
Comment les marques de biens de consommation peuvent absorber un choc tarifaire
La décision de Donald Trump d’imposer des droits de douane massifs sur l’ensemble des importations, jusqu’à 54 % sur certains pays, redistribue brutalement les cartes du commerce international. Pour les marques de biens de consommation, ce changement de cadre n’est pas un ajustement marginal : c’est un choc structurel qui remet en cause leurs équilibres économiques.
Une pression immédiate sur les coûts
Dans la majorité des modèles économiques du retail, les coûts d’importation représentent une part significative du prix final. Pour les entreprises comme Essor, la part des produits importés dans le prix consommateur atteint 25 %. Une hausse de 54 % des droits de douane se traduit donc mécaniquement par une augmentation de 13 à 15 % du prix final. Pour les marques, le choix est binaire : absorber cette hausse en réduisant leurs marges, ou la répercuter intégralement sur les consommateurs, avec un risque sur la demande.
La réalité impose une troisième voie : arbitrer. Catégorie par catégorie, marque par marque, les entreprises doivent décider où elles peuvent maintenir leurs prix et où elles doivent les augmenter sans perdre de volume significatif. Cet exercice suppose une connaissance fine de la sensibilité prix, de la concurrence et de l’élasticité de chaque gamme.
Trois leviers d’adaptation
1. Répercussion sélective des prix
Le premier levier est celui du pricing différencié. Toutes les hausses de prix ne se valent pas. Dans les produits de santé, de beauté ou d’hygiène, certains segments sont peu sensibles au prix, en particulier dans les marques à forte valeur perçue. Ces catégories peuvent absorber une hausse sans perte immédiate de volumes. D’autres, plus banalisées ou concurrencées par des marques distributeurs, nécessitent un traitement plus prudent.
2. Reconfiguration du sourcing
Le deuxième levier est stratégique : revoir la chaîne d’approvisionnement. Les hausses tarifaires ciblent des zones précises (Chine, Vietnam, Thaïlande, Inde). Les entreprises qui disposent de fournisseurs alternatifs dans des pays non concernés, ou capables de relocaliser partiellement leur production, peuvent réduire leur exposition. Cette flexibilité dépend du degré de dépendance à certains savoir-faire, des contraintes logistiques et des volumes concernés.
3. Rationalisation de l’offre
Enfin, un ajustement du portefeuille produit permet d’amortir le choc. Réduction du nombre de références importées, concentration sur les best-sellers, mise en avant des gammes locales ou européennes : cette stratégie vise à concentrer les efforts marketing et logistiques sur les produits les plus rentables ou les moins impactés par les nouvelles règles douanières.
Une opportunité inattendue : la disparition du low-cost extrême
L’un des effets collatéraux immédiats de cette politique tarifaire est la fin des failles douanières utilisées par des plateformes comme Temu, Shein ou Aliexpress. Ces acteurs, qui bénéficiaient jusqu’ici d’exemptions pour les petits colis directs aux consommateurs, voient leur modèle économique fragilisé. Le segment ultra low-cost, dopé par ces canaux, est brutalement freiné.
Pour les marques plus établies, c’est une fenêtre d’opportunité. Moins concurrencées sur le prix, elles peuvent repositionner leurs gammes, travailler la valeur perçue et regagner des parts de marché dans des segments érodés depuis plusieurs années.
Un test de résilience stratégique
Ce choc tarifaire agit comme un révélateur. Il distingue les entreprises rigides, dépendantes d’un pays ou d’un modèle low-cost, de celles qui ont diversifié leur sourcing, segmenté leur pricing et consolidé leur marque. Dans un environnement incertain, marqué par les tensions commerciales et les recompositions géopolitiques, la résilience passe désormais par la capacité à piloter les hausses de coûts sans compromettre ni la rentabilité, ni la demande.