare, n’est pas une fin en soi, s’intègre dans un cycle marketing et commercial complexe, et que l’innovation n’est pas un processus déterministe. Exposer au CES permet de gagner beaucoup de temps en prospection et pour se faire connaître. Je commenterai et chiffrerai tout cela dans le Rapport du CES 2019.

Mettons en avant les réussites. La France est bien représentée dans les transports avec à la fois des startups et de grands acteurs comme Valeo, Faurecia ou Transdev et des PME comme Arkamys. J’ai aussi découvert fortuitement que les bus de Las Vegas (SDX et Deuce) étaient opérés par Keolis, une filiale de la SNCF.

Le domaine de la maison connectée était tout autant représenté par des startups que par des acteurs établis tels que Legrand, Somfy et Withings, sans compter La Poste qui est bien plus positionnée sur les usages connectés que l’est son homologue américain US Postal Service, exposant sur South Hall, et focalisé uniquement sur la délivrance de courrier et colis.

La première thématique des entreprises françaises exposantes était pour la première fois la santé, au même niveau que celle de la maison connectée et avant les transports. C’était parfaitement en ligne avec les thèmes importants du salon. La France n’est donc pas déphasée par rapport aux tendances du marché.

MicroEJ

Nous avons aussi des startups-plateformes qui font leur trou d’année en année au CES et dans l’industrie. Quelques exemples me viennent en tête avec le Nantais MicroEJ et son système d’exploitation embarqué dans les objets connectés qui perce face à Android, CareOS et son système d’exploitation pour salle de bain, maintenant intégré dans le miroir Artemis et Arkamys, qui équipe nombre de constructeurs automobiles avec ses technologies de gestion de l’audio embarqué. Ce sont des startups de plateformes dont nous avons besoin pour percer !

Émotions

Après la période relativement calme des fêtes de fin d’année, la visite du CES est toujours pour moi une belle expérience sensorielle avec ses hauts et ses bas. J’y rencontre un nombre incroyable de connaissances de France et même des amis du lycée ! La discussion avec les exposants du monde entier permet de nous décloisonner et de comprendre les préoccupations et pratiques d’autres pays. On passe de rencontres chaleureuses avec des amis à des parcours de stands qui font sourire ou sont parfois sont très ennuyeux. La musique est assez peu utilisée par les exposants et pourtant, lorsque c’est le cas, elle véhicule aussi une belle expérience émotionnelle.

Cette année, pendant trois jours sur quatre, j’étais accompagné par Fanny Bouton, journaliste technique et consultante, qui m’a à la fois aidé à dépister diverses innovations que je ne détectais pas forcément et qui a aussi observé mes pratiques de visiteur. Elle a aussi enregistré avec moi une émission de radio plusieurs jours pendant le salon.

Pendant deux semaines, je vais comme d’habitude me transformer en moine copte et finaliser le Rapport du CES 2019 sur lequel je travaille depuis déjà deux mois. Rendez-vous lundi 28 janvier 2019 à 9h précises pour sa publication. Le lendemain, mardi 29 janvier j’interviendrai dans la conférence de restitution habituelle organisée par Cap Digital et Systematic auquel s’est adjoint Business France, dans la très belle salle de conférence du Forum des Images au Forum des Halles, à partir de 17h, et accompagné de quelques témoins, exposants et autres. Les inscriptions sont closes car la session est déjà « fully booked » mais elle sera diffusée en live et en différé par les équipes organisatrices.

C’est parti pour la plongée en apnée dans le Rapport CES 2019…

L’expert

Olivier-Ezratty

Olivier Ezratty est consultant en nouvelles technologies et auteur d’Opinions Libres, un blog sur les médias numériques (TV, cinéma, photo…) et sur l’entrepreneuriat (innovation, marketing, politiques publiques…). Olivier est expert pour FrenchWeb.

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