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Comment la Chine place ses pions sur le marché de l’impression 3D

En impression 3D comme dans d’autres secteurs, la Chine est davantage reconnue comme l’usine du monde que comme une terre d’innovations. Pourtant, les lignes bougent. Le marché chinois de l’impression 3D évolue rapidement et le pays affiche son ambition de devenir un acteur international incontournable, comme le souligne le récent accord de partenariat entre le champion Français Prodways et le fabricant Chinois Farsoon.

Le marché de l’impression 3D en Chine est en forte croissance. Depuis 2010, le marché mondial de l’impression 3D connait une croissance annuelle supérieure à 30%, atteignant 4,1 milliards de dollars en 2014. En Chine, ce marché comptant une centaine de fabricants représentait 725 millions de dollars en 2014 pour une croissance annuelle de 40%, et devrait dépasser 3,15 milliards de dollars en 2018 selon ResearchInChina.

Cette croissance rapide est soutenue par une volonté de l’Etat. L’environnement politique est en effet favorable à la montée en puissance de l’impression 3D en Chine. Le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information Chinois a présenté en 2015 son plan national de promotion de l’impression 3D, qui vise à accélérer le développement de cette technologie et son intégration dans les secteurs clés de l’économie. Un autre exemple du volontarisme du gouvernement : la Chine souhaite équiper 400 000 écoles d’imprimantes 3D d’ici 2016. Un chiffre qui semble cependant très élevé au vu des projections mondiales de ventes pour 2016, de 500 000 unités selon Gartner.

La législation évolue également, créant des opportunités pour les fabricants étrangers tel le Suédois Arcam qui a vendu en septembre 2015 cinq imprimantes 3D industrielles au groupe Chinois Beijing AK Medical, suite à un décret autorisant la commercialisation d’implants médicaux imprimés en 3D.

La Chine monte en gamme sur les imprimantes 3D personnelles. Dès l’apparition des premiers modèles d’imprimantes 3D de bureau aux alentours de 2010, de nombreux fabricants Chinois ont mis sur le marché des machines largement inspirées des modèles phares américains, aux performances inégales mais à des prix imbattables. C’est le cas par exemple de la Duplicator de Wanhao, qui rappelle beaucoup la Replicator de Makerbot. Aujourd’hui, ces fabricants étoffent leur gamme et améliorent leurs machines. Tiertime, leader du marché Chinois des imprimantes 3D de bureau, a ainsi lancé en 2015 la UP Box, une imprimante à châssis fermé offrant des options innovantes comme un filtre à air, qui a rencontré un franc succès international.

Certains fabricants, comme Mankati, visent exclusivement le marché occidental et en adoptent les codes Marketing : site Internet en Anglais, service après-vente soigné, présence sur les réseaux sociaux… Rien n’est laissé au hasard. Côté distribution, après avoir investi les canaux Internet comme Amazon ou Alibaba, ils développent leur réseau de revendeurs spécialisés pour s’implanter de manière durable sur de nouveaux marchés.

Le secteur des imprimantes 3D industrielles est en pleine consolidation. L’écosystème des fabricants d’imprimantes 3D industrielles est très morcelé et principalement composé de PME. Ce marché, dont les acteurs sont encore largement méconnus sur la scène internationale, est en cours de consolidation. Des rachats ou alliances stratégiques donnent naissance à de grands groupes, alternatives potentielles aux leaders du secteur 3D Systems et Stratasys (34% du marché industriel mondial à eux deux). Ces mutations du secteur industriel sont favorisées par l’arrivée à expiration de brevets liés à l’impression 3D, qui tombent dans le domaine public et peuvent être expoités par les fabricants Chinois. Dans ce contexte, trois acteurs de poids émergent : Tiertime, Farsoon, et Shining 3D.

Le pallier suivant à franchir pour devenir un acteur d’envergure internationale : détenir un portefeuille de produits couvrant plusieurs technologies d’impression pour répondre aux besoins des plus gros clients de machines industrielles. C’est l’objectif du Français Prodways, spécialiste de l’impression de céramiques, en s’alliant avec le Chinois Hunan Farsoon, qui maitrise l’impression de métaux. La volonté affichée de ce nouveau géant est de devenir le 3e fabricant mondial d’imprimantes 3D, voire de dépasser ses concurrents américains Stratasys et 3D Systems, qui peinent à maintenir leur croissance.

La Chine mise sur la R&D pour prendre de l’avance sur des sujets stratégiques. La Chine ambitionne de montrer la voie sur des secteurs à fort potentiel, comme la bio impression 3D, technique qui consiste à fabriquer des tissus vivants et des organes fonctionnels pour des applications dans le secteur médical notamment. En 2013, une annonce à la portée mondiale a mis la recherche Chinoise sur le devant de la scène : l’Université de Hangzhou Dianzi a dévoilé une des toutes premières bio imprimante 3D, la Regenovo. Celle-ci est déjà capable de produire des échantillons de foie et Xu Ming’en, le concepteur de la Regenovo, prévoit des organes complets imprimés en 3D d’ici dix à vingt ans.

Autre domaine d’avenir, l’impression 3D de bâtiments a le vent en poupe. En 2014, WinSun annonce l’impression 3D de 10 maisons en moins de 24 heures. D’abord perçue comme un canular, cette annonce s’impose finalement comme une première mondiale. WinSun réédite même l’exploit en 2015, en imprimant cette fois un immeuble de quatre étages et une villa entière. Si la viabilité de ce type de projets reste discutable, ces nouvelles font néanmoins le tour du monde et placent la Chine en position de précurseur dans ce nouveau domaine d’applications.

Des partenariats avec des fabricants étrangers, un alignement sur les standards de fiabilité et de qualité établis par les leaders actuels du secteur, ainsi qu’un effort de visibilité, semblent incontournables pour que la Chine réussisse à s’imposer dans un marché international en pleine croissance. Cela ne l’empêche pas d’afficher de grandes ambitions et avec le soutien de son gouvernement, l’Empire du Milieu semble bien parti pour devenir un acteur majeur de l’impression 3D. Une approche dont la France ferait bien de s’inspirer.

aniwaa-3DPierre-Antoine Arrighi et Martin Lansard sont les co-fondateurs d’Aniwaa, une startup dont le but est d’organiser et de rendre accessibles les données du secteur de l’impression 3D. Leur nouveau site, lancé en septembre 2015, permet ainsi de facilement comparer plus de 1300 produits dont 860 imprimantes 3D.

Pierre-Antoine est diplômé de l’EENSHEIT et Docteur en Management de l’Innovation, et Martin est diplômé de l’EDHEC. Après 5 ans chez Dassault Systèmes et Google respectivement, ils lancent Aniwaa en 2013, qui devient rapidement une référence du secteur de l’impression 3D.

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