Comment mieux organiser le financement européen de nos start-up et PME
Nous sommes à mi-chemin du fameux programme européen Horizon 2020. Dans le cadre de ce programme de financement des start-up et PME européennes, la Commission européenne a signé pour la période 2014-2015 pas moins de 9000 conventions de subventionnement pour un montant proche de 16 milliards d’euros. Soit une moyenne de 1,75 millions par projet.
Mais ce succès a aussi son revers. Avec plus de 76.000 dossiers reçus, le taux de succès est tombé en dessous de 12%. 7 dossiers sur 8 ne recevront pas de subvention et les efforts réalisés pour les 67.000 dossiers non-retenus correspondent à un gâchis de 645 millions d’euros. Pour la France, ceci correspond à plus de 1 million d’heures de travail perdues sur 2014-2015.
La Commission européenne vient de lancer une procédure pour évaluer ce dispositif. Vous pouvez laisser vos commentaires jusqu’au 15 Janvier 2017 à cette adresse. Afin d’améliorer le programme H2020, je suggère quelques recommandations:
Inclure les nouveaux projets à délai d’innovation extra-court
L’Europe finance des projets sur des durées de 18 à 36 mois, alors que nous connaissons de plus en plus de projets innovants de 6 à 12 mois. Il faudrait créer un dispositif pour soutenir ce type de projet.
Des textes plus explicites dans les différents appels
Même si les textes des appels sont de plus en plus précis, il faut encore en améliorer leur compréhension en y intégrant les attentes de la Commission. Quand je regarde la liste les gagnants de l’appel Instrument PME « Open Disruptive Innovation Scheme », j’ai du mal à relier les dossiers au titre de l’appel et je ne suis pas le seul.
Quant aux critères d’évaluation des dossiers, la Commission a réalisé plusieurs écrits clarifiant le sujet. Reste que les textes sont en anglais et qu’une bonne traduction en langue française aiderait nos équipes. Mais en France qui prendra ce coût à sa charge?
Une plus grande utilisation de l'évaluation en deux étapes
Pour réduire le taux d’échec, il serait préférable de passer par un pré-dossier qui, s’il est retenu par la commission, déboucherait sur le montage d’un dossier complet. Ceci permettrait d’optimiser les efforts de tous sous condition que la validation des pré-dossiers aboutisse à un taux de succès pour le dossier final d’au moins 40%. L’inconvénient majeur est lié au délai d’instruction qui risque de se rallonger d’au moins 6 mois ; pas nécessairement compatible avec le raccourcissement des plannings des projets innovants que nous constatons.
Niveau national : un vrai accompagnement d’Excellence
Nous devons mieux aider nos entrepreneurs à monter des dossiers européens. Certains pôles de compétitivités ont mis en place des séances de relecture avec des cabinets partenaires. Mais en étant «juge et partie», il y a conflit d’intérêt.
Il faut dire que ces cabinets arrivent trop tard, leurs interventions devraient commencer par la validation de l’éligibilité du projet et de la concordance avec les objectifs clés de la Commission européenne. Pour maintenir leur chiffre d’affaires, trop de cabinets montent le dossier sans avoir respecté ces éléments de base.
La maîtrise du vocabulaire de la Commission est essentielle à la rédaction du dossier. Nos points de contact nationaux (PCN) évangélisent bien le contenu des appels et des résultats mais les bonnes pratiques sont très peu relayées dans le milieu de l’innovation et des entreprises.
A quand un Monsieur/Madame pédagogie en France pour bien répondre aux programmes européens ?
Pour faciliter ce travail de montage des dossiers, il serait également bien d’étudier une harmonisation entre les structures des dossiers nationaux et européens (et le format des business plans) permettant de gagner en efficacité tout en ne faisant pas systématiquement appel à des cabinets spécialisés.
Une notation argumentée des évaluateurs
Perdre est décevant surtout avec peu d’explication (on reçoit dans la plupart des cas une notation sur l’impact, l’excellence ainsi que sur la qualité et l’efficacité de la mise en œuvre). Un retour argumenté des évaluateurs est nécessaire pour que les équipes puissent comprendre les forces et les faiblesses de leur dossier. Même sentiment d’échec avec le fameux «seal of excellence» qui est attribué à de très bonnes propositions non-finançables suite à des restrictions budgétaires européennes. En outre, ces dossiers sont renvoyés vers un guichet national, ce qui ne fait pas très professionnel et engendre des frustrations supplémentaires.
Dernier point, pour ceux qui ne le savent pas, beaucoup de dossiers gagnants sont des re-soumissions. Cependant il faut que la commission puisse annoncer l’élimination définitive des dossiers qui ne correspondant pas à l’appel ; ce qui évitera des efforts inutiles. Pour l’instant, cette procédure n’existe pas et c’est dommage.
Plus de R ou plus de D dans la R&D? Et l’innovation de rupture dans tout ça?
C’est un choix cornélien : faut-il financer plus en amont ou plus en aval? Je pense les deux. Le critère de pouvoir créer un impact fort doit être respecté. La Commission européenne a annoncé à plusieurs reprises son souhait de créer des licornes basées sur des innovations de rupture. Mais peu de licornes ont été financées via les appels Européens probablement par le fait que leurs innovations sont trop en avance de leur temps pour être discernées par les évaluateurs.
Pour réussir la création de licornes, il faut mieux comprendre les spécificités de ces licornes et leur soif en financement mais ça sera pour une autre tribune… peut-être en anglais pour que la Commission puisse le lire directement.
Voilà mes 6 propositions pour faire bouger les lignes du financement européen de l’innovation. A quand une telle enquête sur les dispositifs français?
Alliant une formation d’ingénieur à l’Insead, un esprit entrepreneur et des expériences en France et à l’International, Erik Van Rompay est un expert référent sur l’innovation en Europe.
Avec cinq années chez Walt Disney Imagineering à son actif, il a travaillé à la réalisation de plusieurs projets industriels pour Ford Motors, Volvo, Daf Trucks et Rolls Royce, ainsi qu'à la création de 5 start-up. Cette expérience lui a permis de maîtriser toute la problématique de la start-up jusqu’au grand groupe industriel.
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