CNNum: les défis de Mounir Mahjoubi
Mounir Mahjoubi hérite d’un Conseil national du numérique renforcé mais d’un Conseil qu’il va devoir faire évoluer s’il veut consolider la légitimité acquise par la jeune institution lors des mandats précédents.
Depuis son origine, sous la forme d’un Conseil d’entrepreneurs du Web auprès du gouvernement, présidé par Gilles Babinet puis par Patrick Bertrand, jusqu’à sa dernière mouture, le CNNum a déjà beaucoup changé. A l’image du numérique en quelques sortes. Dernièrement, sous la direction de Benoît Thieulin, le CNNum a su confirmer son expertise, son indépendance tout en gagnant en influence tant dans l’opinion publique qu’auprès des décideurs. Le Conseil a ainsi exprimé de façon salutaire la nécessité de la protection les libertés numériques notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; pris position sur des sujets déterminants tels que la neutralité du Net et des plateformes ; porté l’élaboration d’une véritable politique française et européenne de la transition numérique avec sa consultation nationale et son rapport Ambition numérique. Par ailleurs, ses avis sur des usages émergents du numérique, de l’éducation à la santé, sont régulièrement pris en comptes, marquant ainsi sa posture de référence en la matière dans notre pays.
Les travaux du CNNum ont donc le mérite de balayer de façon large l’ensemble des sujets que l’on peut assimiler au «numérique». Les bases sont posées, il faut maintenant construire. C’est le principal défi auquel va devoir s’atteler Mounir Mahjoubi : faire évoluer le CNNum d’un rôle de prophète et d’expert sectoriel, aujourd’hui largement rempli, vers un rôle d’expert transversal à même d’éclairer l’ensemble des acteurs sur l’inévitable irrigation de la totalité des secteurs de notre économie et de notre société par le numérique, avec un impact qui reste à maîtriser.
Les ruptures violentes que le numérique induit – à l’image des tensions à l’œuvre dans le secteur du transport de personnes – vont se multiplier et perturber d’autres secteurs : industriels tels que l’automobile voire le secteur manufacturier dans son ensemble avec l’impression 3D mais aussi sociaux avec la santé qui va devoir évoluer face au tsunami numérique des données, ou encore l’enseignement où la multitude redessine la notion de savoir et son apprentissage. En conservant sa capacité d’anticipation, le nouveau CNNnum devra dépasser son rôle d’oracle numérique pour prendre en considération la diversité des impacts sectoriels et proposer des politiques publiques transversales, adaptées à cette transition.
Cette nécessaire recomposition n’est pas sans risques dans la mesure où elle inciterait le Conseil à prendre des positions plus tranchées, donc plus politiques, sur des sujets devenus plus concrets que techniques et théoriques. Cela implique également de varier les expertises invoquées, d’empiéter, parfois, sur le terrain d’autres instances consultatives, et de se garder de toute tentation corporatiste. Aussi la nouvelle composition du Conseil montre-t-elle une assemblée exclusivement constituée d’experts des nouvelles technologies laissant peu de place aux représentants de l’ensemble des secteurs de «l’ancienne économie» touchés par l’irruption numérique. Peut-être aurait-il fallu accorder davantage de poids aux secteurs en passe d’être touchés par l’irruption numérique, par exemple dans les domaines manufacturiers ou automobiles. Ce choix étant fait, il convient désormais de veiller à garder un certain équilibre dans les réflexions du conseil. Certainement difficile à trouver, mais il est indispensable à la pertinence des avis du Conseil donc à son utilité, notamment aux yeux des pouvoirs publics qui restent la principale source de sollicitation du CNNum.
Olivier Sichel est le président de la Digital New Deal Fondation. Après un début de carrière en 1994 à l’Inspection Générale des Finances, Olivier Sichel rejoint France Telecom en 1998 pour y occuper des responsabilités opérationnelles, notamment en tant que PDG d’Alapage.com, pionnier du commerce électronique en septembre 2000, puis PDG de Wanadoo en 2002, le numéro 1 en France de l’accès internet. Il est à l’origine du lancement de la Livebox et de la VOIP. En 2006, il rejoint Sofinnova Partners, leader du capital risque en France, puis prend la direction de LeGuide Group le 16 juillet 2012. LeGuide.com est le numéro 1 en Europe des guides de shopping et opère dans 14 pays européens et dans 9 langues.
Crédit photo : ©Benjamin Boccas
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