Comment Costco US est-il devenu un géant de l’habillement?
Par Laurence Faguer, expert retail FrenchWeb
Avouons-le, Costco n’est pas la première destination à laquelle on pense spontanément pour acheter un vêtement.
Et pourtant, le club-entrepôts Costco vend aux Etats-Unis pour 7 milliards de dollars de vêtements chaque année, soit plus que Old Navy, Neiman Marcus ou Ralph Lauren. Voici les raisons:
Pourquoi je tenais à en parler?
Parce que de nombreuses personnes –y compris moi-même– estimons que la manière traditionnelle de vendre des vêtements n’est plus adaptée.
C’est sûrement en partie vrai, si l’on en juge les difficultés de certaines enseignes. Et, de l’autre côté du prisme, lorsque l’on constate le succès de marques de vêtements et accessoires direct-to-consumer, digitale native (Everlane, Greats, …), de plateformes retail reposant sur l’inscription et la data (Stitch Fix, Techstyle Fashion Group , maison mère de JustFab, Fabletics…), de modèles de location (Run the Runway) ou encore d’achat-vente de seconde main dans le luxe (The RealReal, qui vient de faire une entrée réussie au Nasdaq) ou de Poshmark, la communauté d’achat-vente de mode sur appli aux 40 millions de membres.
Que se passe-t-il?
Les consommateurs adeptes de la Conscious Consuption se tournent vers les nouvelles marques dont une majorité ne sont même pas vendues dans les magasins physiques. La communauté FAB (Fashion and BeautyTech ) les présente au fil de ses réunions dans le monde entier, comme celle de fin Juin à San Francisco, animée par sa fondatrice Odile Roujol.
Courtenay Brown, dans le Washington Post, prend comme exemple Kylie Cosmetics et Brandless et s’appuie sur un rapport de Bain & Co. :
- «Les nouvelles marques ont enregistré 31 % de la croissance du chiffre d’affaires au cours des quatre dernières années – une augmentation par rapport aux 27 % des années précédentes.
- Les barrières à l’entrée et le coût de lancement d’une nouvelle marque n’ont jamais été aussi bas
- Amazon a lancé des centaines de marques en propre».
Est-ce à dire que tous les consommateurs –de tous les âges– sont devenus adeptes de ces new brands? Peut-être pas, si l’on en juge par le contre-exmple Costco.
Les faits chez Costco US
- Le chiffre d’affaires de la catégorie « vêtements» a augmenté chez Cotsto US d’environ 9 % par an depuis 2015, dépassant la croissance des ventes de produits alimentaires et électroniques, selon les récents chiffres publiés par l’enseigne.
- L’enseigne est devenue pour certains membres un lieu de destination pour la catégorie vêtements.
- Ni vitrine, ni mannequin, ni même cabine d’essayage dans les 800 Costco aux Etats-Unis (et pas de Try-at-home pour autant, comme le proposent Amazon US ou Etam, par exemple). Juste des piles de vêtements signés Tommy Hilfiger, Eddie Bauer ou Calvin Klein, à côté de la marque en propre Kirkland de Costco, pliés et empilés sur des tables, jouxtant les rayons détergents ou pâtes, eux vendus en grandes quantités.
Comment s’y prend Costco US?
Ce qui a changé
- La marchandise – Les vêtements ne sont plus “ringards”, comme cela pu l’être dans le passé. Davantage de “grandes marques», de couleurs et de style. Une cliente de Costco habitant près de Dallas, Kelly Davis, le résume ainsi dans The Washington Post : «Costco a vraiment amélioré son jeu. Les vêtements sont élégants. Il ne s’agit plus uniquement de vieux trucs de mémère.»
Ce qui n’a pas changé
- Le modèle – Costco continue de faire 95 % de son activité in-store. Aux Etats-Unis, ses 85 millions de membres règlent une cotisation annuelle, qui démarre à $60, afin de pouvoir acheter alimentation, électronique, produits pour la maison et vêtements à un prix proche du prix en gros (à cela s’ajoute de multiples avantages en qualité de membre: voyages, auto, assurance, santé, etc…).
- La Chasse aux Trésors – Au rayon vêtements subsiste ce qui fait le succès de Costco sur les autres catégories : la surprise de dénicher la bonne affaire. Aujourd’hui, un jeans Lucky Brand, une doudoune North Face. Stock disponible limité. C’est la chasse aux Trésors à chaque fois que l’on franchit la porte d’entrée. Ce sont d’ailleurs ces mêmes raisons qui poussent les consommateurs – quelque soit leur âge et leur pouvoir d’achat – à acheter dans les grands magasins à bas prix tels que T.J. Maxx et Marshall (qui se portent très bien) : le frisson de la chasse.
- Le prix bas – Selon les analystes, Costco table sur 15% de marge. Ce qui fait que l’on peut trouver une doudoune pour homme North Face vendue $69.97 sur Costco.com (au lieu de $149.99 partout ailleurs sur Internet).
La force Costco
- Sa puissance de négociation : L’entreprise réalise un chiffre d’affaires annuel de 141 milliards de dollars; elle est le quatrième retailer, derrière Walmart, Kroger et Amazon.
- Sa clientèle : en moyenne, les membres de Costco US ont un revenu annuel par foyer égal ou supérieur $100 000. Les grandes marques sont attirées premièrement par le pouvoir d’achat de cette clientèle, et deuxièmement par le fait que celle-ci ne va pas “ternir” leur image, d’autant que ces articles griffés se vendent rapidement, en un ou deux jours.
- Le faible choix : le client Costco ne recherche pas l’hyper-choix. Choisir entre des douzaines de styles de jeans n’est pas son “truc”. Au contraire, il demande que l’enseigne, dont il est membre et en qui il a confiance – fasse le choix pour lui, en lui offrant juste une poignée d’options infaillibles. Pour ses courses, mais aussi ses vêtements. Par contre, il doit faire vite. Demain il n’y en aura plus…
Autre force de frappe; le Costco Connection Magazine, envoyé à environ 85 millions de foyers (les membres aux Etats-Unis, hors ceux qui ont opté pour ne pas recevoir le magazine).
L’éventuelle faiblesse de Costco… dans le futur
La clientèle de Costco, aujourd’hui un atout pour son rayon « vêtements», peut s’avérer une difficulté par la suite. Nous savons que les jeunes consommateurs veulent acheter des produits de marques éthiques, en pointe sur les questions de durabilité des vêtements. Leurs aînés le sont, en moyenne, moins. Or l’âge moyen des membres de Costco est 50+.
Ceci dit, rien n’est vraiment tranché. Comme l’explique Kaleigh Moore dans Forbes, les consommateurs sont d’accord dans l’ensemble pour acheter des marques éthiques, mais pas toujours pour l’acheter plus cher.
Elle cite une étude publiée par le prestataire Nesco qui montre que parmi 2000 consommateurs interrogés (UK et US), 52% des consommateurs veulent que l’industrie de la mode suive des pratiques plus durables, mais seulement 29% de ces consommateurs paieraient plus pour des versions de ces produits fabriquées de façon durable.
En attendant, un dernier signe qui montre que Costco fait jeu égal avec les enseignes mode : l’enseigne a aussi ses propres influenceurs et clients – comme Stephanie Kretschmer, 39 ans (compte Instagram @costcocasual) ou encore la cliente de Dallas Kelly Davis (compte Instagram) qui toutes les deux exposent sur Instagram leurs dernières trouvailles achetées chez Costco.
La correspondante :
Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse « go-between » France et USA, fondatrice de Customer Insight.
A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en Digital, Mobile et Retail aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve aux U.S.
Laurence est expert US pour FrenchWeb qui reprend de temps à autres la publication des articles de son blog.
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