Comment concilier commerce profitable et consommation responsable?
Par Laurence Faguer, experte retail FrenchWeb
Parler RSE dans le cadre exceptionnel du Domaine de Longchamp, occupé par la Fondation GoodPlanet depuis 2017, est un luxe rare.
Par un petit matin de juin, des directions générales, marketing et e-commerce du retail se sont rendues, à l’invitation de Ysance et de la Fondation GoodPlanet, à une matinée d’échanges autour de trois enseignes françaises emblématiques par leurs engagements dans des démarches ayant un impact sociétal et environnemental: Camif, Nature & Découvertes et Le Slip Français.
Tout est parti du Black Friday, dont ces 3 enseignes ont décidé de prendre le contre-pied. Une prise de position forte qui a interpellé les équipes de Ysance, sans doute bien placées pour évaluer le chiffre d’affaires moyen d’un Black Friday, en ligne ET en magasin…
Laurent Letourmy, CEO de Ysance, raconte : “Camif, Nature & Découvertes et Le Slip Français ont pris une très grande décision, celle de tourner le dos au Black Friday. À cette annonce, notre première réaction en interne a été de nous dire “Wahoo, sacrée décision” en imaginant la réaction des équipes marketing et vente de ces enseignes, et… celle de leurs directeurs financiers. Puis notre deuxième réaction a été de nous dire “Mais quel message! Il y a des personnes qui ont le courage. Nous avons des clients qui vont jusqu’au bout du sujet et qui prennent les choses en main”. Et comme nous sentions que leur démarche nous ressemblait, nous avons souhaité que les représentants de ces enseignes puissent exprimer leurs convictions”.
Comment résoudre l’équation du commerce profitable et de la consommation responsable?
La modératrice est Anne Sinquin, responsable du Marketing Clients chez Ysance, et une fine connaisseuse du sujet. À l’initiative de cette matinée, Anne est aussi une membre bénévole très impliquée à la Fondation GoodPlanet, où l’on peut la croiser régulièrement les week-ends.
Le panel:
- Fanny Auger, Directrice de la marque Nature & Découvertes
- Violette Watine, Directrice Générale du Slip Français
- Pierre Launay, Directeur Marketing et E-Commerce de la Camif
- Eric Boisteaux, Directeur du Domaine de Longchamp (Fondation GoodPlanet), et l’hôte de la matinée
La fondation GoodPlanet:
En introduction, Eric Boisteaux présente la Fondation GoodPlanet et son exceptionnelle implantation au coeur du Bois de Boulogne : “Ce lieu est une réponse à la question que se posent beaucoup de personnes: je veux agir, mais qu’est-ce que je peux faire?”
Le Domaine de Longchamp est le 1er lieu dédié à l’écologie et la solidarité à Paris, où les visiteurs viennent –en famille ou entre amis, ou dans le cadre de sorties scolaires ou de journées d’entreprises– pour participer à des animations autour du respect de la planète (atelier apiculture ou yoga, cueillette, cuisines de plantes sauvages…), voir des films et des exposition photos, rencontrer des acteurs engagés, dans le but de repartir chez soi avec les éléments du changement.
Puis l’échange a démarré.
Quelle approche vis-à-vis de la RSE?
“La Camif est depuis décembre 2017 une entreprise à mission”
Pierre Launay, Directeur Marketing et E-Commerce de Camif.
La Camif, entreprise créée en 1947, a connu une nouvelle étape en 2009 avec la reprise de l’entreprise par Émery Jacquillat, l’actuel PDG, sur un modèle à impact positif, en privilégiant l’économie locale et les produits durables.
Pionnière en France, l’entreprise est depuis décembre 2017 “une entreprise à mission”. Sa mission –développer des produits bons pour l’homme et la planète– est inscrite dans ses statuts. “Cela permet d’agir de manière cohérente, avec ce double objectif: dégager des bénéfices mais aussi remplir cette mission” explique Pierre Launay, Directeur Marketing et E-Commerce de Camif. Un comité se réunit 2 fois par an pour faire un point d’avancement.
Fabrication locale
La Camif a réalisé une enquête client pour connaître la satisfaction de ses clients.
“À la question “Qu’est-ce qui vous a convaincu d’acheter sur Camif.fr ?” explique Pierre Launay, “ le premier critère, à 70%, a été la fabrication locale, avant la qualité et la durabilité de nos produits, et bien avant le prix, la promotion, les gammes de produit. C’est encourageant, notre engagement est retenu”.
“La 2ème bonne nouvelle”, poursuit Pierre Launay, “est que ces critères sont particulièrement importants chez les moins de 35 ans, à 55 %, contre 39 % pour nos clients plus âgés”.
“Lors d’une campagne ‘produits zéro déchet’, nous avons vu un engouement comme jamais”.
Fanny Auger, Directrice de la marque Nature & Découvertes
Chez Nature & Découvertes, la RSE se fait en impliquant les clients : “Nous essayons de co-créer avec notre communauté” explique Fanny Auger, Directrice de la marque, “ et nous essayons de le faire avec une approche pédagogique –et non culpabilisante– pour accompagner. Cela se traduit sur le terrain: nous organisons des pétitions dans le magasin en faveur des projets que nous soutenons tous les mois au travers de notre fondation, à laquelle nous reversons 10% du résultat net de l’entreprise. Nous observons que le public est de plus en plus sensible. Lors d’une campagne “Produits zéro déchet”, par exemple, nous avons vu un engouement comme jamais, notamment sur les réseaux sociaux”.
Marketing, marque, purpose
Comment la RSE impact-t-elle leur stratégie marketing et commerciale?
S’il est une marque française de mode avec un “purpose”, c’est bien Le Slip Français. À sa création en 2011, l’entreprise engagée était une Digital Native Vertical Brand. Avec l’ouverture de boutiques (l’enseigne fait 40% de chiffre d’affaires en boutique) et l’élargissement de la gamme, comment se concrétise l’intention de départ, à savoir “Réinventer la fabrication textile en France, et changer notre façon de consommer”?
“Notre mission est un élément existentiel, qui est transverse” souligne Violette Watine, Directrice Générale. “La réalité d’une marque de mode, c’est “j’achète et je revends, et je vais faire x8 ou x10 sur mon prix d’achat pour déterminer mon prix public”. Chez nous, ce n’est pas possible. Nous avons les mêmes fabricants que les marques de luxe de maillots de bain”.
“Nous voulons fabriquer en France, nous voulons être une marque premium, pas une marque de mode. Nous faisons de beaux produits faits pour durer, et avec ce choix de fabriquer en France, avec ce que cela implique, un coût de main d’oeuvre important”.
“Nous avons un accès direct avec le client pour lui raconter notre histoire. Nous croyons que nous pouvons changer le monde, à condition que ce soit joyeux. Alors comment être un modèle vertueux? ”
Comment fonctionne le modèle ? “La RSE est notre vision, notre raison d’être. Nous nous sommes demandés comment repenser le modèle pour que celui-ci soit tout à fait vertueux et que notre engagement devienne un élément différenciant.” poursuit Violette Watine.
“Nos KPIs sont différents du secteur du textile”
Violette Watine, Directrice Générale du Slip Français
“Nous avons inventé le modèle avec nos ateliers partenaires, avec comme but commun de travailler dans la durée. Tout d’abord, nous nous engageons sur 3 ans avec chacun d’entres eux, pour leur permettre d’anticiper. Nous bloquons un volume et tous les mois nous confirmons la couleur. Le stock est contrôlé. Cela évite les taux de promotion habituels, un modèle qui est destructeur pour la marque et pour le client. Chez nous, il sait qu’il ne va pas retrouver le produit à -40% dans quinze jours”.
“On a mis beaucoup de data. Nous savons, au bout de 15 jours de vente, quel sera le volume de vente. Donc nous adaptons la production à la réalité de nos ventes. Le Slip Français veut raconter la marque autrement que par le prix. Comme par exemple lors de la semaine de la Charentaise durant laquelle les vendeurs accueillent les clients magasin en charentaises !”
Camif se rapproche aussi du modèle “à-la-demande”.
“Sur les produits en marque propre, à la signature Camif Éditions, qui sont nos produits fer de lance” rappelle Pierre Launay, “nous sommes plutôt à-la-demande, en raison des options que nous proposons. Par exemple, nous avons créé un canapé modulable qui s’adapte à chaque morphologie, en observant comment des clients avec des morphologies très différentes étaient installés sur un canapé standard”.
[ndlr] Le canapé “Eric et Julien” du nom de ses co-créateurs, est local et durable, et existe en 3 tailles et 13 coloris.“Pour ces produits Camif Editions, les co-créateurs, collaborateurs de Camif, ont un rôle de chef de projet et sont mis à l’honneur, jusque dans le nom du produit ”.
Quelle organisation interne?
Chez Nature & Découvertes –dont 56% de la production est française, 67% de cette production est européenne– l’engagement est à tous les niveaux. “Nous essayons au maximum d’être dans la co-création avec nos clients, nos adhérents, nos communautés et nos fournisseurs” précise Fanny Auger. “10% de la masse salariale est reversée au Réseau Vert. Celui-ci est un réseau très actif, qui existe depuis 15 ans et est constitué de collaborateurs du siège et d’au moins un collaborateur par magasin. Ils ont un statut un peu particulier : ils sont des ambassadeurs auprès de leurs collègues et auprès des clients. Leur rôle est de propager les engagements de la marque et de mobiliser sur les causes. Les salariés se réunissent une fois par an et votent pour des projets associatifs, présentés par les membres du Réseau Vert. Ces projets seront accompagnés par le Réseau Vert au niveau local. C’est une décision que l’on prend de manière collégiale, en interne”.
Cet esprit associatif est un plus lors du recrutement. “Lors d’une embauche, nous regardons si la personne est engagée dans un mouvement associatif. Et au niveau du comité de direction, une part de la prime variable est indexée sur l’indice carbone” assure Fanny Auger.
Bilan carbone chez Nature & Découvertes: une fréquence bien plus soutenue que ne prévoit le Grenelle II de juillet 2010. “Nous réalisons un bilan carbone tous les trois mois, et non tous les trois ans comme habituellement. Et nous allons bientôt déménager dans un nouveau siège à Versailles qui sera le bâtiment le plus écologique de France, dessiné avec Patrick Bouchain, architecte à hautes valeurs humaines”.
La fondation GoodPlanet, aussi pour le monde corporate
En plus du public, la fondation accompagne aussi les entreprises.
“Nous avons un département RSE, proposant une offre d’accompagnement pour les entreprises ” indique Eric Boisteaux, en revenant sur le travail mené ces dernières années à la Fondation avec les entreprises: “Nous avons vécu différents âges de la RSE à la Fondation. Le premier âge, des entreprises prétendaient faire de la RSE, avec des dépliants placés à la caisse. Le 2ème âge, les entreprises se sont mises à créer, par exemple, des produits bio, mais sans réelle co-construction avec les clients et sans travailler sur la chaîne d’approvisionnement. Le travail que nous avons mené avec le groupe Casino à partir de 2012 illustre à sa manière le 3ème âge dans lequel nous sommes: nous les avons aidés à mettre en valeur les produits bio auprès des consommateurs dans le magasin, et nous avons fait des campagnes de communication sur le Label Bio. Durant la campagne, les ventes ont augmenté de 30% sur ces produits. Nous avons également travaillé avec les 42 000 collaborateurs du groupe pour les sensibiliser. 70 fournisseurs ont bénéficié d’une formation. Par exemple, sur la pêche durable, nous avons travaillé avec les poissonniers pour optimiser l’approvisionnement. Et nous avons interrogé les consommateurs: que voulaient-ils? Un exemple concret: nous avons retiré trois espèces de poissons de grands fonds, mais en proposant des alternatives aux consommateurs. C’est important d’offrir des alternatives. Nous avons à coeur à la Fondation de ne pas proposer une écologie culpabilisante, mais de proposer des solutions pour donner aux personnes l’envie de changer”.
Transparence, confiance
Les clients veulent-ils vraiment la transparence? Et comment la délivrer?
Chez Camif, les clients demandent cette transparence pour comprendre la différence Produit. “C’est pour nous une différenciation, expliquer pourquoi nos produits sont différents” précise Pierre Launay. ”Sur notre site web par exemple, le consommateur peut rechercher nos produits par critères géographiques. Et sur la fiche produit, nous sommes très transparents sur le lieu de fabrication du produit et sa composition. Des présentations sont rédigées sur nos fabricants, afin d’être transparent mais aussi pour montrer le savoir-faire de ces fabricants, dont nous sommes fiers”.
Chez Le Slip Français, la transparence est à la base de tout ce que qui est entrepris. “C’est aussi pour nous une façon d’être tous alignés en interne” explique Violette Watine. “Avant de faire une chose, nous nous posons toujours la question : “Que va penser un journaliste quand on va lui présenter cela?” Si l’un de nous n’est pas à l’aise, alors nous ne le faisons pas. Ce sont de vrais enjeux dans tout ce que nous développons au quotidien: dans nos packagings, tout est fait en France, jusqu’au papier de soie”.
Lors de la sélection d’un fournisseur, en plus d’être situé en France ou d’afficher le Made in France, Le Slip Français se demande à chaque fois si il est tout à fait en ligne avec la manière de faire d’un prestataire ou sous-traitant.
“L’expression Made in France ne veut pas forcément dire que tout est Made In France“ fait remarquer Violette Watine. “Nous devons étudier à chaque fois, pour être sincère dans notre démarche. Nous devons engager le consommateur. Un boxer à 40 euros c’est cher, quand on ne sait pas le travail que cela représente. Engager le client n’est pas chez nous un truc marketing. Nous le faisons avec notre manière de faire, avec notre humour. Par exemple nous affichons dans les boutiques “La Fabrique à Slips” qui est la carte de France avec tous nos fabricants. Sur le site internet, un pop-up “ Le juste prix” explique pourquoi 40 euros est un juste prix pour un boxer. Il faut prendre en compte le temps-homme, les 11 pièces d’assemblage à la main que nécessite la fabrication”.
Violette Wattine révèle alors, en toute transparence qu’il y a “deux fois plus de conversions de la part des personnes qui cliquent sur ce pop-up”.
Chez Nature & Découvertes, la confiance passe par la pédagogie: faire découvrir en aiguisant la curiosité.
“Nous organisons des ateliers en magasin depuis 30 ans sur plein de sujets –la carte du ciel, les huiles essentielles– et des sorties dans la nature, avec de vrais naturalistes pour s’éduquer à la nature” raconte Fanny Auger. “Nous avons reçu au total 600 000 personnes. Et nous allons beaucoup à la découverte d’associations locales. La Fondation Nature et Découvertes, ce sont 2 550 projets aidés, notamment sur la diversité et l’éducation à la nature. Nous communiquons beaucoup sur les réseaux sociaux, dans nos newsletters et en magasin”.
“Ici nous faisons du beau, du familial, du fun”
Eric Boisteaux, Directeur du Domaine de Longchamp (Fondation GoodPlanet).
Eric Boisteaux, constate aussi, au travers de la Fondation Goodplanet, cette demande des consommateurs pour plus de transparence. “La Fondation a ouvert ce lieu dans le Bois de Boulogne il y a 2 ans, et a ouvert l’Ecole GoodPlanet cette année. Nous sommes dans une approche plus esthétique que d’autres associations, mais nous touchons toutes les personnes qui seraient moins réceptives à un message plus violent. Ici nous faisons du beau, du familial, du fun. L’important est de raconter des histoires, qui emmènent les personnes.”
La même chose se constate en entreprise. “Aujourd’hui avec la transparence, on parle des valeurs de l’entreprise” souligne Eric Boisteaux. “Et les personnes veulent être impliquées. Il n’y a pas d’un côté, le gentil consommateur et de l’autre côté, la méchante entreprise”.
“Le film Home réalisé par Yann Arthus-Bertrand en 2009 était très noir” fait remarquer Eric Boisteaux. “Les personnes ont reçu le message, mais maintenant ils ont besoin d’histoires pour passer à l’acte.”
Eric Boisteaux raconte alors deux expériences personnelles, parce que c’est souvent le moyen le plus sûr pour marquer les esprits. Il raconte qu’il s’est mis au vélo pour se rendre à la Fondation, et que les réactions autour de lui n’étaient pas foncièrement à l’encouragement (“et comment fais-tu les jours de pluie? Et la Place de l’Etoile à vélo?”). Mais lorsqu’il a précisé que cette nouvelle mobilité lui avait permise de perdre 10 kg, le positif de ce changement d’habitude a pris un tour plus concret.
Autre exemple, un défi lancé depuis déjà quinze jours avec quelques-uns à la Fondation, de déjeuner végétarien. Ce qui a engendré spontanément un échange autour d’idées de recettes, etc.
Fermer son site un jour de Black Friday
Et pourquoi ce refus de cautionner le Black Friday?
Pierre Launay explique la décision prise par La Camif de fermer son site web le jour du Black Friday : “C’était un gros risque. Il s’agit de la plus grosse journée de e-commerce en France, et nous avons fait zéro chiffre d’affaires ce jour-là. Pour la deuxième année consécutive. Le Black Friday est le symbole de la consommation, et nous ne voulons pas entrer là-dedans. Nous avons donc pris le contre-pied et nous avons fermé le site web ce jour-là. Par contre, nous avons fait une journée ouverte dans nos locaux en invitant nos clients, fournisseurs et experts de l’économie circulaire à participer à des ateliers sur les bonnes pratiques éco-responsables, organisés par les collaborateurs. Notre message était de proposer une alternative positive ce jour-là: se rencontrer, apprendre des choses d’une manière très conviviale.”
L’impact médiatique a été très fort, se souvient Pierre Launay: “Nous avions trois chaînes de télévision dans nos locaux ce matin-là. C’est une prise de parole qui est très forte pour nous.”
Nature & Découvertes, explique Fanny Auger, a organisé ce jour-là le “Fair Friday”. “Nous avons laissé les magasins ouverts, dans lesquels nous avons affiché des énormes réductions: -60%. -90%. Mais c’était en fait pour indiquer des réductions qui comptent vraiment, celles de la biodiversité. Par exemple, -90 %, c’était -90% de requins en Mer Méditerranée. On a choisi 4 associations et nous proposions en magasin de voter pour l’association qui plaisait le plus au consommateur. Nous avons recueilli 29 000 signatures, et pour chaque signature, un euro était reversé à notre Fondation”.
D’une manière générale, la confiance dans les marques a baissé. Et il est préférable d’être transparent, comme l’explique Violette Watine pour Le Slip Français : “Nous expliquons à nos clients le chemin sur lequel nous sommes. Nous sommes partis d’un engagement social, humain, local. Et nous sommes en cordée. Nous disons à nos clients : “Oui, nous sommes imparfaits –tout notre coton n’est pas bio– mais nous sommes en chemin”. Et nous sommes transparents. Cet hiver, nous allons sortir le premier pull en laine française non teint. Comment arrive-t-on à créer cette économie circulaire qui fait que nous réutilisons cette matière première recyclée? Et aussi comment être le plus clean possible dans la fabrication?
Puis, la question de l’utilisation de la data est posée.
Data
“Si 70% de notre CA est réalisé en ligne, 100% est fait autour de la data” fait remarquer Violette Watine. “La grande force que nous avons est d’être en direct avec les consommateurs. Dès lors, nous maîtrisons la donnée de bout en bout. Et nous utilisons la data comme un avantage compétitif pour nous permettre d’être vertueux dans notre modèle économique.”
“Nous avons commencé par modéliser notre business web et aujourd’hui, nous savons tirer nos lignes d’acquisition et nos lignes de repeat. Toute l’activité est modélisée : nous savons ce que nous allons faire, comment nous allons le faire, combien cela va nous coûter. Ceci nous permet de comprendre comment se comportent et consomment nos clients.”
“La data chez nous est stratégique. Par exemple en magasin, qualifier le client est important. 90% de nos clients Retail sont identifiés en magasin, pas forcément avec le code postal, mais au moins avec nom et prénom. Cela nous permet de réconcilier le online et le offline. Un client omnicanal a deux fois plus de valeur qu’un client monocanal”.
Sans surprise, la Camif est sur le même registre. “La data est clé, c’est notre outil de pilotage de notre performance” renchérit Pierre Launay. “Ceci est d’autant plus crucial lorsque l’on a des marges plus réduites. Le premier volet est le côté analytique, les ventes : travailler l’attribution, comprendre d’où viennent nos clients. Le 2ème volet est le merchandising, le côté produit : quels sont les produits les plus consultés, pourquoi un produit très consulté ne se vend pas ? Y a-t-il un problème de photo, par exemple ? ”
“Nous avons 95 magasins Nature & Découvertes, et un Club Nature & Découvertes, qui est très fort avec 1 million d’adhérents qui règlent 6 euros par an, dont 1 euro est reversé à la Fondation “ explique Fanny Auger.
“Les meilleurs clients viennent souvent en magasin, et ce n’est pas la promotion qu’ils viennent chercher. Nous avons 10 millions de visiteurs par an dans les magasins.”
“Nous avons choisi Ysance RMP parce qu’il fallait que nous arrêtions de matraquer le client”
Violette Watine, Le Slip Français.
Alors, la question du commerce équitable est-elle résolue?
“L’aventure est audacieuse, exigeante” constate Violette Watine “mais très joyeuse. Cela nous tire vers l’excellence. Cela nous permet aussi d’attirer des talents d’une qualité impressionnante.”
“Il faut une volonté vraiment sincère de la part du top management. C’est quelque chose qui doit se diffuser dans tous les systèmes de l’entreprise. Nous avons choisi la solution Ysance RMP parce qu’il fallait que nous arrêtions de matraquer le client. Il faut que l’on arrête de trop nous voir, car ce n’est pas éthique pour le consommateur. Nous sommes dans cette logique d’utiliser une DMP qui nous permet de caper sur tous les leviers. Le driver, c’est de se placer dans les baskets du client et de voir ce qui est le plus juste. Et cela paye à long terme.”
“Nous n’avons pas de comité RSE, de roadmap RSE. Nous avons un CoDir qui est embarqué sur tous les projets qui portent sur la RSE.”
Eric Boisteaux de la Fondation GoodPlanet abonde dans ce sens : “La position de la RSE dans l’entreprise est symptomatique de la sincérité. Lorsque la RSE est rattachée à la Direction Générale, on peut supposer qu’il y a une vraie sincérité. Quand elle est rattachée à un sous-département de la communication, cela ne se traduit généralement pas par des choses formidables, pour nous, ONG, et pour le consommateur. Mais la place du bio dans les grandes surfaces, par exemple, montre que la RSE est en marche”.
L’échange s’est poursuivi autour d’un café, et les participants ont pu profiter de l’événement pour visiter les expositions permanentes de la Fondation GoodPlanet.
Un sondage réalisé pour Les Echos montre que l’environnement et le réchauffement climatique sont désormais le deuxième sujet de préoccupation des Français, après le pouvoir d’achat, et ceci quelque soit l’âge (contrairement à une idée reçue, les plus de 50 ans sont tout autant préoccupés par la question) mais avec un degré d’exigence environnementale qui varie fortement selon l’appartenance socio-professionnelle.
C’est peut-être ceci, le nouvel enjeu ? Allier responsabilité environnementale et profitabilité dans toutes les formes de commerces, quelque soit le format et le positionnement prix ? Le “Fashion Pact” signé récemment par 32 entreprises mondiales leaders de la mode et du textile en est un bon exemple.
Pour en savoir plus
La correspondante:
Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse « go-between » France et USA, fondatrice de Customer Insight.
A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en Digital, Mobile et Retail aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve aux U.S.
Laurence est expert US pour FrenchWeb qui reprend de temps à autres la publication des articles de son blog.
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