Comment passer de l’outil digital en silo à un système de soins transformé?
Par Denise Silber, experte e-santé, fondatrice de Basil Strategies
Où en est le secteur de la santé en France, en matière de transformation digitale? Au regard du nombre de startups en e-santé, 299, selon le dernier bilan de la BPI, alors qu’il n’y en avait qu’à peu près la moitié il y a trois ans, nous pourrions penser que la transformation avance à toute vitesse.
Principales catégories de startups en e-santé en France | Nombre de startups par catégorie |
Optimisation du parcours de soin | 29 |
Base de données de professionnels de santé et prise de rendez-vous | 28 |
Télésurveillance, monitoring, suivi | 27 |
Assistance aux personnes âgées | 23 |
Facilitation du traitement | 21 |
Aide au diagnostic | 20 |
Mais ces startups ne grandissent pas forcément car des offres santé en «silo» sont souvent peu connues et peu utilisées car elles ne s’intègrent pas dans le «workflow» des professionnels. Les outils de prise de rendez-vous font exception. Ils sont adoptés parce qu’ils permettent aux professionnels de faire le meilleur usage de leur denrée la plus rare, leur agenda de consultations. Et dans cette catégorie, Doctolib a su suffisamment démontrer son efficience aux professionnels et aux patients, pour être largement diffusé. Doctolib est depuis sa dernière levée de fonds l’une des quatre licornes françaises.
D’où viendra alors la transformation digitale du système de soins? Quel acteur de la santé réussira à mettre bout à bout ces innovations et à les proposer largement? Réponse: celui qui soignera le modèle économique, en alignant les incentives de toutes les parties prenantes. Ce n’est pas nécessairement la technologie la plus originale qui sera retenue, mais le package qui tiendra compte de l’intérêt de tous.
Une telle offre intégrée «digitale et physique» est peut-être en train d’émerger en France par l’intermédiaire de Ramsay Générale de Santé, acteur majeur de l’hospitalisation privée. Ramsay, d’origine australienne, s’est installé par acquisitions successives en France, en Scandinavie, en Allemagne, et en Italie.
Il y a deux ans, Ramsay a lancé un portail en ligne destiné à simplifier les démarches administratives et faciliter l’hospitalisation de ses patients. Ce portail comprend le paiement en ligne, la signature électronique de documents et plusieurs autres services:
- l’admission en ligne avec
- un enregistrement de l’hospitalisation,
- la prise de rendez-vous avec l’anesthésiste,
- le choix du niveau de confort de la chambre,
- les informations concernant la prise en charge de la mutuelle,
- des conseils pratiques
- une offre de services de type aide-ménagère, auxiliaire de vie, livraison de repas…
- un questionnaire de satisfaction patient
- un suivi post hospitalisation
Puis, lors d’une conférence de presse le 5 septembre 2019, Ramsay Générale de Santé (dans le système intégré, patient et médecin utilisent une série d’applications) a fait part de leur nouvelle expérimentation. Suite à l’intégration du groupe suédois Capio, Ramsay Générale de Santé étudie en France l’implantation de structures de soins de proximité de type scandinave (Proximity Care Centers), qui intègrent le numérique au quotidien des patients et professionnels.
Dans ce modèle, le patient choisit son centre primaire qui perçoit ainsi une rémunération forfaitaire annuelle, que le patient consulte ou non. La somme varie de 46 à 300 euros selon l’âge et condition médicale de la personne. Au lieu de se précipiter aux urgences, le patient, moyennant l’application «Capio Go» peut gratuitement contacter son centre de proximité par téléphone, par texto, par téléconsultation, ou encore en s’y rendant sans rendez-vous. Rappelons qu’en France, il existe des maisons médicales pluridisciplinaires, mais le paiement est à l’acte.
Selon le directeur innovation médicale et expérience patient de Ramsay Générale de Santé, François Demesmay, «Ces structures nouvelles, financées à la ‘capitation’, privilégient la pertinence des actes et la prévention. En outre, elles développent la culture de l’évaluation systématique du résultat.»
C’est la recherche du résultat clinique qui favorise l’adoption du digital. Dans cet exemple de système de soins intégré à la suédoise, le professionnel accède à distance à toutes les données du patient et à toutes les applications qui lui permettront de savoir si le patient peut rester à distance ou doit se présenter en personne. C’est «le digital quand on peut et le physique quand il le faut» nous explique la directrice du laboratoire de recherche Ramsay, le Dr. Towa Jexmark.
Inutile de dire que ces centres de proximité couplés de services à distance sont très attendus dans les déserts médicaux français….à condition qu’ils soient bien servis en bande passante. Mais cela est une autre histoire.
« Cette conférence du 20-21 septembre à Auzon, «Universite des déserts médicaux et numériques» fondée par un patient engagé, Guillaume de Durat, traite de la double peine des zones blanches en France.»
La contributrice:
Denise Silber, présidente de Basil Strategies et fondatrice des événements Doctors 2.0 & You, est conférencière et consultante en communication de la santé digitale. Sa volonté d’améliorer la qualité des soins et de renforcer le rôle des patients la conduit depuis les débuts du Web à s’engager dans ce nouvel écosystème.
Conseillère des acteurs de santé publics et privés et communicante sur les réseaux, par l’intermédiaire des événements, et des publications pour l’Institut Montaigne, elle devient rapidement leader d’opinion digital en France et à l’international. Décorée de la Légion d’honneur en 2011, puis nommée aux «Inspiring Fifty», le top cinquante femmes inspirantes de la tech en France en 2018, Denise Silber, franco-américaine, est titulaire du MBA de Harvard et vice-présidente du Harvard Club de France.
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